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En Ukraine, espoirs et craintes d’une probable présidence Zelensky

Le Vif

A l’extérieur du bureau de vote, un blindé de la Garde nationale monte la garde. Habitante de Marioupol, ville ukrainienne à une vingtaine de kilomètres du front, Anna vient de voter pour le comédien Volodymyr Zelensky, « le seul candidat avec qui une nouvelle vie commencera ».

Distancé dans les sondages pour le second tour de la présidentielle de dimanche, le président sortant « Petro Porochenko n’a malheureusement rien fait de visible pour nous » en cinq ans, ajoute cette architecte de 24 ans. Acteur et humoriste, Volodymyr Zelensky, 41 ans, part grand favori du scrutin face au chef de l’Etat, 53 ans, devenu très impopulaire. Epuisés par une guerre avec des séparatistes prorusses soutenus selon Kiev et les Occidentaux par Moscou, par la pauvreté persistante et les scandales de corruption incessants, les Ukrainiens voient en lui un espoir de changement et de renouveau.

Nombreux sont ceux aussi, y compris parfois parmi ceux qui votent pour lui par défiance du pouvoir en place, qui se préparent avec inquiétude à l’élection de ce novice au programme très flou. « C’est une personnalité nouvelle et je pense que les choses ne peuvent pas être pires qu’actuellement », tranche Laryssa, 18 ans. A l’inverse, Serguiï, 60 ans, a voté pour Petro Porochenko car « il s’est assuré du soutien de pays importants qui contiennent l’agression russe ». « Et en tant qu’habitant de Marioupol, je vois bien comment l’armée a été redressée ».

A l’autre bout du pays, à Lviv, bastion patriotique et religieux près de la frontière polonaise, Iouri, 67 ans, a voté pour le chef de l’Etat sortant parce que « c’est un vrai Ukrainien »: « S’ils élisent ce plouc président, ce sera une catastrophe. ». Cette ville est le chef lieu d’une des deux régions sur 25 où Petro Porochenko est arrivé en tête du premier tour. Sur les façades entourant le bureau de vote installé dans l’école No30, des affiches hostiles à Volodymyr Zelensky le qualifient de drogué ou avertissent d’un effondrement de la monnaie nationale s’il est élu. Tatiana, 31 ans, fait partie des rares électeurs qui disent y avoir voté pour le comédien: « Je le soutiens seulement parce que je suis contre Porochenko. Mais bien sûr que j’ai peur. Je n’ai pas beaucoup d’espoirs mais j’ai très envie de changement pour l’Ukraine. Avec le président actuel, il n’y en aurait pas pendant les cinq ans à venir ».

« Je suis pour Porochenko mais je ne pense pas qu’il gagne », soupire Grigori, 65 ans. « Je demande seulement au Seigneur que l’Ukraine soit sauvée. Je suis inquiet que (Volodymyr Zelensky) ne donne l’Ukraine à Poutine, que l’Ukraine ne disparaisse ». A la sortie d’un bureau de vote dans le centre de Kiev, Inna a voté elle aussi pour le président sortant parce que « c’est l’homme qui emmène l’Ukraine vers l’Europe ». Cette cuisinière énergique de 36 ans vit à Kiev après avoir fui Donetsk, l’une des villes séparatistes. Avec sa famille, elle se prépare avec angoisse à l’élection de Volodymyr Zelensky. « Ma mère, qui s’était trouvée sous les bombardements à Donetsk, pleure. Les parents de mon mari, qui vivent en territoire occupé (séparatiste, ndlr) sont sous le choc », raconte-elle.

« Mais on n’a nulle part où s’enfuir. Et s’il fait quelque chose de mal, je pense qu’il se fera virer encore plus vite que (Viktor) Ianoukovitch », le président prorusse qui a fui la Russie après la répression sanglante du soulèvement du Maïdan début 2014, renchérit la jeune femme. Dans le même bureau de vote, Anton Roudny, 27 ans, a voté pour le comédien justement parce que si ce dernier échoue, « il sera plus facile de le faire partir que Porochenko, qui contrôle plus de la moitié du Parlement. » A ses côtés, sa compagne Marta Semeniouk, 26 ans, a aussi choisi l’acteur: « On en a marre de tous ces mensonges. A la télévision ils parlent de hausse des salaires alors que ma mère, enseignante, a dépensé 80% de son salaire cet hiver pour payer électricité et le chauffage ».

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