Parmi les "problèmes", des grands crus dont l'authenticité de certaines bouteilles ne peut être garantie. © Norbert FALCO/belgaimage

Nobles Crus : les investisseurs se rebiffent

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

S’estimant lésés, des actionnaires du fonds d’investissement Nobles Crus l’attaquent en action collective pour obtenir réparation. Le fonds est gelé depuis 2013 par l’autorité financière luxembourgeoise.

La société de défense des investisseurs et épargnants Investor Protection Europe a lancé une action collective afin d’obtenir une indemnisation complète pour les privés et institutionnels qui ont été lésés par la gestion de Nobles Crus, ce fonds spécialisé dans les vins de grande valeur. Cette action collective est encadrée par le cabinet luxembourgeois Westlegal. Créé à la fin de 2007, le fonds Nobles Crus, piloté par la société Elite Advisers, a attiré nombre d’investisseurs français et belges. Les premières années de sa vie sont florissantes. Du moins au premier coup d’oeil. Car à partir de 2012, la gestion de Nobles Crus commence à soulever plusieurs questions : surévaluation du stock, révélations concernant certaines bouteilles dont l’authenticité ne peut être garantie – des magnums de romanée-conti datant de 1945, valorisés 115 000 euros chacun, alors que le domaine de la Romanée-Conti n’a pas produit de magnums cette année-là -, collaboration avec  » l’expert  » Wine Experts Ltd, une société irlandaise sans personnel, au capital de deux euros et au chiffre d’affaires 2012 de 600 euros (voir l’enquête du Vif/L’Express du 28 septembre 2012).

Le 27 mai 2013, l’autorité luxembourgeoise des marchés financiers, la CSFF, décide de geler ce fonds, suspendant tout rachat et toute nouvelle souscription. A l’époque, Nobles Crus n’est plus en mesure, faute de liquidités suffisantes, de rembourser les investisseurs qui souhaitent revendre leurs parts. Six ans plus tard, ce gel est toujours en vigueur. Malgré l’interdiction adressée à tout investisseur, particulier ou institutionnel, de se retirer du fonds et de récupérer sa mise, trois rachats se produisent, dont les deux premiers, l’un au second semestre 2013 et l’autre au début de 2014, au profit du fonds luxembourgeois BG Selection, du groupe Generali. Ce deuxième rachat est réalisé en nature : l’investisseur se rembourse en bouteilles et non en cash. Une troisième opération de retrait a encore lieu en 2014, dont le bénéficiaire, un investisseur institutionnel, n’a pas encore été identifié.

 » Ces trois rachats sont illégaux et ils ont gravement lésé les investisseurs actuellement bloqués dans le fonds Nobles Crus « , relève-t-on chez Investor Protection. Les demandes d’interview de la direction du fonds, formulées par Le Vif/L’Express tant par courriel que par téléphone, sont restées sans réponses. L’action collective engagée par Investor Protection visera notamment les gestionnaires de Elite Advisers ainsi que les bénéficiaires des opérations de retrait contestées. Selon les estimations de plusieurs experts, les investisseurs lésés ont perdu au moins 60 % de leur mise dans l’aventure.

Il n’est toutefois pas possible de connaître la valeur actualisée des parts de Nobles Crus : ses comptes annuels n’ont plus été publiés depuis 2016. Alors que la valeur d’inventaire d’une part était de quelque 180 euros en 2012, elle plafonnait à environ 90 euros en décembre 2017. Depuis lors, plus aucune estimation n’est disponible. Malgré le gel du fonds, ses dirigeants continuent d’encaisser des commissions de gestion au détriment des investisseurs dans l’impossibilité de récupérer le moindre centime.

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