© AFP/Zakaria Abdelkafi

Gilets jaunes: à bout, les commerçants français redoutent le « samedi de trop »

Le Vif

« On n’y arrive plus ». A la veille de l’acte 10 des « gilets jaunes », les commerçants des grands centres urbains français, de Toulouse à Nantes, en passant par Bordeaux, redoutent de nouvelles violences et « le samedi de trop » pour leur trésorerie.

« Il n’y a pratiquement plus aucun distributeur de billets en service dans le centre, les transports sont perturbés, et les jets de projectiles et gaz lacrymogènes sont devenus monnaie courante… », énumère Claudia, responsable d’un magasin de bijoux et accessoires à Toulouse.

« Qui peut encore avoir envie de faire des achats? », lance-t-elle, dépitée.

Depuis mercredi, salons de thé, coiffeurs, épiceries, pharmacies… des centaines de commerçants de la Ville rose ont placardé « A VENDRE » sur leur vitrines, pour interpeller passants et pouvoirs publics sur « l’urgence de la situation ».

« Il n’y a pas d’autres solutions: l’ordre doit être assuré pendant les manifestations, avec l’intervention de l’armée s’il le faut », affirme, exaspérée, Carine.

La vitrine de sa boutique d’habillement a été caillassée samedi dernier lors d’une manifestation d’au moins 6.000 personnes émaillées de violences, comme plusieurs autres dans la même rue toulousaine, raconte-t-elle, encore choquée.

« Dans la tête des gens, le centre-ville devient associé à quelque chose de mauvais, un endroit où ça peut dégénérer à tout moment », soutient Eric, qui travaille dans une papeterie à Nantes.

Les employés comme lui sont aussi affectés par les baisses des ventes. A Toulouse, Franck Limorté, a renoncé à trois embauches en CDD en décembre, un mois pendant lequel il renforce d’habitude les effectifs de son magasin de décoration.

Même cri d’alarme à Bordeaux, autre grande ville en pointe de la mobilisation des « gilets jaunes ».

Selon Christian Baulme, président de la Ronde des quartiers qui regroupe 1.200 commerces, « 10% des commerces de Bordeaux risquent de disparaître ».

A Lyon également, « on ne voit plus le bout du tunnel », affirme à l’AFP Clément Chevalier, directeur de My Presqu’île, une association qui rassemble 240 enseignes, commerçants, artisans et entreprises dans le centre-ville.

Dans l’Est, les entreprises les plus touchées sont plutôt celles situées en périphérie, près des barrages dressés par les « gilets jaunes », selon la Chambre de commerce de Nancy.

A dix kilomètres de là, la zone commerciale « Grand Air » à Frouard a ainsi accusé une perte de cinq millions d’euros de chiffre d’affaires sur les quatre samedis de décembre, avec la mise en chômage partiel d’une partie du personnel des grandes enseignes.

Certains préparent du coup une riposte: à Toulouse, un collectif de commerçants en colère menace d’une « grève » de la collecte fiscale et des cotisations, si des violences sont à nouveau commises.

L’Etat « ne fait pas son boulot pour maintenir l’ordre pendant les manifestations » et dans le même temps « on nous fait recueillir la TVA, les cotisations sociales employeurs, et maintenant l’impôt à la source », s’indigne pour l’AFP Philippe Léon, un animateur du collectif.

D’après la chambre de commerce de Toulouse, « deux tiers des professionnels touchés sont au minimum affectés par une baisse de 30% de leur chiffre d’affaires, et 22% accusent au-delà de 50% de recul ».

Le maire LR de Toulouse, Jean-Luc Moudenc, s’est fait l’écho de ces demandes et de cette exaspération auprès d’Emmanuel Macron, qu’il a rencontré jeudi sur une base militaire lors des voeux aux armées du chef de l’État.

Pour cet élu, le ras le bol des commerçants doit faire réagir: « si tout cela ne cesse pas, on va assister à des débordements, à des initiatives où les gens voudront faire justice eux-mêmes », avec le risque de basculer dans une seconde phase très très préoccupante », affirme-t-il à l’AFP.

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