Dresde © Getty

La panique démographique atteint également l’Allemagne de l’Est

Jeroen De Preter Rédacteur Knack

Ces dernières décennies, la population de l’Allemagne de l’Est est tombée au niveau de 1905. À l’instar de la Hongrie ou la Pologne, la région semble être en proie à ce que le politologue bulgare Ivan Krastev appelle la « panique démographique ».

Cet automne, l’Allemagne célèbre le trentième anniversaire de la chute du Mur, l’événement qui a mis fin à la République démocratique allemande (RDA) communiste et a conduit à la réunification allemande un an plus tard.

Trois décennies plus tard, l’Allemagne de l’Est et l’Allemagne de l’Ouest sont-elles réellement unies? Dans de nombreux domaines, les différences restent importantes et l’écart semble même se creuser. C’est le cas, entre autres, de la démographie. Une nouvelle étude, publiée par le journal Frankfurter Allgemeine, montre que le nombre d’habitants à l’Ouest est aujourd’hui historiquement élevé. À l’Est, il est tombé au niveau du début du siècle dernier – à 1905, pour être précis.

Selon Felix Rösel, auteur de l’étude, cette évolution découle encore toujours de la séparation de l’Allemagne peu après la Seconde Guerre mondiale. « Le poids de la scission allemande est encore complètement sous-estimé dans l’opinion publique », dit-il dans le Frankfurter Allgemeine.

« Grâce » au Mur

Le graphique ci-dessous indique que la différence démographique entre l’Allemagne de l’Est et l’Allemagne de l’Ouest s’est manifestée pour la première fois vers 1950. Au cours de la décennie suivante, la RDA s’est vidée rapidement, et c’est ce qui a entraîné la décision de construire un mur en 1961. Le mur n’a pas empêché la population de continuer à décliner (légèrement). La population vieillissait et, contrairement à l’Allemagne de l’Ouest, cette évolution en Allemagne de l’Est n’a pas été compensée par une vague de migration.

Si l’écart démographique reste limité « grâce » au Mur, il s’est considérablement creusé à partir de 1990. Depuis la réunification allemande, plus de deux millions d’Allemands de l’Est, pour la plupart jeunes et hautement qualifiés, sont partis pour l’Ouest. Selon une étude économique récente de l’institut de recherche Ifo, cette évolution est loin d’être terminée. Niklas Potrafke, directeur de l’institut, évoque un « cercle vicieux ». Beaucoup de jeunes hommes et de jeunes femmes instruits partent parce qu’ils ne voient aucune perspective à l’Est, déclare-t-il à l’hebdomadaire allemand Der Spiegel. « Cela ralentit le développement économique et assure l’épanouissement des centres densément peuplés de l’Ouest. »

Le même cercle vicieux pourrait expliquer pourquoi le vote à l’Est est très différent. Dans les États de l’Est, les soi-disant nouveaux Länder, l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) ont obtenu des scores de 20% et plus lors des récentes élections européennes. Dans environ la moitié des circonscriptions électorales, le parti arrive en tête. Dans les Länder de l’Ouest, il n’atteint souvent même pas 10% et il joue tout au plus un rôle de figurant.

Peur de l’émigration

L’évolution politique et démographique de l’Allemagne présente un parallèle remarquable avec celle de l’Union européenne. Dans les pays de l’ancien bloc de l’Est tels que la Bulgarie, la Pologne ou la Hongrie, l’exode vers les États membres occidentaux va également de pair avec le succès des partis et mouvements anti-migration de droite. L’influent politologue bulgare Ivan Krastev qualifie cette tendance de « panique démographique ».

Pour Krastev, la rhétorique anti-migration découle de la peur de l’émigration. « C’est traumatisant de voir partir les siens et de rester derrière », déclarait-il récemment au Groene Amsterdammer. « Même quand les choses ne vont pas du tout mal pour vous, c’est difficile de vivre dans un endroit que vos proches, votre famille et vos amis veulent quitter. Cela alimente la peur classique de voir son groupe remplacé. »

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