Le Premier ministre maltais, Joseph Muscat. © REUTERS/Yara Nardi

Démission du Premier ministre maltais, soupçonné d’ingérences dans l’enquête sur le meurtre d’une journaliste

Le Premier ministre maltais, Joseph Muscat, soupçonné d’ingérences dans l’enquête sur le meurtre de la journaliste Daphne Caruana Galizia et soumis à une intense pression pour quitter ses fonctions, a annoncé dimanche à la télévision qu’il allait démissionner en janvier.

Joseph Muscat, au pouvoir depuis 2013, n’a pas évoqué dans son allocution le meurtre de la journaliste, affirmant qu’il allait démissionner après la désignation d’ici le 12 janvier de son successeur, « car c’est la chose à faire ».

Le Premier ministre avait obtenu plus tôt dans la journée le soutien de parlementaires et ministres de sa formation politique, le Parti travailliste, pour rester en poste jusqu’en janvier.

Samedi, des sources au Parti travailliste avaient indiqué que le parti se choisirait un nouveau dirigeant le 18 janvier et que M. Muscat « démissionnerait formellement quand le nouveau chef sera choisi ».

« Il a toujours dit qu’il allait partir bientôt et maintenant il sent que le moment est venu. Mais il veut d’abord que (l’enquête sur) le meurtre de Daphne Caruana Galizia soit résolue sous sa supervision comme il l’avait promis », avaient affirmé ces sources.

La pression s’est intensifiée ces derniers jours sur le chef du gouvernement travailliste pour qu’il quitte immédiatement ses fonctions.

La famille de la journaliste Daphne Caruana Galizia, tuée dans l’explosion de sa voiture piégée le 16 octobre 2017, l’opposition (Parti nationaliste) et des mouvements civiques l’ont accusé d’intervenir dans l’enquête, notamment pour protéger son chef de cabinet, Keith Schembri.

Les détracteurs de M. Muscat le soupçonnent d’avoir obligé le gouvernement à rejeter cette semaine une mesure de grâce pour l’entrepreneur Yorgen Fenech, inculpé pour complicité dans l’assassinat de la journaliste, qui promettait en échange de dire « tout ce qu’il sait ».

Mission du Parlement européen

Ce magnat de 38 ans, copropriétaire du groupe familial Tumas (hôtellerie, casinos, automobile, énergie) venait alors de désigner à la police M. Schembri comme le « vrai commanditaire » du meurtre.

Le chef de cabinet a démissionné en milieu de semaine en même temps que le ministre du Tourisme, Konrad Mizzi.

Entendu par les enquêteurs, M. Schembri est ressorti libre jeudi, déclenchant la colère de la famille Caruana Galizia qui a argué qu' »au moins deux témoins et de multiples indices impliquent Schembri dans l’assassinat ».

Daphne Caruana avait creusé la partie maltaise des Panama Papers, qui révélaient l’existence au Panama de nombreux comptes offshore ouverts par des entreprises et personnalités du monde entier, et découvert des documents reliant notamment des sociétés panaméennes à Schembri et Mizzi.

Elle avait aussi révélé qu’une société de Dubai, la 17 Black, avait payé 2 millions d’euros à MM. Schembri et Mizzi pour des services non précisés. Le consortium de journalistes Daphne Project, qui a repris ses enquêtes, a révélé que la 17 Black appartenait à Fenech.

Des milliers de manifestants étaient attendus dimanche en début de soirée pour réclamer la démission de M. Muscat, pour la septième fois en deux semaines.

Une délégation du Parlement européen, menée par la députée néerlandaise libérale Sophie in’t Veld, se rendra à Malte de lundi soir à mercredi. Cette mission urgente avait été annoncée, de source parlementaire européenne, en raison d' »interrogations sur l’indépendance du système judiciaire et de graves accusations de corruption aux plus hauts niveaux ».

« Malte fait partie de l’Europe. Cette affaire nous concerne tous », avait tweeté vendredi la députée.

Lundi, un tribunal maltais doit aussi se prononcer sur un recours de Fenech, qui réclame la révocation de l’enquêteur en chef, Keith Arnaud, suspecté d’avoir des liens étroits avec le Premier ministre et son bras droit et ami, Keith Schembri.

M. Muscat, 45 ans, est à mi-mandat après avoir été réélu en juin 2017 à l’issue d’un scrutin anticipé. Celui-ci avait été convoqué en raison d’accusations de corruption touchant son entourage après la publication des Panama Papers.

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