Parmi les vedettes de la première édition, Edith Piaf, ici sur la terrasse du Carlton. © Serge DE SAZO/getty images

Le 20 septembre 1946, le premier festival de Cannes s’ouvre enfin

A plusieurs hectomètres de la plage, un hydravion dépose quelques jolies sirènes sur un petit canoé. Les photographes ont été prévenus ; ils immortalisent l’instant. Le lendemain, les beautés se retrouvent sur du papier glacé. Car Cannes, c’est déjà du strass et des paillettes. Des vedettes aussi : Edith Piaf, Michèle Morgan, Jean Cocteau… Ils sont tous là.

Après une si longue attente ! Annoncé de longue date, ce nouveau festival aurait pu ne pas voir le jour. Il faut dire que sa création s’enracine dans la trame politico-diplomatique d’une époque très mouvementée.

Dans les années 1930, c’est la Mostra de Venise qui donne le ton. C’est elle qui couronne les grands réalisateurs et fait naître les étoiles. Mais alors que l’Italie est devenue mussolinienne, le festival est devenu très politique. Et fasciste. En 1938, le jury récompense Les Dieux du stade, un documentaire allemand faisant la propagande nazie, et Luciano Serra, pilote, un film dont le scénario a été super- visé par le fils du Duce. Le haut fonctionnaire français – et juif – Philippe Erlanger est présent à Venise. Il est horrifié. Stimulé aussi : il rêve de lancer une initiative parallèle. Et concurrente.

Erlanger reçoit l’aval du ministre français des Beaux-Arts, qui y voit une belle occasion de renforcer le prestige culturel de son pays. Il obtient aussi le soutien des Britanniques et des Américains, qui ont décidé de boycotter la Mostra. Plusieurs villes se montrent prêtes à accueillir l’événement : Aix-les-Bains, Biarritz, Vichy, mais aussi Alger et Ostende. Cannes est finalement retenue, notamment pour son haut degré d’ensoleillement. Une date est trouvée : c’est le 1er septembre 1939 que le festival sera ouvert.

Mais Hitler a choisi la même date. Ce jour-là, ses troupes envahissent la Pologne. Officiellement, la guerre commence. Maintenir le festival ? Compliqué. Dans un premier temps, l’ouverture est postposée de dix jours. Alors que l’Angleterre et la France déclarent la guerre à l’Allemagne, elle est finalement suspendue sine die.

La fin du conflit marque le retour des ambitions. Sans tarder, Erlanger relance ses efforts. Le temps lui est compté : pour devenir incontournable, il sait qu’il doit être le premier. Car d’autres nations entendent utiliser le cinéma pour se reconstruire. Et Venise souhaite redorer son blason. Dès 1945, la Mostra annonce une nouvelle édition pour septembre 1946. Les Français sont furieux. Les deux pays se disputent. Puis discutent : la Mostra est maintenue mais n’aura qu’une dimension nationale ; seule Cannes sera internationale. Et l’année suivante, ce sera l’inverse.

Cannes s’ouvre donc. Quand le film russe est interrompu, les Soviets crient au scandale. Lorsque le film des Américains est raccourci, ceux-ci s’insurgent. Ils ont tous tort. Ce ne sont là que des soucis techniques… Le festival est un succès. Pour ses organisateurs, Cannes a déjà supplanté Venise. Dans les faits, ce n’est qu’au fil des ans que cela deviendra le cas.

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