Les leaders du parti Die Linke: Bernd Riexinger, Sahra Wagenknecht au centre en bleu), Katja Kipping et Dietmar Bartsch à Berlin, en septembre 2017. © Reuters

Grand remue-ménage en vue dans la gauche allemande

Le Vif

Naissance d’un mouvement de gauche aux accents anti-migrants, écologistes défiant des sociaux-démocrates déboussolés: les cartes sont en train d’être redistribuées dans la gauche allemande en quête de solutions face à l’avancée de l’extrême droite.

Après avoir habilement balisé le terrain depuis des mois, Sahra Wagenknecht, égérie de la Gauche radicale (Die Linke), va lancer le 4 septembre un mouvement, « Se lever » (#Aufstehen), qui entend au-delà des questions sociales, tenir un discours beaucoup plus ferme sur l’immigration.

Son objectif déclaré: unir les forces progressistes de gauche autour d’un projet visant à combattre les inégalités sociales qui se creusent dans la première économie européenne.

Selon les premiers chiffres officiels, près de 40.000 personnes ont adhéré à ce mouvement, forme d’activisme politique en vogue qui a réussi en France à Jean-Luc Mélenchon, et bien sûr au président Emmanuel Macron.

Sont ciblés les sympathisants de la Gauche radicale, du parti social-démocrate (SPD), des Verts- et tous les déçus des treize années de pouvoir d’Angela Merkel qui ont succombé aux sirènes de l’extrême droite ou ont cessé de se rendre aux urnes.

L’ambition finale consiste à créer « de nouvelles majorités politiques et un nouveau gouvernement avec un agenda social », explique Mme Wagenknecht, tout aussi connue et controversée que son mari Oskar Lafontaine, un ancien ministre SPD et co-fondateur de Die Linke.

Il était grand temps

Le terrain est propice: les Allemands placent les thèmes sociaux en tête de leurs préoccupations au côté de la politique migratoire, selon un récent sondage de la télévision publique ARD.

Face à la montée du parti d’extrême droite AfD (Alternative pour l’Allemagne), entré l’an passé à la chambre des députés, « il était grand temps de lancer un mouvement de rassemblement de la gauche », juge le magazine Der Spiegel.

Et ce même si la personnalité de ses géniteurs, très contestés dans leur parti et plus connus pour leur propension à diviser qu’à unir, dérange.

Le mouvement pourrait « au moins à court terme » rencontrer un certain succès, estime le politologue berlinois Dieter Rucht.

Les positions de Mme Wagenknecht, favorable à une politique d’immigration restrictive et un rapprochement avec la Russie, « ont de quoi plaire à une partie des électeurs de l’AfD », souligne-t-il.

Directement menacé aussi, le SPD se veut serein. « Cela ne m’empêche pas de dormir », a fait savoir Andrea Nahles, cheffe du parti depuis avril.

Il est vrai qu’elle a d’autres problèmes. Après avoir réalisé, avec 20,5% des voix, son plus mauvais score historique aux législatives de 2017, son parti n’a cessé de s’étioler dans les sondages alors qu’il gouverne de nouveau avec Angela Merkel depuis mars. Il est désormais talonné par l’extrême droite mais aussi les écologistes.

Péril vert?

De quoi encourager les Verts à se montrer ambitieux et à se distancer d’un navire SPD à la dérive. « La création de majorités politiques libérales, progressives et écologiques est avant tout le devoir des Verts », a lâché le nouveau et charismatique co-président des Verts Robert Hasbeck.

« Et si cela ne suffit pas avec le SPD (…), alors il faudra trouver d’autres solutions », a-t-il prévenu, dans un appel du pied aux conservateurs en vue d’une alliance gouvernementale en 2021 quand -selon toute vraisemblance- Angela Merkel devrait passer le relais.

Le SPD prend la menace au sérieux. Andrea Nahles a récemment affirmé travailler à une alliance « rouge-rouge-verte » au niveau national, avec donc la gauche radicale.

Mais beaucoup doutent de la capacité du plus vieux parti d’Allemagne à rassembler.

Depuis les réformes libérales de l’ancien chancelier Gerhard Schröder qui a réduit le chômage mais conduit à une précarisation de l’emploi, la formation née il y a plus de 150 ans souffre d’un « déficit d’orientation », estime le politologue Mathias Micus de l’Institut de recherche sur la démocratie de Göttingen.

Elle « ne sait plus quels sont ses objectifs et quels sont ses groupes d’électeurs » indique-t-il à l’AFP, jugeant impératif une redéfinition du profil du parti.

Le SPD s’y essaie. Il a récemment lancé une offensive de politique sociale, axée sur les retraites.

Quitte à faire des promesses qu’il jugeait lui-même auparavant intenables, comme garantir leur niveau jusqu’en 2040 en augmentant les cotisations et les impôts. « Un pari risqué », résume Der Spiegel.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire