Canards mandrins dans la neige, 1759. Tokyo, Musée des collections impériales (Sannomaru Shozokan), Agence de la Maison impériale. © Agence de la Maison impériale

L’oeuvre de la semaine : le grand retour de l’émerveillement

Guy Gilsoul Journaliste

Dans une exposition, le silence des visiteurs est révélateur du choc produit. Cet été, il emplissait les espaces de la Maison européenne de la photographie à Paris qui proposait un parcours rétrospectif des oeuvres de James Nachtwey, prises au fil du quotidien des hommes, des femmes et des enfants à qui la violence des conflits armés et des catastrophes naturelles avaient tout pris… sauf la dignité.

Mas il y a d’autres silences nourris cette fois par l’émerveillement. Non pas dans l’instant et aussitôt oublié mais dans une durée qui nous implique et nous suivra. Cette émotion est rare et rares aussi les créateurs qui auront mis suffisamment de leur temps, de leur concentration et de leur inventivité pour faire écho à la beauté du spectacle qu’ils désirent partager. Itô Jakuchu est du nombre.

Depuis ses dix ans, il dessine et peint des poissons, des coqs, des moineaux, la neige, un arbre en fleurs…. A 40 ans, il abandonne son commerce de fruits et légumes pour se consacrer exclusivement à la réalisation de trente pièces intitulée « Le royaume coloré des êtres vivants ». Sur de longs rouleaux de soie qu’il peint sur l’envers et l’avers, habité par l’esprit du bouddhisme, il compose des scènes imaginaires chaque fois innovantes en utilisant à la fois les procédés de la peinture et de la teinture, multipliant avec une légèreté sans ride, les gestuelles qui vont du tracé calligraphique au dripping en passant par l’éclaboussure, la coulure et l’à-plat.

Ne craignant ni les cadrages photographiques serrés, ni les asymétries audacieuses, renonçant aux contours, il crée la vie dans l’artifice et avec elle, des impressions de vol, de mouvements voire de cris. « Cela » respire, chante, fend l’air ou l’eau, se laisse bercer par l’ondée…

On songe parfois aux variations sur le thème de la danse de Matisse même si l’extrême réalisme (qui n’est toutefois qu’un leurre dès qu’on s’approche des surfaces) nous faisait douter de la modernité des oeuvres.

Le temps s’éclipse. Les trente rouleaux exposés ici en autant de niches qui entourent et absorbent le visiteur comme le font les Nymphéas de Monet à L’Orangerie, ont pourtant été réalisés… entre 1757 et 1766.

Offerts par le peintre au monastère Shokoku-ji de Kyoto, ils étaient tombés comme leur auteur dans l’oubli jusqu’il y a peu. Exceptionnellement ils ont quitté pour quelques jours Tokyo et les collections impériales du Japon.

Petit Palais, Paris. Jusqu’au 14 octobre.

Du Ma au di de 10h à 18h. Sa et dijusqu’à20h.

www.petitpalais.paris.fr

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