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Bulle ou passoire ?: la sécurisation du marché de Noël de Strasbourg en question

Le Vif

Une « bulle » pour les autorités, une passoire pour les habitants… L’efficacité du dispositif de sécurisation du marché de Noël, qui n’a pas empêché le tireur de Strasbourg d’accéder à l’hypercentre et d’y semer la terreur, pose question.

Dès le lendemain de l’attaque, le maire Roland Ries a coupé court: « Moi et mes collègues refusons d’entrer dans une quelconque polémique », a-t-il dit devant les journalistes.

Le plan sécurité, qui « consiste à créer une bulle avec des fouilles à l’entrée » fonctionne « depuis plusieurs années ». « Il restera le même », a-t-il dit, excluant cependant jeudi de rouvrir le marché dans l’immédiat: avec le tireur toujours en fuite, « une menace reste suspendue sur nos têtes comme une épée de Damoclès ».

« Pas de faille »

« Je n’ai pas relevé de faille dans le dispositif », a abondé mercredi soir le préfet du Bas-Rhin, Jean-Luc Marx.

Mardi vers 19H50, Cherif Chekatt est entré dans le périmètre du marché de Noël par l’un de la quinzaine de ponts qui permettent l’accès à la « Grande-Ile », le centre historique de Strasbourg entouré d’eau, et ce pendant les heures où les accès sont contrôlés.

« Cela ne m’étonne pas », lâche Emeline, 38 ans, qui travaille dans le centre. « Vous portez une grosse veste, quelque chose au fond du sac. Vous passez ce que vous voulez ».

Imaginé pour maintenir l’édition 2015 du marché deux semaines après les attentats du 13 novembre à Paris, le dispositif mobilise tous les jours pendant quatre semaines 260 policiers nationaux, 160 agents de sécurité privés, 50 policiers municipaux et plusieurs dizaines de militaires de l’opération Sentinelle.

Budget: un million d’euros, contre 300.000 avant 2015, pour assurer la sécurité des Strasbourgeois et des deux millions de visiteurs du marché de Noël.

« La menace terroriste reste très élevée » mais « les effectifs sont prêts pour sécuriser cet événement », avait dit le secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Intérieur Laurent Nuñez, venu à Strasbourg pour l’inauguration du marché le 23 novembre.

Outre le contrôle des accès entre 11H00 et 20H00 à l’hypercentre, où est cantonné le marché depuis 2015, les véhicules motorisés sont soumis à des restrictions drastiques de circulation et de stationnement.

Des fosses dans les voies du tramway (qui ne s’arrête qu’à une ou deux stations du centre pendant cette période) et des blocs de béton doivent parer au danger d’une attaque au véhicule bélier, une mesure mise en place après l’attentat de Nice en 2016.

« Bulle hermétique » ?

« Un coup d’oeil au sac », des manteaux « pas ouverts », pas de contrôles le matin ni le soir, un accès possible via les deux stations de tramway ouvertes… « On passe comme on veut », résume Marion, 30 ans. Un avis partagé par beaucoup de Strasbourgeois.

La « bulle hermétique » est impossible, note une source proche. « Il faut qu’elle le soit 24 heures sur 24. Avec quels moyens humains gérer ce dispositif ? Et que fait-on le jour d’avant l’ouverture du marché ? Fouiller toutes les caves, tous les appartements du centre ? ».

« Il n’est pas question de fouiller au corps ni de contrôler la totalité des personnes mais d’effectuer des contrôles aléatoires, y compris d’identité par les policiers. Il y a des patrouilles mobiles sur zone, des policiers en civil, des profileurs, de la vidéo surveillance… C’est l’addition de ces mesures qui font le sens du dispositif, pas un point de contrôle unique », insiste l’adjoint au maire de Strasbourg, Alain Fontanel.

Pour renforcer drastiquement le contrôle aux points d’entrée, il faudrait en réduire le nombre. « Il y a 500.000 visiteurs par semaine, en plus des 11.000 habitants sur la Grand-Ile, des milliers de gens qui travaillent dans le centre »… Le risque, dit-il, est de créer de longues files de gens qui deviennent eux-mêmes des cibles.

« C’est compliqué » et « quelqu’un qui veut rentrer avec une arme dans un espace aussi grand peut le faire », reconnaît-il. « On peut réduire le risque, pas le supprimer ».

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