Thierry Fiorilli

« Elio Di Rupo, Greta Thunberg et le jeunisme à géométrie variable »

Thierry Fiorilli Journaliste

Qu’est-ce qui prouve qu’on est au bout ? Comment mesurer si on doit passer la main ? Pourquoi l’âge nourrit-il la légende de certains mais décrédibilise le rôle d’autres ? Etrange époque, décidément.

On y vénère Roger Federer, joueur professionnel de tennis depuis plus de vingt ans et toujours roi du circuit. Pareil avec Serena Williams, son homologue féminine. Indestructibles. Talents plus forts que les années passant. Comme Bruce Springsteen, 70 ans et toujours  » le boss « . Et Eastwood et ses 89 ans. Et Elizabeth II d’Angleterre, reine depuis bientôt soixante-huit ans. Toutes ces vénérables, tous ces vétérans, qui ne raccrochent pas, qui courent, règnent, filment, écrivent, composent, chantent, encore et encore et c’est merveilleux, quelle longévité, quelle résistance aux griffes du temps, respect, standing ovation. Même Kim Clijsters fait son come-back !

C’est beau, un vieux qui se bat. Enfin, pas tous. Pas en politique. Ou pas partout. Si personne ne considère aujourd’hui que les 73 ans de Donald Trump posent question, vu qu’il fait figure de favori pour les prochaines présidentielles américaines, en 2020, beaucoup considèrent chez nous que la longévité de nos dirigeants est un problème. Prenez Elio Di Rupo, 68 ans et ministre-président wallon : trop vieux ! Comme Laurette Onkelinx (60 ans), Didier Reynders (61), Olivier Maingain (61) : là depuis trop longtemps. Plus de vingt ans ! Qu’ils dégagent. Place aux jeunes ! Mais quels jeunes ?

Georges-Louis Bouchez, 33 ans ? Mais trop arrogant non ? Trop sûr de lui, trop perso. Paul Magnette, 48 ans ? Mais il était déjà ministre il y a douze ans : est-il donc toujours la promesse de nouvelles pratiques, de nouveaux horizons ?

Dès lors qu’il s’agit de contester la légitimité des uns, ou de glorifier le savoir-faire des autres, un même âge peut s’avérer épouvantable tare comme vertu magnifique. Greta Thunberg le sait mieux que n’importe qui. Ce sont ses 16 ans qui en font une telle ambassadrice de l’urgence de lutter contre le réchauffement climatique. Et ce sont ses 16 ans qui la font passer pour menu fretin aux yeux de ceux qui refusent de l’entendre. Ainsi du philosophe Alain Finkielkraut (70 ans), selon lequel c’est  » lamentable que des adultes s’inclinent devant une enfant. Je crois que l’écologie mérite mieux, et il est clair qu’une enfant de 16 ans, quel que soit le symptôme dont elle souffre, est évidemment malléable et influençable « .

Autrement dit : pas assez vieille, mais dégage quand même.

Une exhortation très en vogue, depuis plusieurs printemps et pas seulement dans les contrées arabes. Pour trouver de nouvelles solutions, dans tous les secteurs, on a tôt fait de proposer surtout de nouveaux visages. D’éliminer les plus anciens, donc. Ainsi aurait notamment dû décider le PS,  » pour que les choses changent en Wallonie « , entend-t-on ici et là de la bouche de ceux qui connaissent la date de péremption de tout homme ou toute femme politique (des autres partis que le leur, bien entendu). Les médias n’échappent pas à la tendance, qui déplorent volontiers le peu de renouvellement des effectifs gouvernementaux mais reprochent aussi vite à ceux qui s’en vont siéger ou diriger ailleurs (comme Charles Michel, 43 ans, ou Didier Reynders, ou Dominique Leroy, 54 ans) d’en fait quitter le navire façon rats pour en réalité ne soigner que leurs propres intérêts. Et cette fois quel que soit leur âge.

Ce qui démontre que nos sociétés font du jeunisme à géométrie très variable. Et s’attaquent toujours au messager, ou à la messagère, dès que le message n’est pas fait pour leur plaire.

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