« Reconstruire Notre-Dame en cinq ans »: c’est possible?

Le Vif

Emmanuel Macron veut achever « d’ici cinq ans » la reconstruction de Notre-Dame, incendiée lundi. La France a-t-elle toutefois les moyens humains, matériels et législatifs de répondre à l’ambition présidentielle alors que le chantier s’annonce titanesque?

En cinq ans, on fait quoi?

« C’est tenable mais il faut faire un bon choix technologique », a expliqué l’architecte Jean-Michel Wilmotte mercredi sur France Inter. « Vu le choix du président de la République, il faut absolument utiliser des matériaux de synthèse. »

« On peut très bien y arriver avec des multinationales qui vont construire ça à toute vitesse comme on fait une tour à La Défense avec du béton armé », renchérit sur RTL Benjamin Mouton, architecte en chef de Notre-Dame jusqu’en 2013.

« Une restauration entre dix et quinze ans me semble raisonnable », avait jugé pour sa part avant l’intervention présidentielle Frédéric Létoffé, co-président du Groupement des entreprises de restauration de monuments historiques (GMH). « Avant de restaurer, la mise en sécurité va demander énormément de travail. »

L’architecte Pierluigi Pericolo, qui a participé à la rénovation de la cathédrale de Nantes, incendiée dans des proportions inférieures en 2015, estimait ainsi sur Franceinfo que cette phase de sécurisation durerait « entre deux et cinq ans ».

Indépendamment du choix des matériaux retenus pour reconstruire, M. Létoffé rappelle lui qu’il y a des durées incompressibles, notamment le séchage qui peut « prendre des mois ». D’autant qu’il faudra poser ensuite « un parapluie » pour protéger des intempéries.

Pas question non plus de mettre la charrue avant les boeufs, c’est-à-dire la charpente avant d’avoir assuré la solidité de la structure, prévient-il encore.

C’est plus long de reconstruire à l’identique?

« Reconstruire à l’identique, aujourd’hui c’est possible humainement et techniquement », rassure François Asselin, président de la CPME et spécialiste de la restauration de charpentes anciennes.

D’autant que les travaux du professeur d’art américain Andrew Tallon ont déjà permis de numériser grandement au laser les recoins de la cathédrale.

« On peut construire un stade en deux ans, mais si on veut utiliser un système traditionnel ça sera bien plus que cinq ans », prévient M. Wilmotte, qui préconise de remplacer le bois de la charpente et le plomb de la couverture par du métal et du titane. « Ca, ça ne brûle pas. »

« Notre-Dame est un édifice emblématique aussi pour les métiers de charpentier, les compagnons. Il ne faut pas louper le rendez-vous », affirme M. Mouton.

La modernité a pourtant l’avantage d’être plus légère, d’autant que la charpente est invisible de l’intérieur. M. Wilmotte redoute cependant les difficultés d’accès au centre de la capitale et appelle à utiliser la Seine pour acheminer les matériaux.

A-t-on les moyens humains et matériels pour mener ce chantier?

La reconstruction de Notre-Dame risque d’être confrontée « à un manque de main d’oeuvre en tailleurs de pierre, charpentiers et couvreurs », a averti mardi le secrétaire général des Compagnons du devoir Jean-Claude Bellanger.

Selon lui, il faudra recruter en apprentissage 100 tailleurs de pierre, 150 charpentiers et 200 couvreurs.

« Notre secteur souffre de manque de jeunes, d’engouement pour ces métiers (mais) on a la capacité de mobiliser du personnel qualifié », veut pourtant croire Frédéric Létoffé. « Et nous avons en France l’ensemble des matériaux à disposition, que ce soit le bois, la pierre, le zinc, le cuivre, le plomb. »

L’assureur Groupama, propriétaire de forêts en Normandie, a même offert les 1.300 chênes centenaires nécessaires à une reconstruction à l’identique.

Quel montant est nécessaire pour la reconstruction?

L’ancien ministre de la Culture Jean-Jacques Aillagon a tiré le premier en donnant une fourchette comprise entre « 600 millions et un milliard d’euros ». Mercredi midi, les promesses de dons, notamment grâce à l’effort du mécénat privé, atteignaient déjà plus de 800 millions d’euros.

« Cette fois, ce n’est pas l’argent qui va manquer », a résumé le Monsieur Patrimoine Stéphane Bern, alors que tant de chefs d’oeuvre en péril ont du mal à trouver des financements.

« On ne sait pas aujourd’hui estimer le coût », relativise toutefois le président du GMH.

Plus que de la collecte des fonds, le problème pourrait venir des contraintes du droit de la construction, de la réglementation, de procédures administratives habituellement longues, de questions d’assurances…

A l’issue d’un Conseil des ministres entièrement dédié à la reconstruction de Notre-Dame, le Premier ministre Edouard Philippe a d’ailleurs annoncé mercredi une série de mesures pour réaliser l’ambition présidentielle, avec notamment un concours international d’architectes pour reconstruire la flèche qui s’est effondrée, un soutien fiscal aux dons et un projet de loi pour une souscription nationale.

La course contre-la-montre a commencé car le défi présidentiel coïncide justement avec l’échéance des Jeux Olympiques de 2024.

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