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Pourquoi la Macédoine a-t-elle entrepris de changer de nom?

Le Vif

Il est rare qu’un pays se débaptise, plus encore qu’il le fasse pour satisfaire un voisin, en l’occurrence la Grèce. Pourquoi demande-t-on par référendum aux Macédoniens d’accepter que leur pays devienne la « République de Macédoine du nord »? Que se passera-t-il s’ils refusent? Le point en dix questions.

1. Quel est le problème ?

En 1991, la Macédoine proclame son indépendance de la Yougoslavie. Athènes lui dénie le droit d’utiliser ce nom de « Macédoine » qu’elle estime exclusivement celui de sa province septentrionale. Elle y décèle une usurpation de son patrimoine, notamment celui d’Alexandre Le Grand, ainsi que des ambitions territoriales cachées.

Les Macédoniens entrent à l’ONU en tant qu’ARYM ou FYROM, acronymes français et anglais d' »Ancienne République yougoslave de Macédoine ». Le veto grec leur ferme les portes de l’Otan et de l’Union européenne. La droite nationaliste au pouvoir à Skopje campe sur une ligne dure. L’arrivée au pouvoir au printemps 2017 des sociaux-démocrates soutenus par les partis albanais, change la donne. Un accord est signé avec les Grecs en juillet, visant à faire du pays la « République de Macédoine du nord ».

2. Un « Oui » entérinerait-il le changement de nom ?

Non. Le Premier ministre Zoran Zaev insiste sur le caractère consultatif du référendum. Son résultat devra être validé par le parlement, à une majorité des deux-tiers dont ne dispose pas la coalition au pouvoir. Il faudra compter sur le ralliement d’une partie de la droite (VMRO-DPMNE), qui apparaît divisée. Zoran Zaev espère une forte participation pour un « Oui » franc et massif qui ne lui laisserait guère de choix politique. Il restera un dernier obstacle: la ratification grecque…

3. Pourquoi les Macédoniens accepteraient-ils?

Réticents à se voir imposer un changement de nom, beaucoup veulent saisir l’occasion de se rapprocher de l’UE et de l’Otan. Le « Oui » est favori.

4. Que se passe-t-il en cas de victoire du « Non » ?

Le Parlement peut en théorie contredire ce référendum consultatif. Mais, il semble peu probable que le gouvernement trouverait alors une majorité parlementaire des deux-tiers. Avec un « non », les portes de l’OTAN et de l’UE se refermeraient sans doute.

5. Le nom de la langue changera-t-il ?

Pour de nombreux Macédoniens, c’était une ligne rouge. L’accord prévoit que leur langue restera le « macédonien », une victoire pour Zoran Zaev.

6. Faut-il craindre une interférence russe ?

Le ministre américain de la Défense, Jim Mattis a assuré n’avoir « aucun doute ». Zoran Zaev a dit n’avoir « aucune preuve ». « Il ne fait aucun doute que la Russie n’a absolument aucun intérêt à voir résoudre tous ces différends régionaux », concède James Ker-Lindsay, universitaire britannique spécialiste des Balkans. Mais il ajoute n’avoir vu aucun signe d’interférence russe. La Russie ne dispose pas en Macédoine de la même influence sur l’opinion que chez les voisins serbe ou monténégrin.

7. La campagne a-t-elle été polluée par les « Fake news »?

La Macédoine a été un centre de production de « fake news » durant la campagne présidentielle américaine de 2016. Il y en eut encore durant la campagne, comme cette rumeur selon laquelle l’Otan comptait mener des expériences avec de l’uranium appauvri sur le sol macédonien. Mais ce ne fut pas majeur.

8. Qui fait campagne pour le « Non » ?

Les médias grands publics se sont rangés derrière le « Oui ». Les opposants à l’accord ont lancé une campagne sur les réseaux sociaux « #Bojkotiram » (« je boycotte »). Doté d’un pouvoir honorifique, le président Gjorgje Ivanov, proche de la droite, a annoncé qu’il ne participerait pas.

9. Alexandre Le Grand était-il grec ?

Les Macédoniens les plus nationalistes expliquent qu’ils ne sont pas slaves, qu’ils descendent en ligne directe du roi antique. Dans l’accord, la Macédoine accepte que son nom « n’est pas lié à la civilisation antique hellénique, à la culture ni au patrimoine de la région septentrionale » de la Grèce.

10. Quel effet sur les Balkans?

Zoran Zaev est convaincu qu’un « Non » ouvrirait « un nouveau chapitre d’insécurité et d’instabilité » dans les Balkans. « Il ne fait aucun doute que cela serait un échec très grave pour les Balkans, mais aussi pour la région », renchérit l’universitaire britannique spécialiste des Balkans, James Ker-Lindsay. Une victoire du « Oui » montrerait « que les problèmes identitaires peuvent être résolus par des accords de ce type », dit Zoran Zaev.

Ce dossier n’a aucun lien avec les deux autres questions sensibles des Balkans: les relations Serbie/Kosovo, et la fragilité des relations intercommunautaires en Bosnie.

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