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Au procès du 13-Novembre, le sentiment de culpabilité de Tom

Le Vif

Il ne faut pas raconter à Tom, venu témoigner lundi au procès du 13-Novembre, qu’il est un héros même s’il a sauvé quatre personnes au Bataclan. Six ans après les attentats, il demeure hanté par un cauchemar : son face-à-face avec la personne qu’il n’a pas sauvée.

La culpabilité effroyable des rescapés des attentats du 13-Novembre revient dans quasiment tous les témoignages des parties civiles devant la cour d’assises spéciale de Paris.

Les treize personnes qui se sont succédé à la barre lundi n’ont pas perdu la vie le 13-Novembre mais toutes, sans exception, ont vu leur existence fracassée et portent en elles des blessures invisibles mais toujours ouvertes.

Tignasse ébouriffée sur le haut du crâne et nuque rasée, t-shirt noir et tatouages sur les bras, Tom, est un de ces blessés indemnes en apparence.

Il était dans la fosse du Bataclan le soir du 13-Novembre avec son ami Arthur.

À la cinquième ou sixième chanson du groupe Eagles of Death Metal, Tom entend une première détonation.

« À la deuxième détonation, je me dis : ‘c’est super rock’n’roll ici’. Je comprends pas. Je me retourne et là, je vois une personne, le regard vide. Je regarde mieux, elle a une immense plaie dans le ventre », se souvient Tom qui avait alors 23 ans.

Quand les assaillants montent à l’étage pour mieux atteindre leurs cibles coincées dans la fosse, un mouvement de panique s’empare des spectateurs qui se ruent vers les sorties de secours. Arthur que Tom n’a cessé de couvrir des yeux, hébété, manque d’être piétiné. Tom se rue vers son ami mais une main accroche son pied.

« C’était la main d’un gars à côté de moi que je croyais mort depuis le début. Je le regarde et je lui fais comprendre que c’est pas lui que je vais sauver mais mon ami. J’avais besoin de mes deux bras pour sauver Arthur. J’ai fait un calcul froid« , dit Tom dont la voix commence à se briser.

Il réussit à récupérer son ami. « Plein de gens lui marchaient dessus. Il est sonné. Je lui dis : ‘Agrippe-moi, on va sortir’. On commence à avancer… ».

En chemin, « je vois (une) fille sonnée, je me dis qu’elle ne va pas s’en sortir. Je mets une claque à Arthur pour qu’il revienne à la réalité. Je lui dis : ‘accroche-toi à moi, mais il faut que j’agrippe cette fille' ».

« On avance à trois pour essayer de sortir. On arrive à la porte des toilettes. Il y a un couple d’Anglais. Un gars sonné, une fille qui pleure. Je dis à Arthur de prendre la fille et de foncer. Je les mets ensemble, je les pousse vers la sortie ».

Tom, 1,71 m et plutôt gringalet, s’occupe du couple anglais. L’homme pèse environ 100 kilos. Il est blessé et Tom doit le porter. « Il est bien trop lourd pour moi ». Tom réussit néanmoins à le faire sortir du Bataclan.

Mission accomplie ? Certainement. Tom a sauvé son ami Arthur, une jeune femme et un couple britannique. Mais il est inconsolable.

« Je tiens à dire à la personne que je n’ai pas sauvée ce soir-là que je m’excuse, je m’excuse pour ses parents. J’ai fait un calcul froid mais il fallait que je récupère mon ami », dit le jeune homme d’une voix brisée.

« Je fais des cauchemars de ça tous les soirs. Je revis le moment où je croise son regard, quand il comprend que je ne vais pas le sauver », dit-il en retenant ses larmes.

Rongé de culpabilité, Tom raconte être « tombé dans la drogue, l’alcool, les médicaments ». « J’ai mis beaucoup, beaucoup de temps à m’en sortir », dit-il.

Il avoue avoir fait « deux tentatives de suicide parce que je n’arrivais plus à me regarder en face ».

« Au collège, j’essayais toujours d’aider les gens, se souvient-il. Là j’ai l’impression d’avoir créé une injustice. Je me suis dégoûté ».

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