Notre-Dame: six mois après, une reconstruction toujours en questions

Le Vif

Six mois après l’incendie de Notre-Dame de Paris, la consolidation s’avère plus complexe que prévu, certains travaux périlleux et la facture très lourde, mais rien encore ne permet de discerner la forme qu’aura ce joyau gothique à l’issue du chantier du siècle.

« Chemin de croix ou parcours du combattant, le chantier a pris un peu de plomb dans l’aile! », avertit Stéphane Bern, chargé par Emmanuel Macron d’une mission sur le patrimoine. Mais l’animateur de télévision en est convaincu: « L’enthousiasme de ceux qui le conduisent fait qu’on va y arriver ».

C’est seulement fin 2020 qu’un diagnostic complet permettra aux architectes de préconiser comment restaurer la cathédrale, la reconstruction ne devant pas débuter avant 2021.

La question du projet architectural, qui enflamme les esprits depuis le 15 avril, demeure totalement ouverte: à l’identique, comme le souhaitent une majorité de Français et l’architecte chargé de Notre-Dame lui-même, ou en la soumettant à un geste architectural audacieux, comme le veut l’exécutif ?

Impossible à ce stade de dire « combien ça va coûter, combien de temps ça va durer », souligne l’archevêque de Paris, Mgr Michel Aupetit.

Dans les discours, le délai de cinq ans souhaité par Emmanuel Macron pour l’achèvement d’une cathédrale « plus belle qu’avant » est désormais qualifié modestement de simple « objectif ».

Alors que le chantier a été retardé cet été par une interruption due à l’alerte à la pollution au plomb, qui était présent dans la toiture et la flèche et a fondu dans l’incendie, l’urgence absolue est d’écarter tout risque d’affaissement de la voûte: le principal danger vient d’un échafaudage de 500 tonnes monté avant l’incendie autour de la flèche, aujourd’hui disparue, et que l’extrême chaleur du brasier de la charpente a soudé. Chacune de ses barres en tombant pourrait provoquer l’irréparable.

« Ce n’est pas se faire peur, c’est une réalité physique », explique à l’AFP Christophe-Charles Rousselot, délégué-général de la Fondation Notre-Dame.

Multiplié par trois

Pour empêcher un affaissement, des cintres ont été installés sous les arcs-boutants. Avec cette facture et bien d’autres, notamment pour les mesures sanitaires contre le plomb, le budget de la consolidation a été multiplié par trois, passant de 30 millions d’euros le 15 avril à 50 millions en juin, puis 85 millions.

Le très coûteux chantier pour démonter l’ancien échafaudage soudé va durer plusieurs mois. L’ensemble des travaux de sécurisation de la voûte, encore fragile, ne devrait s’achever qu’à la fin du printemps 2020.

Entre-temps et si tout va bien, la nef pourrait être partiellement rouverte au culte. Mais il faudra prévoir -sur le parvis ou à l’Hôtel Dieu voisin?- des structures provisoires pour les fidèles, les touristes.

La pollution au plomb peut continuer à donner des cauchemars aux différents intervenants. Des taux élevés sont encore détectés dans des interstices du parvis, toujours fermé, malgré des travaux de décontamination.

Une autre inconnue est l’enquête de trois juges d’instruction sur cet incendie dont l’origine n’est vraisemblablement pas criminelle mais due à des dysfonctionnements et négligences. Des entreprises, le diocèse, l’Etat… Qui seront les responsables désignés?

A l’identique ou rupture

C’est fin 2020 que sera discuté ce qu’on fera, notamment pour la flèche détruite.

« Il faut la refaire à l’identique », avait déclaré dès juin Philippe Villeneuve, architecte en chef en charge de la cathédrale, soulignant « la grande force » de la flèche de Viollet-le-Duc qui s’intégrait parfaitement au chef-d’oeuvre médiéval parce qu’elle n’était justement « pas datable ».

Il se démarquait ainsi de la volonté du président Emmanuel Macron d’inscrire un « geste contemporain » sur l’édifice emblématique et rejoignait le souhait d’une majorité de Français de voir le souci d’intégration l’emporter sur la rupture.

Le concours international d’architectes, lui, n’aura lieu que si l’option controversée du geste novateur est retenue.

S’il est décidé de reconstruire la flèche de Viollet-le-Duc, dont on possède tous les plans, les statues déposées avant l’incendie et même le coq rescapé des flammes, le concours n’aura pas lieu d’être, selon un expert du dossier.

Vu le gigantisme du chantier, les quelque 800 millions d’euros espérés après les promesses de dons ne seront peut-être pas de trop.

Les dons continuent d’affluer de France et d’une centaine de pays. Cela va de l’euro offert par un enfant de huit ans aux gros chèques de mécènes comme les PDG Bernard Arnault (LVMH) et François Pinault (groupe Kering, qui détient Gucci ou Yves Saint-Laurent).

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire