Christian Makarian

« La France au coeur de la politique italienne »

Autant le Brexit peut lasser par ses rebondissements tragiques, autant le spectacle de la politique italienne reste un exemple de comédie indépassable.

Après avoir occupé la direction du Parti démocrate (PD) durant quatre ans, jusqu’à la défaite électorale de 2018, exercé les fonctions de président du Conseil (2014-2016), facilité le rapprochement plus qu’incongru de sa formation avec les populistes du Mouvement 5 étoiles (M5S) au sein de la coalition gouvernementale dirigée par le pâle Giuseppe Conte, l’ancien maire de Florence Matteo Renzi poursuit sa course.

Il a quitté subitement le PD pour fonder son propre courant, Italia Viva, qui n’a d’autre finalité que de porter ses ambitions personnelles. C’est a priori étonnant de la part de celui qui avait fortement pesé sur les siens, il y a quelques semaines à peine, en faveur d’un retournement contre nature : neuf ministres issus du PD ont décidé d’entrer sans vergogne au sein d’un gouvernement dominé par le ténor du M5S, Luigi Di Maio, actuel ministre des Affaires étrangères, qui n’eut que des mots injurieux à l’égard des politiciens de l’ancien système. Renzi a soutenu que c’était là le seul moyen d’éviter des élections législatives anticipées, voulues par Matteo Salvini, alors ministre de l’Intérieur, et qui auraient sûrement profité à ce dernier. Aussitôt fait, le manoeuvrier abandonne son camp et ouvre une autre enseigne. Le voici qui déterre la hache de guerre :  » Le populisme ne connaît pas l’intelligence artificielle. Le populisme, c’est la stupidité naturelle.  »

En réalité, Renzi avait préparé son coup. Un vrai pari. Durant les quinze derniers mois, tandis que Giuseppe Conte servait d’équilibriste entre le courant nationaliste, incarné par Matteo Salvini, et les représentants du M5S, porteurs d’un populisme à tendance sociale et budgétivore, le PD a inexorablement glissé à gauche. Au point d’attirer aujourd’hui quelques vieilles badernes qui scandent en choeur le chant de révolte Bella ciao lors des rassemblements du parti. Ce créneau ne peut pas convenir à Matteo Renzi, qui incarne l’aile centriste et réformatrice du PD, mais ce n’est pas la seule raison : le Florentin se targue surtout d’avoir porté un coup fatal à Matteo Salvini, lequel a été effectivement exclu du nouveau gouvernement Conte après avoir tenté de provoquer des élections anticipées. Renzi claironne :  » Le départ de Salvini est un chef-d’oeuvre tactique dont je suis fier qu’il figure sur mon CV.  »

Renzi contre Salvini, les deux ténors se mettent en réserve pour le prochain choc, que l’un et l’autre appellent de leurs voeux. Ce qui ramène étrangement la France au coeur du débat politique italien. Version modérée : du temps de sa présidence du Conseil, Renzi ne cessait de critiquer le primat de la France (et de l’Allemagne) au sein de l’Union européenne. Version dure : Salvini a trouvé en la personne d’Emmanuel Macron l’adversaire idéal qu’il pourfend à longueur de discours. Chacun va puiser au-delà des Alpes l’inspiration qu’il lui faut, l’un à la recherche d’un modèle, l’autre à la poursuite de ses diatribes. Renzi rêve de lancer un mouvement de conjugaison des centres en marge des personnalités politiques déjà connues et passablement usées. Il s’inspire directement d’un courant sociologique et transpartisan du type La République en marche, qui a permis à Macron de prendre le pouvoir.

Quant à Salvini, il a été ovationné par ses supporters en martelant en anglais, en français et en italien :  » Le peuple italien n’est esclave de personne.  » Le tribun du Nord n’a aucune intention de renoncer à faire de Macron sa cible favorite, considérant que ce criblage lui a largement profité et qu’il fait partie de sa stratégie pour revenir aux affaires. Le match France-Italie connaît une mi-temps, mais il n’est pas terminé.

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