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En France, les premiers détenus radicalisés sont arrivés à la prison de la Santé à Paris

Une « prison dans la prison » hautement sécurisée en plein coeur de Paris: la maison d’arrêt de la Santé a ouvert un quartier de prise en charge des détenus radicalisés, troisième du genre en France et « totalement étanche » du reste de la détention.

Quatre premiers détenus ont rejoint depuis le 24 juin l’aile dédiée de l’institution parisienne, baptisée selon le jargon de l’administration pénitentiaire « quartier de prise en charge de la radicalisation » (QPR).

D’une capacité totale de quinze places, il s’est installé dans le « quartier bas » de la prison de la Santé, réhabilité après quatre ans de travaux mais qui a conservé son modèle panoptique et sa « rotonde », d’où le surveillant peut observer toutes les directions sans être vu.

A l’intérieur du QPR, la sécurité est prégnante: un poste central filtre entrées et sorties, et même le directeur d’établissement doit émarger. A chaque « mouvement », c’est-à-dire quand le détenu quitte sa cellule, il est palpé et doit passer sous un portique de détection. Le port du gilet pare-lame est obligatoire pour les surveillants.

Les quinze cellules individuelles sont comme dans le reste de l’établissement, flambant neuves, et comportent un lit, une douche, des plaques chauffantes, un frigo, un téléphone fixe et de solides barreaux aux fenêtres. Mais les portes ont la particularité de pouvoir s’ouvrir vers l’intérieur ou vers l’extérieur et sont équipées d’un passe-menottes, une trappe utilisée en cas de danger.

« A l’oeilleton, on a un visuel sur la personne détenue, on lui demande de se mettre au fond de la cellule, les mains en évidence. Pour chaque ouverture, on est au minimum trois agents », décrit un surveillant lors d’une visite à la presse, pendant la promenade des détenus.

« C’est un quartier spécifique, mais ce n’est ni un quartier disciplinaire, ni un quartier d’isolement. Les détenus ont accès à des activités, à la salle de musculation, aux parloirs. Ce n’est pas un régime à part », insiste le directeur de l’établissement Bruno Clément-Petremann, arrivé à la Santé quelques jours avant les détenus radicalisés.

Un quartier « étanche » pour prévenir la « contagion »

Après être passés par un quartier d’évaluation de la radicalisation (QER), ils ont été placés en QPR, « voie médiane » entre la détention ordinaire et le quartier d’isolement réservé aux plus dangereux. « On estime qu’il y a une prise en charge possible », qu’ils sont dans un processus de « désengagement de la violence », explique-t-il.

Leur prise en charge de deux fois six mois est ensuite renouvelable tous les trimestres.

L’ouverture de ce quartier « étanche » vise à prévenir la « contagion ». La répartition des QPR sur le territoire – un premier à Lille-Annoeullin, un deuxième à Condé-sur-Sarthe (Orne) – a aussi permis de décongestionner les maisons d’arrêt d’Ile-de-France, où étaient encore il y a peu incarcérés 60% des détenus poursuivis pour actes de terrorisme.

A la Santé comme dans les autres QPR, l’équipe est pluridisciplinaire: conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP), psychologues, éducateurs, historiens, spécialistes du fait religieux ou de la communication non-violente, ainsi que 19 surveillants affectés à ce quartier – dont deux femmes – qui ont reçu une formation de trois semaines.

Stéphanie (le prénom a été modifié), 32 ans, a postulé « par curiosité » et par « envie d’être actrice » dans la lutte contre la radicalisation, mais non sans avoir eu quelques « a priori sur le rapport entre radicalisés et femmes ». « Depuis mon arrivée, j’ai vu des détenus très polis, très souriants », affirme-t-elle.

Si « le risque zéro n’existe pas », « les gestes se font plus en sécurité », poursuit-elle. Au quotidien, le travail n’est « pas si différent » que dans les autres prisons, si ce n’est qu’au QPR de la Santé ils seront toujours huit agents pour quinze détenus maximum contre un surveillant pour 80 prisonniers dans une détention ordinaire.

Un deuxième QPR de 30 places doit ouvrir avant la fin de l’année, dans la même aile de la prison parisienne mais indépendant du premier.

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