A Malte, la journaliste d'investigation Daphne Caruana Galizia a été assassinée. © Reuters

Malte: un an après l’assassinat d’une journaliste, le mystère reste entier

Le Vif

Un an après l’assassinat à Malte d’une journaliste, tuée dans l’explosion de sa voiture piégée, les commanditaires de ce meurtre courent toujours et ceux qui entendent poursuivre son travail sont à la peine.

Le champ battu par les vents où Daphne Caruana Galizia, mère de trois enfants, a été assassinée le 16 octobre 2017, est aujourd’hui un sanctuaire à sa mémoire.

Ses partisans, comme Tania Attard, se rendent régulièrement dans cette partie de l’île pour déposer des fleurs sous une bannière réclamant la justice, qui flotte aux côtés d’un drapeau maltais.

« Si celui qui est responsable pour cela est identifié, peut-être que nous pourrons enfin nous reposer et voir que justice est faite », explique Tania Attard à l’AFP.

« Je suis sûre qu’ils n’ont jamais réalisé que cela irait aussi loin, que cela deviendrait aussi important et international », remarque-t-elle.

Après la mort de cette journaliste blogueuse, un consortium de journalistes a lancé le projet Daphne, coordonné par l’organisation « Forbidden stories » (histoires interdites) basée à Paris, et destiné à poursuivre les enquêtes lancées par des journalistes assassinés ou en prison.

« Ils ont juste pensé qu’en l’éliminant tout irait mieux, mais je ne crois pas que ce soit le résultat qu’ils aient obtenu, je dirais même que cela s’est retourné contre eux », juge encore Tania Attard.

Le blog lancé par Daphne Caruana Galizia se voulait une arme contre la corruption, destinée à révéler les scandales de cette petite île méditerranéenne où vivent moins de 500.000 personnes, du blanchiment d’argent aux comptes offshore en passant par le népotisme.

Très dure à l’égard du monde politique, elle n’hésitait pas à manier l’insulte et s’était faite de nombreux ennemis.

Et si les journalistes à l’étranger peuvent continuer le travail de Daphne, ceux à Malte, qui réclament justice, sont plutôt mal vus.

Manuel Delia affirme ainsi avoir reçu des menaces et des insultes dans la rue en raison de son travail, y compris pour avoir parlé à des journalistes étrangers, tout comme Daphne Caruana lorsqu’elle était vivante.

« Plus le temps passe et plus vous réalisez que la démocratie ne fonctionne pas vraiment ici, que l’Etat de droit n’existe pas vraiment », explique M. Delia.

« Les institutions fonctionnent par cooptation et sont propriété du gouvernement, le gouvernement est entre les mains de gens qui n’ont que le profit et le pouvoir pour motivations », ajoute-t-il.

Veillée le 16 du mois

Les partisans de Daphne Caruana Galizia organisent une veillée chaque 16 du mois pour réclamer justice. Mais dans le même temps, les autorités font régulièrement nettoyer les rues dans le centre de La Valette, où de temps à autre apparaît un mémorial improvisé pour la journaliste assassinée.

Et en dépit de demandes répétées de la part de l’AFP auprès du bureau du Premier ministre travailliste Joseph Muscat et auprès du gouvernement pour un commentaire, avant l’anniversaire de la mort de Daphne Caruana, les autorités maltaises sont restées silencieuses.

Une responsable du bureau de M. Muscat a même un temps bloqué l’accès à son compte Twitter à un journaliste de l’AFP réclamant un commentaire, avant de l’inviter à poser des questions par email auxquelles elle n’a jamais répondu.

Trois hommes accusés d’avoir perpétré l’attentat ont été arrêtés et attendent leur procès, mais celui qui a donné l’ordre d’assassiner la journaliste reste inconnu.

« Vous connaissez les derniers mots (de Daphne sur son blog) +La situation est désespérée et je crois qu’aujourd’hui, la situation est encore plus désespérée+ », explique à ce propos l’ancien leader du Parti Nationaliste (opposition), Simon Busuttil.

Elle l’est « parce que ceux qui ont donné l’ordre de la tuer sont toujours libres et parce que les cas de corruption qu’elle a révélés n’ont toujours pas trouvé de solution judiciaire et ces affaires de corruption impliquent des gens qui gouvernent toujours le pays », ajoute-t-il dans un entretien avec l’AFP.

La soeur de Daphne, Corinne, doute de son côté de l’efficacité des enquêtes lancées localement et réclame une enquête indépendante.

« Une personne a été tuée, personne n’a été puni et rien n’a changé. C’était dangereux pour Daphne, imaginez un peu comment ça doit être maintenant », déclare-t-elle ainsi à l’AFP.

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