Giuseppe Governale © Reuters

« Cosa Nostra vit un moment difficile »

Le Vif

L’arrestation la semaine dernière de Settimo Mineo, héritier du boss décédé Toto Riina, a porté un coup dur à Cosa Nostra, la mafia sicilienne, qui tente de se réorganiser après le règne brutal des « Corléonais », explique le patron de l’antimafia en Italie.

Cosa Nostra « vit un moment difficile », assure Giuseppe Governale, général des carabiniers à la tête de la Direction des enquêtes antimafia (DIA). Selon lui, la mafia sicilienne « ne gère même pas complètement le trafic de drogue dans l’île mais est obligée de s’allier avec la ‘Ndrangheta (la mafia calabraise) pour le ravitaillement ».

Elle tente donc de se réorganiser, et avait pour cela élu en mai « zio Settimo » (« tonton Settimo ») pour succéder à Toto Riina, le chef suprême de Cosa Nostra décédé l’an passé en prison. Cette élection avait eu lieu lors d’une réunion secrète de la Coupole, commission de chefs mafieux chargés d’assurer le respect des règles et de régler les différends entre les familles.

Selon les enquêteurs, il s’agissait de la première réunion de ce type depuis l’arrestation de Riina en 1993, décidée afin de choisir les nouveaux chefs de la Pieuvre et de réorganiser ses activités de trafic de drogue et de paris en ligne. « Settimo Mineo est le chef d’un des quinze clans de familles mafieuses de la province de Palerme, chacun d’entre eux comptant deux à quatre familles. Quatre autres chefs de clan ont été arrêtés avec lui et divers chefs de familles, donc c’est important », assure le général Governale.

Selon le procureur national antimafia, Federico Cafiero de Raho, Settimo Mineo a été choisi parce que ce joaillier de 80 ans était le plus âgé, un critère objectif visant à éviter toute compétition entre chefs mafieux. Il est de plus décrit comme un homme charismatique, doué pour la médiation.

Mais pour le patron de l’antimafia, le choix indique aussi une reprise en main de Cosa Nostra par les Palermitains, après le règne de Riina, originaire de Corleone, petite ville située à 60 km au sud de Palerme.

– ‘Les Corléanais’ aux commandes –

« Cosa Nostra a toujours eu un chef de Palerme et quand les Corléonais ont pris les commandes, cela a été une période de grands conflits. Certains mafieux se sont enfuis mais désormais ils commencent à revenir, vu que les Corléonais ne sont plus à la tête de Cosa Nostra », explique-t-il.

« La parenthèse corléonaise a débuté à la fin des années 1960 avec Luciano Liggio, puis ses disciples Toto Riina et Bernardo Provenzano (deux chefs historiques de Cosa Nostra, ndlr). Ces Corléonais qui avaient faim de pouvoir et étaient disposés à tout ont pris de surprise les mafieux palermitains. Ils les ont mis KO avec une audace et une violence incroyables », rappelle-t-il.

« Cela a entraîné un court-circuit dans les logiques générales de Cosa Nostra. Ce n’est pas que les Palermitains étaient complètement opposés à la violence. La mafia utilisait la violence avec mesure et précision, de la même manière qu’un chirurgien utilise son bistouri, parfois avec quelques excès, mais la virulence des Corléonais était incroyable même pour les autres chefs », selon le général Governale.

L’Italie a cependant été surprise de découvrir « zio Settimo », dans la mesure où les médias ont toujours présenté un autre chef historique, Matteo Messina Denaro, 56 ans, en cavale depuis 25 ans, comme l’héritier de Toto Riina.

Mais la traque sans relâche menée contre lui et son entourage a affaibli son camp, assure le chef de l’antimafia. « Il a été un élément important de la mafia des années 1980 et 1990. Maintenant, il doit démontrer sa capacité à être important d’un point de vue opérationnel ».

« Cosa Nostra est à des années-lumière d’envisager Matteo Messina Denaro comme son chef », estime-t-il.

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