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Au coeur de la tempête « gilets jaunes », Macron tente de reprendre la main

Le Vif

Les corps intermédiaires le matin, puis « la Nation » toute entière: après un quatrième épisode de fronde des « gilets jaunes », Emmanuel Macron s’adresse lundi aux Français dans l’espoir de faire, enfin, déboucher la crise sur une phase de dialogue.

Le président, qui s’exprimera publiquement à 20H00, pour la première fois depuis plus d’une semaine, va présenter « des mesures concrètes et immédiates », a assuré dimanche la ministre du Travail Muriel Pénicaud.

Cette initiative, qu’il a été pressé de toutes parts de prendre, intervient au surlendemain de l’acte IV des « gilets jaunes », avec quelque 136.000 manifestants samedi, et aussi un nombre record d’interpellations, plus de 320 blessés et encore des dégâts dans de nombreuses villes, particulièrement à Paris, Bordeaux et Toulouse.

Le chef de l’Etat réunit auparavant, dès 10H00, les présidents des associations d’élus locaux, du Sénat Gérard Larcher, de l’Assemblée Richard Ferrand et du CESE Patrick Bernasconi, en même temps que les cinq syndicats représentatifs (CGT, CFDT, FO, CFE-CGE et CFTC) ainsi que trois organisations patronales (Medef, CPME et U2P).

Refusant le « plan de communication », le syndicat Solidaires ne se rendra pas à la réunion, à laquelle participeront le Premier ministre et plusieurs membres du gouvernement. « Le président de la République a souhaité réunir l’ensemble des forces politiques, territoriales, économiques et sociales dans ce moment grave que traverse la Nation, afin d’entendre leurs voix, leurs propositions et avec pour objectif de les mobiliser pour agir », a expliqué l’Elysée.

Céder sans se renier, le dilemme de Macron face aux gilets jaunes

Macron et Castaner au pied de l'Arc de Triomphe parisien le 2 décembre 2018
Macron et Castaner au pied de l’Arc de Triomphe parisien le 2 décembre 2018© Reuters

« Le temps du dialogue »

« C’est le temps du dialogue et des réponses de l’Etat à la France qui souffre dans le respect de l’ordre républicain et de nos institutions », a tweeté dimanche M. Larcher.

Les partenaires sociaux avaient été reçus le 30 novembre par Édouard Philippe, à qui ils avaient réclamé des mesures rapides et concrètes.

Vendredi, une première table ronde s’est tenue au ministère du Travail, pour donner le coup d’envoi de concertations organisées en parallèle de la consultation organisée auprès des Français du 15 décembre au 1er mars.

Lundi, l’un des objectifs du chef de l’Etat est de montrer le retour dans le jeu des corps intermédiaires.

Puis dans la soirée, Emmanuel Macron « s’adressera à la Nation » depuis le palais présidentiel, sous une forme que l’Elysée n’a pas encore détaillée.

Proche du Premier ministre Edouard Philippe, le maire de Bordeaux Alain Juppé a invité dimanche le président à « répondre concrètement à certaines attentes légitimes », à tenir « un discours d’autorité », mais aussi « de compréhension, d’empathie ».

Sur le fond, Emmanuel Macron a jusqu’à présent affirmé qu’il entendait « changer de méthode » mais pas de « cap » économique. Des « macronistes historiques » militent pourtant pour un « tournant social » face aux « orthodoxes » budgétaires de Matignon et Bercy.

Un collectif de maires des Yvelines reçus vendredi à l’Elysée a également dit à M. Macron « que la méthode était catastrophique par rapport à l’objectif poursuivi depuis 2017 », a indiqué leur porte-parole Karl Olive, maire LR de Poissy, qui « souhaite plus de justice et de justesse sociales ».

« La démocratie est fragile »

Le député LREM Matthieu Orphelin a demandé au président d' »accélérer les réformes qui vont améliorer le quotidien des Français », en citant les retraites ou la précarité énergétique. Les ministres de Bercy, Bruno Le Maire et Gérald Darmanin, proposent aussi d’encourager les entreprises à verser à leurs salariés une prime exceptionnelle de fin d’année, qui serait exonérée d’impôt.

Alors que les revendications des « gilets jaunes », parties de la hausse des taxes sur le carburant, se sont rapidement étendues à la cause du pouvoir d’achat, un « coup de pouce » au SMIC, c’est-à-dire une augmentation du salaire minimum supérieure à l’indice de l’inflation, semble en tous cas exclu. Selon Mme Pénicaud, une telle mesure détruirait des emplois.

Dans l’opposition, la porte-parole des Républicains (LR) Laurence Sailliet réclame de ne pas « perdurer dans le déni et dans les explications complexes », sous peine de « se retrouver dans une situation dramatique ».

Plus direct encore envers le chef de l’Etat, le député RN Gilbert Collard a estimé que si celui-ci « ne trouve pas la formule de reconnexion avec le peuple, ça va être (…) quasiment ingérable. »

Samedi, le pouvoir est parvenu à enrayer l’escalade tant redoutée des violences, au prix toutefois d’une mobilisation policière rarement vue – et difficile à reproduire -, et de près de 2.000 interpellations, dont un grand nombre avant même les manifestations.

« Je sais, pour le constater dans certains pays, combien la démocratie est fragile », s’est inquiété dimanche le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, appelant « au ressaisissement ».

Les inquiétudes montent aussi pour l’économie, et notamment pour le commerce à la veille des fêtes de fin d’année, même si les conséquences globales du mouvement sont encore difficiles à mesurer objectivement. Les estimations de la Banque de France sur la croissance du quatrième trimestre doivent en donner une première idée lundi.

Sur le terrain dimanche, des « gilets jaunes » moins nombreux ont encore maintenu des barrages, occupé des ronds-points, filtré le passage sur des routes et rendu gratuits des péages.

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