Pedro Sanchez © Belga

Pedro Sanchez, l’homme politique en campagne permanente

Le Vif

Le socialiste Pedro Sanchez, chef du gouvernement sortant, brigue une fois de plus dimanche les suffrages des Espagnols en espérant, après des années de campagne, que sa victoire lui permettra de continuer à gouverner.

Les sondages prédisent la victoire de son Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), mais sans la majorité absolue, comme le 28 avril dernier.

Cet économiste de 47 ans avait ensuite tenté sans succès de réunir les voix des uns et l’abstention des autres pour être investi par la Chambre, avant de se résoudre à un nouveau scrutin, le quatrième en quatre ans.

Et ce père de deux filles est reparti en campagne. Depuis cinq ans et demi, il a remporté deux primaires au sein du PSOE et affronté trois élections législatives, ne gagnant que les dernières.

Pedro Sanchez, né le 29 février 1972 à Madrid d’un père entrepreneur et d’une mère fonctionnaire, n’est rien moins que tenace.

Il y a deux ans, il était donné pour politiquement mort après avoir essuyé en 2015 et 2016 deux des pires résultats électoraux de l’histoire de son parti.

Cet ancien joueur de basket de 1,90 m, toujours cintré dans un costume de bonne coupe, avait même abandonné son siège de député pour ne pas être obligé de suivre son parti qui avait décidé de laisser le conservateur Mariano Rajoy gouverner en minorité.

Mais le 1er juin 2018, il tente un coup de poker et parvient à renverser Rajoy, coulé par un scandale de corruption, en rassemblant les voix de la gauche et des partis basques et catalans. La majorité bancale qui l’avait soutenu finit par exploser en février, l’obligeant à convoquer les élections d’avril.

– « Manuel de résistance » –

Ce n’était qu’un soubresaut de plus dans une carrière politique tourmentée.

Conseiller municipal de Madrid de 2004 à 2009, puis député, il est propulsé en 2014 à la tête du Parti socialiste (PSOE), à la faveur des premières primaires de l’histoire du parti.

Dans le contexte de paralysie politique qui suit les élections de décembre 2015 remportées par Mariano Rajoy, il tente sans succès de former un gouvernement avec l’appui des libéraux de Ciudadanos et de Podemos.

Pedro Sanchez
Pedro Sanchez© Reuters

Après avoir essuyé un échec électoral pire encore que le précédent en juin 2016, il est défenestré par la direction du parti.

Mais il revient par la grande porte en mai 2017, après avoir fait campagne en voiture particulière dans toute l’Espagne, pour rallier les militants qui voteront pour le rétablir à la tête du parti.

Un parcours où l’obstination triomphe raconté dans un livre intitulé « Manuel de résistance », le premier à avoir été publié par un chef de gouvernement espagnol en exercice.

– Exhumer Franco –

Une fois à la Moncloa, M. Sanchez a frappé les esprits en nommant le gouvernement le plus féminin de l’histoire espagnole et en acceptant d’accueillir les migrants recueillis par le bateau humanitaire Aquarius, dont personne ne voulait.

Dans l’incapacité de faire voter un budget, il augmente le salaire minimum de 22% par décret.

Il mène surtout une longue bataille judiciaire contre la famille de Francisco Franco pour parvenir enfin en octobre à exhumer le dictateur de son mausolée pharaonique, espérant conforter son assise sur l’électorat de gauche mais provoquant l’indignation de la droite, qui le traite de « profanateur ».

La crise catalane l’oblige à virer de bord. Il avait ébauché avec les indépendantistes catalans un dialogue qui a tourné court à l’ouverture du procès de leurs dirigeants pour la tentative de sécession de 2017. Mais depuis que leur condamnation le 14 octobre a déclenché des manifestations violentes qui ont fait plus de 600 blessés, il a durci le ton.

Accusé par la droite de faiblesse envers les séparatistes, il se propose de mettre un terme à « l’usage sectaire » que fait le gouvernement catalan de la télévision régionale publique TV3, et a adopté un décret-loi pour lutter contre leurs militants sur la toile.

Espagne: cinq choses à savoir sur les élections

Troubles en Catalogne, exhumation de Franco, montée de l’extrême droite, fragmentation du parlement et instabilité politique: voici cinq choses à savoir sur les législatives de dimanche en Espagne, les quatrièmes en quatre ans.

. Catalogne

Après des années de mobilisations indépendantistes pacifiques, un tournant a eu lieu dans cette région du nord-est de l’Espagne avec les violences ayant suivi la condamnation le 14 octobre de neuf dirigeants indépendantistes à de lourdes peines de prison pour leur rôle dans la tentative de sécession de 2017.

Le sujet est devenu central dans la campagne, la droite pressant le chef du gouvernement socialiste sortant Pedro Sanchez de suspendre la large autonomie de la région ou de destituer son président séparatiste. Refusant de prendre de telles mesures exceptionnelles, M. Sanchez n’en a pas moins durci le ton contre les indépendantistes.

. Montée de Vox

Selon les sondages, cette crise en Catalogne aurait un bénéficiaire: le parti d’extrême droite Vox.

Cette formation ultranationaliste et anti-immgration, qui a fait ressurgir l’extrême droite dans un pays où elle était marginale depuis la mort du dictateur Franco en 1975, est entrée en force au Parlement en avril avec 24 députés sur 350. Et les enquêtes lui prédisent un score bien meilleur dimanche, où elle pourrait devenir la troisième force politique du pays.

Le soutien de ce parti a déjà permis au Parti Populaire (droite) et aux libéraux de Ciudadanos de gouverner les régions d’Andalousie (sud), de Madrid et de Murcie (est) ainsi que la mairie de la capitale espagnole.

. Franco

Retardée plus d’un an en raison de la bataille judiciaire menée par ses descendants, l’exhumation du dictateur Franco de son mausolée du Valle de los Caidos, près de Madrid, pour le transférer dans un caveau familial discret, a eu lieu à moins de trois semaines des élections.

Accusé par ses rivaux d’en faire un argument électoral, Pedro Sanchez, qui a souligné le caractère historique du transfert de la dépouille du dictateur ayant dirigé l’Espagne de 1939 à 1975, espérait, selon les observateurs, un effet mobilisateur sur les électeurs de gauche.

Mais « cela n’aura pas l’effet escompté par le gouvernement », juge le politologue Fernando Vallespin.

. Fragmentation

Le parlement espagnol est très fragmenté depuis que le bipartisme (PP-Parti socialiste) a volé en éclats en 2015 avec l’irruption de Ciudadanos et de la gauche radicale de Podemos, et que Vox y a fait son entrée en avril dernier. Et la situation devrait encore s’accentuer dimanche avec la candidature de Mas Pais, formation créée par l’ancien numéro deux de Podemos Inigo Errejon, et celle du parti indépendantiste catalan d’extrême gauche CUP.

. Instabilité

Cette fragmentation laisse augurer d’une poursuite de l’instabilité politique.

Pedro Sanchez, donné en tête par les sondages, avait déjà remporté le scrutin en avril mais sans majorité absolue. Faute d’accord avec Podemos, il n’avait pu être reconduit au pouvoir, ce qui a contraint le pays à retourner aux urnes.

Cette fois, selon les sondages, ni le bloc de gauche (PSOE, Podemos, Mas Pais), ni celui de droite (Ciudadanos, PP, Vox) ne semblent non plus en mesure d’atteindre la majorité absolue.

Les séparatistes catalans, qui ont soutenu l’arrivée au pouvoir de M. Sanchez l’an dernier, sont eux crédités au total de plus de 20 sièges mais les socialistes ne veulent pas de leur soutien.

La solution de la dernière chance pourrait venir d’une abstention du PP lors d’un vote d’investiture de M. Sanchez pour lui permettre de gouverner en minorité. Selon Fernando Vallespin, le PSOE « doit arriver à un accord avec le PP, quel qu’il soit ».

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