Gérald Papy

Brexit: « La démocratie britannique est promise à des lendemains douloureux »

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

No way, no May, no deal, no Brexit… ? Comment sortir de l’impasse créée par les dirigeants et les parlementaires britanniques après la volonté populaire, exprimée le 23 juin 2016, de quitter l’Union européenne ?

A trois reprises, la Première ministre Theresa May, même en agitant sa démission préventive, n’a pas réussi à convaincre sa majorité à la Chambre des communes, ou une majorité alternative, d’approuver l’accord conclu avec l’Union européenne le 25 novembre 2018. Même si elle a glané 40 votes favorables supplémentaires à chaque re-présentation du deal, la dame de conviction n’a aucune garantie qu’un éventuel quatrième examen puisse sortir le Royaume-Uni du bourbier. Les députés de la Chambre des communes n’ont pas été plus habiles à trouver une majorité en faveur d’une alternative crédible. Leurs votes ont dégagé deux options préférentielles aussi éloignées qu’un Brexit avec maintien d’une union douanière et l’organisation d’un nouveau référendum…

En toute logique, la paralysie des pouvoirs exécutif et législatif devrait pouvoir ouvrir à terme la voie à une nouvelle consultation de la population. Mais le souvenir de l’entourloupe du traité de Lisbonne (approuvé par la voie parlementaire après avoir été rejeté par référendum, dans sa version antérieure de traité constitutionnel européen, en France et aux Pays-Bas en 2015) frappe désormais de la plus effroyable suspicion toute volonté politique de remise en cause d’un vote populaire. Même si, dans le cas d’espèce, les mensonges proférés pendant la campagne référendaire de 2016 par les tenants du Brexit, l’ignorance de ses conséquences réelles, et la parole redonnée au  » peuple souverain  » pourraient largement justifier une deuxième consultation.

Le Royaume-Uni et l’Union européenne ont économiquement tout à perdre d’une séparation sans accord. Mais au contraire de la seconde qui a fait montre d’une remarquable et étonnante unité, le premier, plus divisé que jamais, ajoutera à cet échec l’immense discrédit de sa classe politique. L’ancien maire de Londres Boris Johnson en fournit l’illustration la plus grotesque. Grand partisan du Brexit lors de la campagne référendaire, il refusa le poste de Premier ministre auquel son engagement le destinait. Ministre des Affaires étrangères démissionnaire quand la négociation avec l’Union européenne imposa de trouver un compromis qui s’éloignait d’un Brexit dur, il a finalement consenti, en tant que député, à approuver l’accord lors de sa troisième présentation, dans l’espoir, suppute-t-on, de se positionner idéalement pour succéder à une Theresa May démissionnaire… Cynisme, vous avez dit cynisme ?

Si l’incapacité à répondre aux aspirations du peuple et à tenir ses promesses est, à côté de la corruption, la première cause de la défiance des citoyens à l’égard des politiques, la démocratie britannique est promise à des lendemains douloureux. Pareille perspective ne sert pas l’Union européenne, même à vingt-sept. Car le malaise démocratique peut être contagieux. Cinq ans après la révolution de Maidan qui aspirait à un mieux-vivre sous les bannières européennes, les Ukrainiens ont porté en tête de leurs suffrages de l’élection présidentielle (dont l’issue sera fixée lors d’un deuxième tour, le 21 avril) un proeuropéen certes mais un humoriste, Volodymyr Zelensky. Analysant ce succès pour Le Monde, un de ses partisans a expliqué que  » quand vous êtes en phase terminale et qu’on vous propose un traitement expérimental, ça fait peur, mais vous acceptez « . A force d’agir comme elle le fait au Royaume-Uni, la démocratie à l’occidentale va finir par faire croire au peuple qu’il peut définitivement se passer des politiques.

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