Dans la forêt proche d'Idomeni, des jeunes demandeurs d'asile syriens se chauffent autour d'un feu de camp, se protégeant du froid avec des couvertures et sacs de couchage. © BELGAIMAGE

Les migrants reprennent la « route des Balkans » pour fuir la Grèce inhospitalière

Le Vif

En Grèce depuis cinq ans, Mohamed Bilal n’a plus d’espoir: comme lui, de nombreux migrants et réfugiés lassés des restrictions croissantes au droit d’asile cherche à repartir, en direction de l’Europe du nord via « la route des Balkans ».

« Quand je suis arrivé en Grèce en 2016, j’avais 15 ans et après toutes ces années, je n’arrive toujours pas à être régularisé », se désole ce Pakistanais de 20 ans. Sans papiers, comme son frère, il campe près d’Idomeni, poste-frontière avec la Macédoine du Nord, à une heure de route du port de Thessalonique, la deuxième ville de Grèce dans le nord du pays.

Sa demande d’asile a été récemment rejetée comme celles de milliers d’autres migrants après le tour de vis appliqué aux politiques migratoires par le gouvernement conservateur de Kyriakos Mitsotakis, au pouvoir depuis deux ans. « Je risque chaque jour d’être arrêté et renvoyé dans mon pays, donc j’ai décidé de me rendre dans un autre pays européen« , poursuit le jeune homme.

En mars 2016, Idomeni était devenu un cul-de-sac pour les migrants quand Skopje et les pays européens ont décidé de fermer les frontières. Athènes avait alors créé des camps pour y cantonner les milliers de migrants bloqués.

Cinq ans après, les migrants y sont de retour: dans la forêt proche d’Idomeni, des jeunes demandeurs d’asile syriens se chauffent autour d’un feu de camp, se protégeant du froid avec des couvertures et sacs de couchage. « On veut aller s’installer aux Pays-Bas ou en France (…) trouver un travail et continuer notre vie« , explique Mezit, 26 ans, originaire de Deir ez-Zor en Syrie. Arrivé en Turquie en 2017, Mezit a été travailleur agricole puis est reparti en raison de la situation économique dégradée et il a franchi la rivière Evros pour passer en Grèce le mois dernier. Il a l’air exténué, sans presque rien à manger.

– Va-et-vient constant –

A Idomeni, la voie ferrée est jonchée des boîtes de conserve, de bouteilles d’eau vides, de vêtements et de chaussures. « Chaque jour, des migrants se déplacent dans cette zone. Les traversées ne s’arrêtent jamais« , assure un vigile embauché par la gare d’Idomeni. Ce sont en majorité des hommes jeunes qui « ne sont rattrapés que lorsque, épuisés après des jours à tenter de traverser la frontière, ils se rendent aux autorités« , dit-il.

Le gouvernement grec, de son côté, met en avant une réduction importante du nombre de migrants et réfugiés ces deux dernières années. Pour y parvenir, le pays s’est barricadé: un mur équipé de caméras et de drones a été construit à la frontière terrestre avec la Turquie (nord-est) et les patrouilles se sont intensifiées au large des îles en mer Egée, face à la Turquie, avec l’aide de l’Agence européenne de surveillance des frontières, Frontex.

Avec comme mot d’ordre « la sécurité », Athènes a aussi durci la législation sur le droit d’asile et déclaré la Turquie comme « pays sûr » pour le renvoi des déboutés d’asile, au grand dam des ONG soutenant que les droits de l’homme n’y sont pas respectés.

Plusieurs médias ont documenté une stratégie de refoulement illégal des migrants par des unités spéciales de la police grecque, que dément Athènes. La Commission européenne a toutefois demandé une enquête sur ce sujet.

Une trentaine d’organisations humanitaires ont aussi accusé les autorités grecques d’exclure certains migrants de l’aide alimentaire dans les camps mais le ministère des Migrations a expliqué que la distribution de l’aide ne concernait pas les déboutés du droit d’asile qui « doivent quitter » les camps.

En juin, six pays de l’UE, dont la France, l’Allemagne et les Pays-Bas, ont adressé une lettre à la Commission chiffrant à plus de 17.000 les réfugiés ayant obtenu l’asile en Grèce mais repartis pour un autre pays européen faute de logement décent et du minimum vital pour vivre.

La Grèce ne cesse de répéter que sa contribution à l’accueil des réfugiés est « substantielle » et que le fardeau doit être partagé par tous en Europe.

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