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Huit mois après l’incendie, Notre-Dame de Paris reste à sauver

Le Vif

Notre-Dame en feu, sa flèche qui s’écroule: l’image a fait le tour du monde et suscité une avalanche de dons. Huit mois après l’incendie du 15 avril, la cathédrale emblématique de Paris, toujours vulnérable, va faire face à un de ses plus gros défis: le complexe démontage de son échafaudage.

Dès février, commencera l’opération la plus délicate du chantier herculéen de sécurisation de l’édifice gothique: il s’agira de démonter un à un 10.000 tubes de métal que l’incendie a soudés, telle une gigantesque toile d’araignée en plein ciel. Installé avant le sinistre afin de restaurer le bâtiment, cet échafaudage fragilisé et déformé par les flammes menace la voûte et l’équilibre de la cathédrale, qui n’a pas pu accueillir de messe de Noël pour la première fois depuis plus de deux siècles.

Un symbole poignant pour les croyants, qui vient s’ajouter aux débats et polémiques ayant suivi l’incendie de la cathédrale, haut lieu touristique mondial et lieu de culte. Dès le début, la reconstruction de la flèche a déclenché une vive controverse. Faudra-t-il la refaire à l’identique, en reprenant les plans détaillés de l’architecte du XIXème siècle, Viollet-le-Duc, comme le souhaite l’architecte en chef de la cathédrale Philippe Villeneuve?

Faut-il au contraire envisager « un geste architectural contemporain » comme l’a souhaité dès le 17 avril le président Macron, via un concours international d’architectes? « Qu’il ferme sa gueule! »: la sortie du général Jean-Louis Georgelin, nommé par Emmanuel Macron pour présider à la reconstruction en cinq ans de la cathédrale, à l’adresse de l’architecte en chef de Notre-Dame, est révélatrice du bras de fer en cours.

Huit mois après l'incendie, Notre-Dame de Paris reste à sauver
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Cette saillie a été mal prise par les experts et hauts fonctionnaires du ministère de la Culture, qui s’estiment court-circuités et reprochent à l’exécutif de viser une reconstruction à marche forcée, devant permettre à Emmanuel Macron de marquer des points en vue d’une réélection: le « geste architectural » sur Notre-Dame répondrait à son désir de laisser une trace dans l’histoire, comme François Mitterrand avec la Pyramide du Louvre. « Ce qui n’était que la restauration d’un monument historique devient une sorte de Clochemerle géant », ironise Didier Rykner, spécialiste du patrimoine et fondateur de la Tribune de l’art.

Reconstruction en 2021

Pour l’heure, la sécurisation de l’immense édifice reste la priorité. Après le démontage de l’échafaudage viendra le temps des choix architecturaux et des appels d’offres. La phase de reconstruction pourrait débuter en 2021. Une loi « Notre-Dame » votée fin juillet a autorisé certaines dérogations – parfois contestées – pour échapper aux lourdeurs administratives et accélérer le calendrier.

Une autre polémique a éclaté autour des négligences présumées, dans l’urgence juste après l’incendie, concernant la contamination au plomb. Les centaines de tonnes de plomb de la flèche, en fondant, avaient libéré des particules. Les analyses n’ont pas révélé de diagnostics inquiétants ni sur les enfants des quartiers environnants ni sur les ouvriers du chantier. Mais le chantier a dû être interrompu trois semaines pendant l’été, le temps des contrôles et de l’aménagement de mesures drastiques d’hygiène pour tous les intervenants dans la « zone sale ».

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Selon beaucoup d’experts, l’objectif de cinq ans fixé par Emmanuel Macron pour la restauration de l’édifice reste réalisable. Cela dépendra plus de la rapidité des procédures que des travaux eux-mêmes, vu les moyens technologiques disponibles. L’argent ne manque pas: 922 millions d’euros de dons et promesses de dons ont été confirmés, soit 320.000 dons. Du dollar d’un enfant américain aux 200 millions d’euros du milliardaire français Bernard Arnault.

Des mesures de défiscalisation ont encouragé la générosité. Mais cela a surtout témoigné, du Japon au Maroc en passant par les Etats-Unis et le Brésil, de l’immense notoriété symbolique de Notre-Dame, pour les croyants et les non-croyants. La multiplication des interventions non prévues, la possibilité que des fonds servent à réaménager les alentours de la cathédrale, tout cela conduit à penser qu’un milliard d’euros ne serait pas de trop.

Quant à l’enquête judiciaire complexe sur les causes de l’incendie, elle n’est elle pas close, s’orientant vers une négligence -mégot abandonné, court-circuit…-, et non vers une piste criminelle.

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