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Brexit: les « graves risques » d’un report au 30 juin

Le Vif

Un report de la date du Brexit jusqu’au 30 juin, comme l’a réclamé la Première ministre britannique Theresa May, entraînerait « de graves risques juridiques et politiques » pour l’UE d’après la Commission européenne. Néanmoins « une courte extension sera possible mais elle sera conditionnée à un vote positif sur le traité de retrait à la Chambre des communes », a dit Donald Tusk

L’Union européenne est prête à accorder au Royaume-Uni un court report du Brexit à condition que les députés votent l’accord de divorce négocié avec Theresa May, a annoncé mercredi le président du Conseil européen, Donald Tusk.

« Je crois qu’une courte extension sera possible mais elle sera conditionnée à un vote positif sur le traité de retrait à la Chambre des Communes », a dit M. Tusk, dans une courte déclaration devant la presse, réagissant à la requête de la dirigeante britannique.

A neuf jours de la date prévue pour la sortie du Royaume Uni du club européen et alors qu’elle a échoué à faire adopter par la Chambre des Communes le Traité de retrait conclu fin novembre avec Bruxelles, Mme May a écrit à M. Tusk pour lui demander une extension « jusqu’au 30 juin » de l’article 50 du Traité de Lisbonne, qui régit la sortie d’un pays de l’UE.

Son objectif est d’éviter à son pays une sortie brutale, sans accord et sans transition, de l’UE, 46 ans après l’adhésion du Royaume-Uni dans ce qui était alors la Communauté économique européenne.

Mais sa demande doit être acceptée à l’unanimité des 27 autres Etats membres de l’UE, réunis en sommet à Bruxelles jeudi et vendredi, et validée par les deux chambres du Parlement britannique avant le 29 mars, date théorique de la sortie.

La France a déjà averti qu’elle s’opposerait à ce report s’il n’était pas justifié par une stratégie « crédible ».

Le risque demeure donc d’un divorce brutal entre Londres et l’UE, un scénario aux conséquences économiques redoutées d’un côté comme de l’autre.

Catherine McGuinness, une haute responsable de la place financière londonienne, a pressé l’UE d’accepter la requête britannique et appelé les responsables politiques des deux côtés de la Manche à « faire preuve de pragmatisme et coopérer afin de trouver une solution à long terme à l’impasse actuelle ».

– « Frêle » espoir –

« Même si l’espoir d’un succès final peut paraître frêle, voire illusoire, et bien qu’une fatigue du Brexit soit de plus en plus visible et justifiée, nous ne pouvons renoncer à rechercher jusqu’au tout dernier moment une solution positive », a déclaré M. Tusk.

Le traité de retrait de l’UE, péniblement conclu à l’issue d’un an et demi de négociations, a été massivement rejeté à deux reprises par les députés britanniques. Malgré ces cuisantes défaites, Theresa May souhaite « présenter une nouvelle fois à la Chambre » ce texte et ce « aussi vite que possible ».

Pour être soumis au vote des députés, l’accord devra cependant être « substantiellement » différent, a prévenu le président de la Chambre des Communes, John Bercow, qui a écarté que les députés se prononcent une nouvelle fois sur un texte identique.

En obtenant ensuite un report du Brexit au 30 juin, Theresa May compte éviter au Royaume-Uni de participer aux élections européennes fin mai, une perspective qu’elle considère « inacceptable », près de trois ans après le référendum de juin 2016.

« En tant que Première ministre, je ne suis pas disposée à repousser le Brexit au-delà du 30 juin », a-t-elle déclaré, laissant planer l’hypothèse de sa démission.

– Pour quelle durée? –

Mais cette date est jugée trop tardive par plusieurs Etats membres et fait peser de « graves risques politiques et juridiques » pour l’UE, selon la Commission européenne.

« La question reste ouverte quant à la durée » du report, a souligné Donald Tusk.

Si les dirigeants des 27 « approuvent mes recommandations et qu’il y a un vote positif à la Chambre des Communes la semaine prochaine, nous pouvons finaliser et formaliser la décision sur l’extension dans une procédure écrite » ultérieurement, a dit M. Tusk, qui n’a toutefois pas exclu la nécessité d’un nouveau sommet « la semaine prochaine ».

Plus tôt dans la journée, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, avait estimé qu’il n’y aurait « pas de décision cette semaine lors du Conseil européen ».

Le délai réclamé par Mme May a fait bondir dans les rangs de la majorité comme de l’opposition. Le leader de l’opposition travailliste, Jeremy Corbyn, partisan d’un report plus long, a fustigé « l’incompétence, les échecs et l’intransigeance de la Première ministre et de son gouvernement ».

Le député conservateur Peter Bone, opposé au report, y a vu une « trahison du peuple britannique » et a appelé la cheffe du gouvernement à revenir sur sa décision.

Un débat d’urgence sur la demande de report était organisé mercredi après-midi au Parlement britannique.

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