Verhofstadt © Belga

Verhofstadt: « Les partis d’extrême droite se présentent comme moins radicaux qu’ils ne le sont réellement »

Kamiel Vermeylen Journaliste Knack.be

Mercredi, le député européen Syed Kamall (ERC) a déclaré que le nazisme était basé sur l’idéologie socialiste. Une sortie fracassante qui aura provoqué de nombreux remous, mais qui est surtout symptomatique d’une tendance bien présente et qui risque de prendre de l’ampleur.

Lorsque le social-démocrate allemand Udo Bullmann, lors d’un discours sur le Brexit et la migration, fulmine contre « les partis d’extrême droite et les partis nationalistes de droite qui sapent l’Union européenne », c’est le président du groupe des conservateurs et réformateurs européens, Syed Kamall qui tique. « Il faut se rappeler que les nazis étaient national-socialistes. C’est un courant du socialisme », a déclaré le député britannique au Parlement européen. De quoi provoquer un tollé dans l’hémisphère européen à Strasbourg. Entre-temps, Kamall s’est excusé pour ses déclarations, mais la consternation reste.

Guy Verhofstadt, chef du groupe des libéraux européens (ADLE), a lui immédiatement réagi. « Ces déclarations sont une insulte à tous les démocrates qui ont lutté contre les nazis », a riposté Verhofstadt. Selon Verhofstadt, les déclarations de Kamall sont typiques de l’esprit qui règne aujourd’hui. « L’extrémisme de gauche comme de droite doit être combattu. On ne peut ignorer le fait que l’extrême droite en Europe et aux États-Unis applique une stratégie sophistiquée dans laquelle ils se présentent comme moins radicaux qu’ils ne le sont réellement », a déclaré l’ancien Premier ministre belge. « Les politiciens de centre droit joue eux aussi de plus en plus ce jeu, même le respectable Kamall, qui, nota bene, a lui aussi été victime de racisme à plusieurs reprises », ajoute Verhofstadt.

Pour la N-VA, l’affaire est close

La N-VA, qui, comme Kamall, fait partie du groupe ERC, ne veut pas s’attarder plus que nécessaire sur ces déclarations. « M. Kamall s’est entre-temps excusé et a fait savoir qu’il avait un respect absolu pour tous ceux qui luttaient contre le nazisme, le communisme et toute autre forme d’extrémisme. En ce qui nous concerne, l’affaire est close », déclare le député européen Sander Loones. Mais pour Kathleen Van Brempt, qui siège avec les sociaux-démocrates européens (S&D), c’est un peu trop facile. « Comparer un social-démocrate allemand avec un nazi est soit stupide, soit délibérément malveillant », déclare van Brempt. Kamall sait bien que ses déclarations sont fausses, mais comme c’est souvent le cas dans l’EER, le discours de haine populiste prend le pas sur le bon sens. Je pense que tous les membres de l’ECR, y compris les députés flamands de la N-VA, devraient y réfléchir à deux fois avant d’utiliser de telles tirades incendiaires qui poussent à une polarisation extrême de notre société », ajoute Van Brempt.

Le député européen Gerolf Annemans pour le Vlaams Belang (ENF) estime que Kamall a commis une erreur classique. ‘Don’t mention the war. He thought he got away with it’, (Ne parle pas de la guerre. Il pensait s’en tirer « ), Annemans fait référence à la sortie légendaire de John Cleese dans Fawlty Towers. « Kamall ne fait que réagir aux déclarations grossières du rugissant Bullmann. Si l’Allemand veut imposer un second référendum aux Britanniques, c’est parce qu’il ne peut se résoudre au résultat du premier référendum. Les déclarations de Kamall sont imprudentes, mais la manière dont le Parlement européen monte sur ses grands chevaux est elle aussi exagérée. En fait, c’est une tempête dans un verre d’eau « , dit Annemans.

Les organisations extrémistes interdites ?

Selon Hendrik Vos, professeur de politique européenne de l’UGent, les déclarations de Kamall ne sont pas nécessairement exceptionnelles. Pensez à Nigel Farage qui appelait Herman Van Rompuy, alors président du Conseil européen, une loque. Ou l’ancien Premier ministre italien Silvio Berlusconi qui arguait que l’Allemand Martin Schulz aurait pu jouer un garde dans un film sur les camps de concentration allemands. Le président du Parlement européen a le loisir d’intervenir s’il estime que cela dérape. Mais, bien sûr, le parlement doit aussi rester un espace où les opinions peuvent s’exprimer « , dit Vos. Ce dernier prédit par ailleurs qu’il y aura encore d’autres incidents de ce genre dans les mois à venir. À l’approche des élections pour le Parlement européen, les députés tentent, vaille que vaille, de se mettre en avant. « La politique européenne étant moins souvent mentionnée dans les médias nationaux, les parlementaires doivent faire déclarations audacieuses s’ils souhaitent se faire entendre. Dans leur cas, même une mauvaise publicité est une bonne publicité », dit Vos.

Le Parlement européen vient pourtant d’adopter avec une large majorité une résolution dénonçant l’inaction contre les groupes extrémistes. Les députés y demandent l’interdiction des organisations néonazies et néofascistes. Certains députés veulent qu’une section spécialisée contre les crimes haineux soit mise sur pied et que l’on encourage la création d’organisations venant en aide aux membres d’organisations extrémistes, pour, par exemple, les aider à quitter de tels groupes. Enfin, les députés appellent les États membres à condamner fermement la violence xénophobe et homophobe.

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