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Des Catalans en colère tentent de bloquer des routes et l’aéroport de Barcelone

Le Vif

Des milliers d’indépendantistes catalans en colère sont descendus dans les rues lundi et ont tenté de paralyser l’aéroport de Barcelone, après la condamnation de neuf de leurs dirigeants à des peines allant de neuf à 13 ans de prison pour leur rôle dans la tentative de sécession de la Catalogne en 2017.

Dès l’annonce de la sentence, des milliers de personnes sont descendues dans la rue avant de rejoindre, à l’appel d’une plateforme baptisée « Tsunami démocratique », l’aéroport pour le bloquer. La police anti-émeutes a chargé à plusieurs reprises des centaines de militants tentant de pénétrer dans le terminal et jetant pierres et poubelles, a constaté l’AFP.

Selon les services d’urgence, 37 personnes ont été blessés, dont 34 à l’aéroport.

108 vols ont été annulés, selon le gestionnaire aéroportuaire Aena, tandis que des voyageurs étaient contraints de quitter leurs véhicules sur l’autoroute pour rejoindre le terminal à pied avec leurs valises.

Un peu partout en Catalogne, dont le gouvernement régional est toujours contrôlé par les indépendantistes, des militants ont coupé des routes et des voies de chemin de fer.

Dans la soirée, des milliers de militants se sont rassemblés au centre de la métropole catalane, pour une manifestation prévue depuis plusieurs jours, brandissant des drapeaux indépendantistes et criant « les rues seront toujours à nous ».

Le gouvernement espagnol de Pedro Sanchez avait envoyé ces derniers jours des renforts policiers et prévenu qu’il n’hésiterait pas à prendre des mesures extraordinaires pour garantir la sécurité, y compris à suspendre l’autonomie de la région, comme en octobre 2017 après la tentative de sécession.

Des Catalans en colère tentent de bloquer des routes et l'aéroport de Barcelone
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Les condamnations relancent les tensions dans une région que le séparatisme maintient en ébullition depuis près de dix ans, qui vont dominer les élections législatives du 10 novembre, les quatrièmes en quatre ans.

– 13 ans pour Junqueras –

L’ancien vice-président régional catalan Oriol Junqueras s’est vu infliger la plus lourde peine avec 13 ans de prison pour sédition et détournement de fonds publics.

Des peines de neuf à 12 de prison pour sédition, et détournements dans certains cas, ont frappé par ailleurs l’ancienne présidente du parlement catalan Carme Forcadell (11 ans et demi), les dirigeants des puissantes associations indépendantistes ANC et Omnium Cultural, Jordi Sanchez et Jordi Cuixart (9 ans) et cinq anciens ministres régionaux (entre 10 ans et demi et 12 ans).

Les juges ont écarté le chef d’accusation plus grave de rébellion invoqué par le parquet qui avait requis jusqu’à 25 ans de prison pour Oriol Junqueras.

Oriol Junqueras
Oriol Junqueras© Reuters

Trois autres anciens membres du gouvernement catalan, qui étaient en liberté conditionnelle, ont eux été condamnés à des amendes de quelque 60.000 euros chacun pour désobéissance.

Ces douze indépendantistes étaient jugés pour avoir organisé le 1er octobre 2017, en dépit de l’interdiction de la justice, un référendum d’autodétermination, émaillé de violences policières, suivi de la proclamation le 27 du même mois d’une vaine déclaration d’indépendance par le parlement catalan.

Cette tentative de sécession avait été la pire crise politique qu’ait connue le pays depuis la fin de la dictature franquiste en 1975.

« Ce n’est pas la justice, c’est une vengeance », ont dénoncé, dans un communiqué commun, les neuf indépendantistes condamnés à des peines de prison.

« Nous reviendrons encore plus forts (…) et nous gagnerons », avait réagi plus tôt Oriol Junqueras, principal accusé du procès, en l’absence de l’ex-président catalan Carles Puigdemont qui a fui en 2017 en Belgique pour échapper aux poursuites.

Des Catalans en colère tentent de bloquer des routes et l'aéroport de Barcelone
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Immédiatement après la condamnation de membres de son gouvernement restés en Espagne, la justice espagnole a lancé contre lui un nouveau mandat d’arrêt international. Elle avait retiré le premier parce qu’un tribunal allemand avait refusé de l’exécuter estimant que la rébellion qui lui été alors reprochée n’était pas établie.

– « Rage, impuissance » –

« Nous avons toujours cherché des voies pacifiques mais personne ne fait attention à nous (…) C’est pour cela que nous cherchons à causer le plus de désagréments possibles », a déclaré à l’AFP Carles Navarro, consultant de 49 ans.

« Je ressens de la rage, de l’impuissance. Ils sont condamnés pour une idéologie qui est la mienne », a lancé Joan Guich, étudiant de 19 ans. « Maintenant, nous devons nous mobiliser (…) Bloquer les aéroports, les gares mais toujours en évitant la violence ».

Dans une allocution solennelle, en espagnol et en anglais, Pedro Sanchez a appelé à une « nouvelle étape » en Catalogne basée sur le « dialogue », tout en rappelant que « personne n’est au-dessus de la loi ».

L’Espagne émet un nouveau mandat d’arrêt international contre Puigdemont

La justice espagnole a émis un nouveau mandat d’arrêt européen et international contre l’ancien président régional catalan Carles Puigdemont, après la condamnation lundi de neuf autres indépendantistes à des peines de prison pour la tentative de sécession de 2017.

Dans un communiqué, la Cour suprême a annoncé que le juge Pablo Llarena, qui avait retiré « un mandat d’arrêt européen et international » pour rébellion contre M. Puigdemont devant l’impossibilité de le faire appliquer par des partenaires européens, en avait émis un nouveau « pour les délits de sédition et détournements de fonds publics ».

C’est en vertu de ces délits que la Cour a condamné lundi son ancien vice-président Oriol Junqueras et d’autres dirigeants indépendantistes à des peines allant jusqu’à 13 ans de prison.

Principal acteur de la tentative de sécession de 2017, M. Puigdemont avait fui en Belgique pour échapper aux poursuites.

En juillet 2018, le juge Llarena avait dû retirer son mandat d’arrêt international à l’encontre de M. Puigdemont et d’autres indépendantistes partis à l’étranger après une décision de la justice allemande favorable à l’ex-président catalan, arrêté quelques mois plus tôt en Allemagne.

La justice allemande avait décidé de n’autoriser l’extradition de M. Puigdemont vers l’Espagne que pour le délit de détournement de fonds publics et non pour rébellion, qui le rendait passible de 25 ans de réclusion, dont il était alors accusé.

Elle avait en effet estimé que cette accusation n’était pas recevable en droit allemand car M. Puigdemont « n’était pas le chef spirituel de violences » et parce que les violences ayant eu lieu en octobre 2017 au moment de la tentative de sécession « n’étaient pas d’une ampleur suffisante » pour justifier de telles poursuites.

Selon le juge Llarena, la condamnation pour sédition prononcée lundi contre d’autres indépendantistes est un « élément renforçant le pronostic de responsabilité du fugitif », explique la Cour suprême dans son communiqué.

La justice belge elle aussi avait refusé d’appliquer le mandat d’arrêt européen mais apparemment pour vice de forme.

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