Philippe Lamberts © BELGA

CETA: « La bataille légale n’est évidemment pas terminée »

Le Vif

« La bataille légale n’est évidemment pas terminée et, encore moins, notre bataille politique contre des traitements de faveur à l’égard des investisseurs qui, bien souvent, n’agissent que comme des rentiers dont les intérêts ne sont pas de servir l’économie réelle des pays où ils sont actifs », a déclaré mardi le co-président du groupe Verts/ALE au Parlement européen, Philippe Lamberts, en réaction aux conclusions de l’avocat général de la Cour de Justice de l’UE (CJUE) sur la compatibilité de certains aspects du CETA avec le droit de l’Union.

« Bien que la Cour de justice ait estimé (dans une autre affaire, ndlr) que le mécanisme traditionnel de résolution des différends entre État et investisseurs n’était pas compatible avec le droit européen, son avocat général estime aujourd’hui que cette jurisprudence ne s’applique pas aux tribunaux de nouvelle génération. Par ailleurs, celui-ci ignore le fait que l’existence même de ce type de mécanisme peut induire les États à renoncer à des mesures d’intérêt général », estime M. Lamberts.

Ce dernier et son collègue au sein du groupe des Verts, Yannick Jadot, rappellent que l’avis de l’avocat général n’est toutefois qu’une étape vers une décision de la Cour. Les écologistes européens, qui contestent depuis des années les tribunaux d’arbitrage privé, appellent dès lors à attendre l’arrêt définitif de la Justice européenne sur cette question.

A l’automne 2016, les entités francophones de Belgique, Wallonie en tête, avaient refusé leur délégation de signature au gouvernement fédéral pour souscrire au CETA, l’accord de libre-échange entre l’UE et le Canada, jugeant que ce traité manquait de garanties sur le respect des normes sociales, sanitaires et environnementales.

Elles pointaient plus particulièrement la clause d’arbitrage entre les investisseurs et les États, craignant que celle-ci donne une primauté aux intérêts privés.

Dans ses conclusions rendues ce mardi, l’avocat général de la CJUE estime que le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États prévu par l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada est bien compatible avec le droit de l’Union. Son avis ne lie pas la Cour mais les juges suivent son raisonnement dans la majorité des cas.

Les entreprises wallonnes bénéficient déjà de l’appel d’air du CETA

« La plupart des entreprises wallonnes exportant vers le Canada – soit environ 600 entreprises – bénéficient d’ores et déjà de l’appel d’air du CETA induit par la suppression des droits de douanes sur 98% des lignes tarifaires », a affirmé mardi le ministre-président wallon Willy Borsus.

Selon ce dernier, les exportations wallonnes vers le Canada ont en effet enregistré un bond historique de 205% au cours des neuf premiers mois de 2018 par rapport à la même période de l’année précédente, à comparer avec la hausse d’à peine 7% des livraisons de l’ensemble de l’UE28 au Canada durant la même période.

« Sans préjuger de la décision de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) qui doit encore intervenir, je note que l’avis de l’avocat général est favorable », s’est réjoui le ministre-président wallon en marge d’une visite aux Pays-Bas où il doit notamment rencontrer, mardi après-midi, le Premier ministre néerlandais Mark Rutte.

Une « invitation à rouvrir le débat » sur le CETA

Dans son avis rendu mardi, l’avocat général de la CJUE conclut que le système d’arbitrage prévu par le CETA, et contesté en Belgique par le feu gouvernement wallon PS-cdH, est compatible avec le droit européen et que le traité ne doit donc pas être modifié avant sa ratification. Pour le CNCD-11.11.11, il faut à présent élargir le débat sur d’autres dispositions du traité, avant que la Cour ne rende ses conclusions définitives en avril ou mai 2019.

La coupole dénonce ainsi l’incertitude liée à la libéralisation des services par « liste négative » (tout ce qui n’est pas explicitement préservé est automatiquement libéralisé), ou encore la protection « insuffisante » du principe de précaution (notamment en matière de santé ou de sécurité).

« À l’approche des élections, nous avons une occasion unique de réorienter la politique commerciale », souligne Michel Cermak, chargé de recherche au sein de l’organisme, qui espère la suppression définitive du système d’arbitrage dans les traités actuels et futurs. La clause d’arbitrage entre les investisseurs et les États – dite « ICS » (Investment Court System) – fait craindre aux opposants du CETA la primauté des intérêts privés sur l’intérêt public.

« Les traités comme le CETA sont des boîtes à outils créées par et pour les lobbyistes des firmes transnationales afin d’affaiblir les politiques publiques. On a provoqué un débat national en 2016. Il est nécessaire de le poursuivre », conclut M. Cermak.

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