Arrestation d'un manifestant lors d'un mouvement de grève, au cours du mois d'avril 1913. © MAURICE BRANGER/PHOTO NEWS

24 avril 1913 : la gauche belge ne sera pas révolutionnaire

Une mobilisation énorme. Telle qu’on n’en avait encore jamais vue. Des chiffres ? Pas facile d’en donner. Car il n’est pas simple d’en trouver des fiables. A l’échelle du pays, ils auraient été plusieurs centaines de milliers à débrayer. 300 000, 400 000 peut-être. Animés d’un même désir : être reconnus comme citoyens à part entière. Et obtenir le droit de vote. Mais si la mobilisation étonne, la démobilisation surprend aussi.

Le 24 avril 1913, après dix jours, les grévistes reprennent le chemin du boulot. Sagesse ? Ou manque de persévérance ? Même Lénine prendra position : pour le dirigeant communiste, l’arrêt des grévistes belges marquait la négation de la lutte des classes.

Ce n’est évidemment pas la première fois que l’on fait grève en Belgique. En 1897, dans le Hainaut et en pays de Liège, les mineurs stoppent le boulot pour réclamer une modification de leur règlement de travail. En 1899, c’est dans les charbonnages des mêmes provinces que l’on abandonne l’outil. En cause ? La misère des salaires ! Deux ans plus tard, c’est pour la même raison que les dockers anversois haussent le ton. Les grèves générales sont plus rares. Mais il y en a déjà eu. En 1893 et en 1902, les travailleurs débraient dans l’ensemble du pays. Déjà, c’est une modification du suffrage qu’ils demandent.

Depuis 1884, les catholiques règnent en maîtres sur le Royaume. Comment les renverser ? En s’unifiant, bien sûr ! En 1912, socialistes et libéraux se présentent ensemble face aux cléricaux. Mais la stratégie du cartel échoue. Agitant la  » menace rouge « , les catholiques parviennent à en effrayer plus d’un. Aux législatives du 2 juin, même certains libéraux votent pour les catholiques, qui renforcent leur majorité absolue. Dans la foulée, des incidents éclatent. A Liège, par exemple, l’armée doit intervenir, et l’on dénombre quatre morts. Le Parti ouvrier belge (POB) lance alors un appel au calme. Il marque ainsi déjà ses faveurs : à la révolution, il préfère la légalité.

Pour autant, le POB n’entend pas abdiquer. Après l’échec des urnes, il mûrit une autre stratégie : une grève générale. Mais pas n’importe comment. Le mouvement sera  » organisé, général et pacifique « , insiste-t-on. Durant dix mois, il est minutieusement préparé. Le 14 avril 1913, il peut donc commencer. Et d’emblée, il en impose. Au premier jour, 50 % des travailleurs sont absents dans les charbonnages de Liège. Le lendemain, le chiffre passe à 80 % !

Le mouvement impressionne. Tandis qu’elles encadrent la grève, les instances du POB ouvrent des négociations avec le gouvernement. Charles de Broqueville, son chef, se montre ouvert. Il propose de créer une commission parlementaire. Pour le POB, la promesse est déjà une victoire. Le 24 avril, le Congrès socialiste décide la reprise du travail. Définitivement, la gauche belge opte pour la voie réformatrice. Il faudra toutefois encore attendre la guerre et l’influence du roi Albert pour que le suffrage universel (masculin) soit enfin octroyé.

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