Martin Selmayr et Jean-Claude Juncker. © REUTERS

Nomination du bras droit de Juncker: la Commission européenne a-t-elle joué avec l’éthique?

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

En mars dernier, Martin Selmayr, le bras droit de Jean-Claude Juncker, avait été comme  » parachuté  » à la plus haute fonction au sein de la Commission européenne. De quoi mettre en doute la procédure de sa nomination ? Voici les conclusions de la médiatrice de l’UE chargée de faire la lumière sur cette affaire.

L’allemand Martin Selmayr travaille à la Commission européenne depuis 2004 et était, depuis quatre ans, le directeur de cabinet du président de la Commission, Jean-Claude Juncker. Mais le 21 février dernier, il décroche le poste de secrétaire général de l’institution, soit la fonction la plus élevée dans l’administration. N’ayant fait l’objet d’aucune affiche et étant vue comme une nomination « éclair », sa promotion n’a pas tardé à susciter les controverses, jusque dans les rangs du Parlement européen.

Soutien de la Commission

Jean-Claude Juncker a apporté son soutien sans faille à son ancien bras droit, et aurait même averti le Parti populaire européen (PPE), dont il est membre, qu’il démissionnerait si Martin Selmayr devait être renvoyé. « M. Selmayr ne va pas démissionner, car je suis le seul en mesure de lui demander de démissionner », avait-il déclaré lors d’une conférence de presse.

Une nomination également défendue au sein de la Commission. Le commissaire Günther Oettinger, chargé du personnel de l’institution, avait assuré devant des eurodéputés que sa promotion était une décision « à caractère politique » et qu’elle ne cachait rien d’autre. « Après des examens répétés, nous sommes convaincus que les règles ont été totalement respectées », avait-il assuré au cours d’une audition devant la commission du contrôle budgétaire du Parlement européen. « Un président de la Commission, dans les cercles de pouvoir les plus élevés, a besoin de personnes de confiance sur lesquelles il puisse s’appuyer politiquement aussi. (…) Il y a bien entendu des nécessités administratives, mais il y a aussi un besoin de gestion politique intelligente. »

Les doutes des eurodéputés

Sa nomination a-t-elle pour autant contourné les règles, voire franchi les limites de la légalité ? Plusieurs eurodéputés ont questionné le manque de transparence de la procédure et ont demandé à ce qu’elle soit réévaluée. La médiatrice de l’UE Emily O’Reilly, chargée de cette tâche, vient de rendre les conclusions de son enquête et fustige la procédure choisie par la Commission européenne il y a six mois.

Selon elle, afin de justifier l’absence d’affichage, l’institution « a créé un sentiment d’urgence artificiel » pour pourvoir ce poste de secrétaire général. Le rapport estime que la Commission a également « organisé une procédure de sélection du secrétaire général adjoint, non pour remplir ce rôle, mais plutôt pour faire en sorte que Martin Selmayr soit nommé secrétaire général par le biais d’une procédure rapide en deux étapes ».

A gauche, Emily O’Reilly. A droite, Martin Selmayr.
A gauche, Emily O’Reilly. A droite, Martin Selmayr.© AFP

Une nouvelle procédure pour l’avenir ?

La médiatrice ne s’en prend pas personnellement à Martin Selmayr et ne met pas en doute ses compétences et son engagement envers les institutions européennes. Elle n’exige pas non plus une nouvelle procédure de nomination.

Mais elle invite la Commission à élaborer une nouvelle procédure de nomination spécifique et distincte pour son secrétaire général, afin de dissiper les doutes à l’avenir et d’éviter que cela ne se reproduise : « La procédure devrait inclure la publication d’un avis de vacance, l’inscrivant à l’ordre du jour de la réunion hebdomadaire des commissaires et comprenant également des experts externes au sein du Comité consultatif des nominations. »

« Aucune raison »

La Commission a réfuté les accusations sur son manque supposé de transparence dans cette nomination. Précisant ne pas partager tous les points et conclusions du rapport, Gunther Oettinger se félicite que la médiatrice de l’UE « ne conteste ni la légalité de la procédure de nomination du secrétaire général, ni le choix du candidat », a-t-il indiqué via un communiqué. Il précise que la Commission est « prête à réévaluer » ses règles en vigueur, même si « a priori » il n’y a « aucune raison » de créer une procédure de nomination spécifique pour le poste de secrétaire général.

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