Gérald Papy

Bras de fer USA-Chine: « Redevenir fier de l’Europe »

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

A la confrontation Est-Ouest de l’après-Seconde Guerre mondiale, s’est substituée aujourd’hui l’opposition entre la Chine et les Etats-Unis, alimentée récemment par un échange de sanctions taxatoires. La première, entre communisme et capitalisme, avait pour enjeu la suprématie idéologique de la planète et imposait une division du monde entre deux forces antagonistes, le camp occidental et le bloc soviétique. La seconde n’a, pour l’heure, que la prédominance économique comme objectif et n’exclut pas la poursuite d’un certain multilatéralisme.

C’est ainsi que l’Europe, pourtant partenaire historique des Etats-Unis, n’en est pas moins séduite par la puissance commerciale, les innovations technologiques et les investissements de la Chine, intérêts économiques et difficultés financières obligent.

Entre Donald Trump, allié turbulent, populiste mais démocrate, et Xi Jinping, partenaire en demande mais autocrate, le coeur de l’Union européenne balance, sans que celle-ci ne prenne véritablement conscience de l’opportunité que pareille évolution lui offre. Assurément, l’Union européenne gagnerait à réinvestir le terrain idéologique pour vanter un modèle unique au monde centré sur quelques lignes directrices qui, pour les unes, l’ont fondée, et, pour les autres, pourraient la régénérer : approfondissement de la démocratie, respect des droits humains, renforcement de la protection sociale, promotion des énergies renouvelables, régulation de la finance et réduction des inégalités.

A première vue, l’Union européenne n’en prend pas la voie, empêtrée qu’elle est dans le feuilleton du Brexit, déchirée qu’elle semble être entre progressistes et nationalistes, menacée qu’elle serait par une vague de populisme eurosceptique à l’issue des élections du 26 mai. Le pire est-il forcément inéluctable ? En deuxième analyse, le scrutin européen annonce une redistribution des sièges qui pourrait s’avérer in fine salutaire pour la démocratie. La réduction du poids des conservateurs et des sociaux-démocrates conjuguée au renforcement des libéraux (grâce notamment à l’apport des élus de la République en marche ? ) et du groupe des Verts (potentiellement devant les sociaux-démocrates en Allemagne et en France) va probablement soustraire le Parlement européen à l’entre-soi des petits arrangements, en vigueur depuis sa création, entre le Parti populaire européen et l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates.

A partir de l’échelon législatif, est-il possible d’instiller une nouvelle dynamique au sein de l’Union européenne ? Beaucoup dépendra des femmes et des hommes qui en conduiront les principales institutions lors de la nouvelle législature. L’histoire a malheureusement montré que le plus petit et indigent dénominateur commun servait souvent de critère prioritaire de sélection des chefs d’Etat et de gouvernement appelés à désigner les boss de l’Union. Pourra-t-il en être autrement, dans la sinistrose ambiante, sous les pressions populiste et citoyenne ? C’est souhaitable mais objectivement peu probable en l’absence de leadership au Conseil européen parmi les chefs d’Etat et de gouvernement. Emmanuel Macron était le seul à ambitionner de jouer ce rôle. Il est aujourd’hui affaibli et trop clivant. Annegret Kramp-Karrenbauer, successeure désignée d’Angela Merkel, en aurait-elle la volonté, n’en a pas encore les moyens. Il n’empêche, la construction européenne reste une aventure inédite et passionnante. Ne pas y participer le 26 mai serait une funeste erreur.

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