Abdelhamid Abaaoud, une incroyable faculté à échapper aux services secrets occidentaux. © BELGAIMAGE

Les attentats qu’a connus l’Europe étaient-ils annoncés ?

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Dans Les espions de la terreur, Matthieu Suc décrit l’agence de renseignement de Daech qui conçut les attentats de Paris et de Bruxelles. Leur préparation était connue de services occidentaux.

Les attentats de Paris en novembre 2015 et de Bruxelles en mars 2016 n’ont pas encore livré tous leurs secrets. Fruit d’une longue et impressionnante enquête de Matthieu Suc, l’ouvrage Les Espions de la terreur, qui paraît cette semaine aux éditions Harper Collins (408 p.), en révèle pourtant un certain nombre. Sur la base de l’analyse de notes des services de renseignement, de PV d’interrogatoires de prévenus, d’audiences de procès, de messages postés sur les réseaux sociaux et d’entretiens avec des témoins, le journaliste de Mediapart en arrive à percer les structures, au sein de Daech, d’un service de renseignement copié sur les agences occidentales et à décrire avec précision le parcours du commando des attentats parisiens et bruxellois.

Matthieu Suc établit que la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) française était prévenue, notamment par la CIA, de la préparation d’actes de terrorisme dans l’Hexagone. Le Belge Abdelhamid Abaaoud avait même été identifié comme étant l’organisateur de terrain. Mais alors que les services de renseignement le pensaient encore actif en Syrie à l’été 2015, il se trouvait déjà dans une planque bruxelloise. Un homme, en particulier, avait prédit à certains enquêteurs les opérations qui allaient ensanglanter l’Europe : Nicolas Moreau, un djihadiste repenti, revenu de Syrie, emprisonné et sous le coup d’une instruction judiciaire en France. Il ne fut guère écouté. L’intention des dirigeants de l’Etat islamique aurait été de frapper plusieurs pays européens concomitamment. L’Allemagne, les Pays-Bas, dont l’aéroport de Schiphol reçut la visite d’Osama Krayem, voire l’Angleterre, destination d’un étrange voyage de Mohammed Abrini, auraient pu compléter la vague terroriste. L’Ecole militaire de Saint-Cyr en France, l’association intégriste Civitas, des bars à bière bruxellois, des centrales nucléaires ou le port d’Anvers auraient figuré parmi les cibles possibles.

Les attentats qu'a connus l'Europe étaient-ils annoncés ?

Noir héritage

Matthieu Suc retrace le parcours aléatoire, sur la route des Balkans empruntée par les réfugiés, du commando pour rejoindre les repaires de Bruxelles et d’Auvelais, la fonction de convoyeur très actif de Salah Abdeslam et la supervision de l’ensemble de l’opération par un autre Belge, Oussama Atar, désigné comme le chef du bureau des opérations extérieures du service de renseignement du califat. L’Etat islamique avait en effet mis en place un appareil de surveillance intérieur et extérieur  » performant « . Appelé Amniyat, il se chargea de filtrer les nouveaux djihadistes attirés au Sham et entreprit des actions de contre-espionnage pour débusquer ceux qui seraient malgré tout passé entre ses mailles. Le jeune Belge Jejoen Bontinck fut ainsi soupçonné un temps avant d’être disculpé. Ce ne fut pas le cas d’Abou Obeida qui, après avoir pourtant atteint les plus hautes fonctions du service de renseignement, fut confondu en tant qu’agent présumé d’un service occidental. Si l’Amniyat n’existe plus après la reconquête du califat, Matthieu Suc prévient tout de même qu' » il ne faut pas sous-estimer le noir héritage des espions de la terreur qui, au-delà de toute structure, s’y entendent pour transmettre de génération en génération leur savoir-faire « .

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