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L’efficacité de la lutte antiterroriste est menacée par le Brexit

Le Vif

L’efficacité de la lutte antiterroriste en Europe pourrait pâtir du Brexit, même si la gravité des enjeux et les traditions de bonnes relations entre polices et services devraient permettre la poursuite d’une coopération, estiment officiels et experts.

Alors que la menace jihadiste persiste, en Grande-Bretagne comme sur le continent, l’enjeu principal est l’accès en temps réel et sans restrictions aux bases de données européennes, qui gagnent chaque année en efficacité et dont les polices britanniques, en cas de Brexit dur, pourraient être privées.

Le Conseil national des chefs de la police (NPCC), organisme de coordination des forces de police britanniques, a annoncé il y a deux semaines la création d’un centre d’opérations national, pour aider les forces de sécurité à s’adapter à l’utilisation de nouveaux systèmes de partage de données après la sortie du Royaume-Uni de l’UE fin mars 2019.

Mais ces solutions alternatives ne pourront pas égaler le mandat d’arrêt européen, le Système d’information Schengen (SIS) consulté 539 millions de fois par la police britannique en 2017 ou encore l’agence européenne de police criminelle Europol, a estimé Sara Thornton, la présidente du NPCC.

« Ces solutions de rechange que nous allons devoir utiliser seront plus lentes, plus bureaucratiques et feront qu’il sera beaucoup plus difficile pour nous de protéger les citoyens britanniques et (…) européens », a-t-elle dit.

Pour Malcolm Chalmers, directeur général-adjoint du centre de réflexion londonien Royal united services institute for defense and security studies (RUSI) « si la Grande-Bretagne n’était plus en mesure de participer aux bases de données européennes qui se développent rapidement, si aucune nouvelle forme de participation n’était trouvée, cela représenterait un inconvénient significatif ».

« Cela ne veut pas dire qu’il n’y aurait pas de coopération sans participation britannique à l’UE », confie-t-il à l’AFP, « mais les processus seraient plus lents, plus lourds (…) Le véritable enjeu est vitesse et simplicité: plus les procédés sont complexes et longs, moins la police est efficace ».

– « Vos grands pieds de Français » –

Dans un rapport intitulé « Brexit et contreterrorisme », le think tank américain Soufan Group estimait le 26 septembre que « même dans un monde idéal où la GB et l’UE parviendraient à maintenir un système de partage de l’information presque parfait, les défis posés au contre-terrorisme et à l’application de la loi seront immenses ».

« Le niveau de la menace terroriste va rester élevé pour les années à venir et la possibilité d’un Brexit dur rendra tout simplement cette menace plus difficile à contrer en ajoutant des tuyaux inutiles qui gêneront le partage de l’information entre les différentes agences », ajoutent les experts de Soufan.

Toutefois, en matière de lutte antiterroriste, les enjeux sont si importants et les manquements à la coopération internationale si potentiellement désastreux que, dans les milieux du renseignement, règne un certain optimisme.

Même en cas de Brexit dur, les relations personnelles entre policiers et membres des services britanniques et européens, forgées au fil des ans et des enquêtes, vont subsister. Personne ne veut du rôle de celui qui avait le renseignement sur un attentat en préparation et qui, suivant de nouvelles procédures inefficaces, ne lui aurait pas fait franchir la Manche.

« Brexit ou pas, les services continueront à fonctionner comme ils le font avec Londres depuis cinquante ans », assure à l’AFP Alain Chouet, ancien chef du service du renseignement de sécurité à la DGSE (services extérieurs français).

« Avec les Anglais, ça ne fonctionne pas mal, à partir du moment où on ne se mêle pas directement de leurs affaires », ajoute-t-il. « Ils disent : +On sait ce qu’on a à faire, on ne veut pas de vos grands pieds de Français…+ Mais pour le reste, la coopération sur l’antiterrorisme a toujours bien marché, que ce soit avec le MI5 (renseignements intérieurs) ou le MI6 (extérieurs) ».

« Une des vocations des services, c’est de compenser les aléas de la politique internationale. On est payés pour ça, on le fait, et les Anglais font comme nous. Pour les services, la coopération s’est toujours bien passée. Elle continuera. »

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