Elena Betti, la première infirmière italienne à se faire vacciner au début de la campagne de vaccination, le 27 décembre 2020. © Reuters

En Italie, les professionnels de la santé qui refusent le vaccin risquent de perdre leur emploi

Stagiaire Le Vif

En Italie, le nouveau décret COVID approuvé par le Conseil des ministres italien ce 1er avril rend la vaccination obligatoire pour le personnel soignant et médical. En cas de refus, l’exercice de la profession sera suspendu ainsi que le salaire.

L’art. 4 du décret-loi sur la campagne de vaccination approuvé par le Conseil des ministres italien instaure la vaccination obligatoire contre la COVID-19 pour les travailleurs de la santé qui exercent leurs activités en contact direct avec les patients dans les établissements de santé ainsi que dans l’assistance sanitaire et sociale, dans les pharmacies publiques et privées, les parapharmacies et les cabinets professionnels. Le décret-loi vise « non seulement à améliorer l’état de santé de ceux qui y sont soumis, mais aussi à préserver celui d’autrui. » Cette obligation devrait « empêcher les personnes qui ne veulent pas se faire vacciner de contribuer à la propagation du virus dans les hôpitaux ou autres lieux à risque. »

Suspension d’emploi pour les professionnels qui refusent le vaccin

Des postes alternatifs seront attribués aux professionnels de la santé qui ne se feront pas vacciner. Par exemple, ils pourront effectuer des tâches administratives dans un bureau ou d’autres activités éloignées des personnes à risque. Dans ce cas, la rémunération correspondra au nouveau poste, même si temporaire. L’exemption restera valable jusqu’à ce que la situation de risque cesse d’exister. Il sera également possible de basculer en smart working ou d’utiliser les jours des congés non utilisés. Si le transfert vers un autre poste n’est pas possible, le salaire du travailleur sera suspendu. Ce n’est qu’en cas d’un nouveau refus que des sanctions, qui restent à définir, seront appliquées.

Des exceptions sont prévues : la vaccination ne peut être omise ou reportée qu’en cas de danger avéré pour la santé, en relation avec des conditions cliniques spécifiques documentées par le médecin généraliste. En cas de préjudice supplémentaire, en dehors des conséquences normales et tolérables, une « juste indemnité » sera octroyée.

Dans la pratique

Du point de vue opérationnel, la mise en oeuvre du plan est confiée aux régions. Les ordres professionnels et les employeurs sont tenus à leur envoyer, dans un délai de cinq jours à compter de l’entrée en vigueur du décret, les noms et la résidence des membres ou des employés non vaccinés.

Dans les cinq jours suivants, l’autorité sanitaire locale invitera les travailleurs à envoyer la preuve de la vaccination, la présentation de la demande de vaccination ou la documentation attestant l’absence des conditions de santé préalables à la vaccination obligatoire.

À l’expiration de ce délai, l’autorité sanitaire locale convoquera la personne concernée à se soumettre à l’administration du vaccin gratuit et à envoyer, dans les trois jours qui suivent, le certificat de vaccination à son employeur.

Après l’expiration des délais susmentionnés, s’il est constaté que l’obligation de vaccination n’a pas été respectée, l’autorité sanitaire locale en informe l’intéressé, l’employeur et l’association professionnelle à laquelle il appartient.

Dans les dix jours suivants, la réception de ces données, la région vérifiera par le biais des services d’information sur les vaccins, le statut vaccinal des personnes concernées. Elle signalera à l’autorité sanitaire locale les noms des personnes non vaccinées.

Le transfert vers un autre poste ou, le cas échéant, la suspension de l’emploi restera en vigueur jusqu’à l’achèvement du plan national de vaccination et, en tout état de cause, au plus tard le 31 décembre 2021.

Choisir entre le vaccin ou son travail

« Parmi le personnel soignant, les anti-vaccins sont une minorité, mais il est clair qu’ils ne peuvent être sous-estimés en raison des dangers auxquels ils exposent leurs patients« , a expliqué le ministre de la Santé Roberto Speranza. Parmi les médecins hospitaliers, l’estimation du personnel non vacciné varie entre 1 140 et 2 280 sur un total de 114 000, ce qui signifie entre 1 et 2 % du total. Parmi les infirmières employées par le National Health Service, les anti-vaccins sont une centaine sur un total de 254 000. C’est donc vers eux que le décret se tourne. « Le gouvernement a l’intention d’intervenir : il n’est pas bon que des professionnels de la santé non vaccinés soient en contact avec des personnes malades « , a déclaré le président du Conseil des ministres Mario Draghi.

Un décret qui suscite le débat

Un grand nombre des professionnels de la santé ainsi que des experts ont demandé la vaccination obligatoire suite à la découverte de certains foyers hospitaliers. D’abord, la Ligurie : après le cas de la polyclinique San Martino de Gênes (17 positifs dans le service de pneumologie éloigné des soins COVID), deux autres clusters ont été découverts à l’hôpital de Lavagna (8 patients et une infirmière) et dans une maison de retraite à Savone (2 personnes âgées et 3 opérateurs). « Il n’est plus acceptable que les citoyens risquent d’être infectés par ceux qui devraient les soigner« , a déclaré le directeur de l’hôpital San Martino, Salvatore Giuffrida.

Cependant, de nombreux juristes s’opposent au décret. « Rendre le vaccin obligatoire pour le personnel de santé est d’une efficacité douteuse, car il n’y a toujours pas de certitude que le vaccin protège contre l’infection. » D’autres cas le démontrent déjà : les vaccins protègent contre l’apparition des symptômes, mais ne préviennent pas nécessairement l’infection. « La véritable protection, ce serait de vacciner la population cible du virus (c’est-à-dire les plus de septante ans) plutôt que d’imposer la vaccination obligatoire à ceux qui les assistent« , exprime l’avocat Francesco Carrano.

Selon la Cour institutionnelle, en revanche, il s’agit « d’un équilibre entre l’intérêt collectif et celui de l’individu, en faisant prévaloir le premier, mais avec des tempéraments appropriés« . La loi imposant un traitement médical reste compatible avec l’article 32 de la Constitution qui implique « la conciliation du droit de l’individu à la santé, y compris dans son contenu de liberté de traitement, avec le droit réciproque des autres et avec l’intérêt de la communauté« .

L’obligation vaccinale n’est pas une nouveauté absolue en Italie. Elle existe déjà pour d’autres maladies, comme le prouve le décret Lorenzin, pour l’inscription des enfants à l’école.

Valentina Jaimes

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