Joseph II © iStock

1790, l’année où la Belgique était une république

Stagiaire Le Vif

Nous célébrons ce dimanche 21 juillet la fête nationale, date qui commémore la Révolution de 1830 et l’indépendance de la Belgique. Fait moins connu du grand public : le pays a déjà fait l’expérience – assez courte – de l’indépendance. En effet, en 1789, la population belge se soulève contre la domination autrichienne et forme une république !

Au 18e siècle, la Belgique, qu’on appelle toujours Pays-Bas, est sous domination autrichienne. À la fin du siècle, l’empereur d’Autriche est Joseph II, grand-frère de la célèbre reine Marie-Antoinette. C’est un despote éclairé : inspiré par les idées des Lumières, il veut mettre en place des mesures progressistes tout en réaffirmant son pouvoir.

Durant les années 1780, Joseph II promulgue différentes mesures pour améliorer, selon lui, le bien-être de la population. Cependant, les Belges se montrent plutôt conservateurs et refusent ces nouvelles lois. Dès 1787, la population se révolte contre le pouvoir en place.

Des réformes progressistes qui ne passent pas

Mû par les idéaux des Lumières, Joseph II veut complètement réformer l’ordre établi aux Pays-Bas. Il vide le système des corporations de métier qui empêche la concurrence, pourtant bénéfique pour le peuple puisqu’elle entraine une baisse des prix. Il met également en place différentes lois qui écartent de plus en plus l’Église des affaires politiques. Pour le souverain, qui est pourtant un fervent catholique, la religion doit rester une affaire privée. Joseph II s’attaque aussi à l’administration. Alors que depuis des centaines d’années chaque province dispose de sa propre assemblée, le monarque centralise toutes les institutions et nomme un ministre plénipotentiaire. Enfin, il réorganise le système judiciaire, encore divisé en juridictions urbaines, seigneuriales et ecclésiastiques. Un système très hiérarchisé est mis en place.

Le monarque souhaite améliorer les conditions de vie de ses sujets et promulgue des lois en ce sens. Il veut rendre les institutions (économiques, politiques, judiciaires) plus efficaces et rationnelles.

Toutes les mesures de Joseph II ne sont pas comprises par la population. Elle estime que leur souverain ne respecte pas les Joyeuses Entrées, sorte de constitution qu’un monarque doit signer lorsqu’il prête serment.

La Petite révolution brabançonne (1787)

Un premier mouvement de révolte naît en avril 1787 dans les provinces du Brabant et du Hainaut poussé par Henri Van der Noot, avocat bruxellois qui aimerait se libérer de la domination de Joseph II. Il a autour de lui une petite communauté qui partage ses idées dont les membres sont appelés les Staatistes. Les états provinciaux refusent de publier les nouvelles lois et de payer l’impôt en signe de protestation. Plusieurs manifestations ont lieu dans des villes telles que Mons ou Anvers.

Occupé par la guerre contre la Turquie, Joseph II décide d’abandonner provisoirement la réorganisation judiciaire et la suppression des corporations de métier. Il ne renonce cependant pas aux réformes religieuses. Le clergé pratique alors une sorte de révolution passive en boycottant toutes les nouvelles lois.

Les pouvoirs locaux forment des milices pour se défendre en cas d’émeute ou d’attaque autrichienne. Ils savent que Joseph II n’a pas renoncé complètement à son désir de réforme. D’ailleurs, en décembre 1787, les autorités impériales rétablissent les édits.

Malgré cela, une période de stabilité s’installe jusqu’en novembre 1788, lorsque le Brabant et le Hainaut refusent une nouvelle fois de lever l’impôt. Cette fois-ci, des affrontements politiques et armés ont lieu.

Portrait de Joseph II
Portrait de Joseph II© iStock

La Révolution brabançonne ou Révolution belgique (1789)

En juin 1789, la levée fixe d’impôt est imposée à tous les états provinciaux et les Joyeuses Entrées sont révoquées. Les institutions locales résistent et mobilisent des représentants très variés de la société (marchands, nobles, prêtres, avocats …). Une association secrète menée par l’avocat Jean-François Vonck est mise sur pieds. L’objectif est le départ du pouvoir autrichien.

Une véritable révolution ouverte se met en place. La population se lance dans des batailles contre le pouvoir autrichien et remporte bon nombre de victoires. En conséquence, la désertion est de plus en plus fréquente dans l’armée impériale. Un nombre croissant de localités est libéré du joug autrichien.

Lorsque Bruxelles se soulève, l’armée est contrainte de se replier au Luxembourg. Elle doit toutefois quitter les lieux car les états du Luxembourg s’investissent dans la souveraineté du duché.

Le 30 novembre, les provinces de Brabant, Hainaut et Flandre signent le Traité d’Union qui prévoit la constitution d’une assemblée souveraine.

La parenthèse républicaine : les États belgiques unis

Les États belgiques unis sont créés le 11 janvier 1790. Tous les états provinciaux, sauf le Luxembourg, forment ensemble une confédération indépendante. Pendant moins d’une année, la Belgique connait la seule parenthèse républicaine de son histoire.

Le Traité d’Union est étendu à l’ensemble des provinces des Pays-Bas. Les états provinciaux s’accordent pour mettre en place de nouvelles institutions centrales. Sont alors créés un Congrès souverain, qui a des compétences militaires, diplomatiques et monétaires, et des États généraux qui se réunissent périodiquement pour régler les questions d’administration générale et les litiges entre provinces. À côté de cela, chaque province déclare individuellement son indépendance. Cela leur permet de garder leur propre législation et système judiciaire. Cette confédération se veut très conservatrice et restaure le pouvoir aux notables et anciens privilégiés.

Les compétences de chaque institution ne sont pas définies clairement. En outre, les deux tendances de la Révolution, les Staatistes et les Vonckistes, ne parviennent pas à s’entendre. Les premiers désirent un retour aux institutions d’Ancien Régimes alors que les deuxièmes sont favorables aux idées progressistes des Lumières. Les intrigues, les manipulations et les agressions sont monnaie courante durant cette période. Ces divergences d’opinions entrainent la fin des États belgiques unis.

Et après ?

Profitant de la situation, les troupes impériales reviennent dans les Pays-Bas pour y rétablir leur domination. Le 3 décembre 1790, les troupes entrent à Bruxelles. Quelques jours plus tard, chaque province est de nouveau sous autorité autrichienne. Joseph II étant décédé au cours de l’année, son frère Léopold II lui succède. Plus conservateur, il restaure les institutions d’Ancien Régime et abolit les réformes de son prédécesseur.

Durant les cinq années qui suivent, l’Autriche et la France se disputent nos territoires. La population belge subit tantôt la domination française, tantôt la domination autrichienne. En 1795, la France annexe définitivement nos territoires jusqu’en 1815 où Guillaume d’Orange les reçoit au Congrès de Vienne. En 1830, les Belges se soulèvent contre la domination hollandaise. L’indépendance est déclarée le 4 octobre de la même année. De manière pérenne cette fois-ci puisque nous fêtons ce dimanche les 189 ans de l’indépendance de la Belgique.

Loreline Dubuisson

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