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A Gibraltar, le Brexit inquiète des deux côtés de la frontière

Le Vif

Drogue et chômage côté espagnol, plein emploi à Gibraltar. La situation est diamétralement opposée de part et d’autre de la frontière mais à quelques mois du Brexit, la même inquiétude prédomine.

Car si les emplois à Gibraltar sont vitaux pour les habitants de la ville espagnole de La Linea de la Concepcion, ces derniers sont tout aussi indispensables au bon fonctionnement de l’économie de la petite colonie britannique située dans l’extrême sud de l’Espagne.

09H00, heure de pointe au poste-frontière de Gibraltar. Après un rapide contrôle de leurs papiers, des centaines de personnes traversent la piste de l’aéroport, à cheval sur la frontière, pour se rendre au travail dans la riche enclave britannique dominée par un rocher visible à des kilomètres à la ronde.

A Gibraltar, le Brexit inquiète des deux côtés de la frontière
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Ici, moins de 50 personnes sont sans emploi selon le gouvernement. La colonie est donc un eldorado pour les habitants des communes espagnoles frontalières dont La Linea, considérée comme la « capitale de la drogue » de l’Espagne et où le trafic de haschich venu du Maroc est une des rares opportunités de travail.

Et logiquement, l’éventualité de contrôles frontaliers plus stricts après le Brexit, préoccupe. Un accord de principe a été trouvé entre Madrid et Londres sur Gibraltar mais il reste conditionné à l’issue des négociations entre le Royaume-Uni et l’UE sur un accord de divorce.

Miguel Pereira
Miguel Pereira© AFP

« Personne ne sait ce qu’il va se passer. J’ai peur qu’ils demandent un visa de travail », craint Miguel Pereira, 53 ans, habitant de La Linea employé dans un dépôt de tabac de Gibraltar depuis trois décennies.

Electricien de formation, ce père de deux enfants sera contraint de chercher un emploi dans sa ville si travailler à Gibraltar devient trop compliqué. Un pari risqué vu le taux de chômage de 31% à La Linea.

– Fonctionnement « impossible » –

Comme Miguel Pereira, près de 14.000 frontaliers se rendent chaque jour dans la colonie britannique pour travailler dans le commerce, l’hôtellerie mais aussi les services financiers ou le secteur en pleine expansion des jeux en ligne.

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En majorité espagnols – même s’il y a 59 autres nationalités dont 2.500 Britanniques, vivant en Espagne en raison du moindre prix de l’immobilier -, ils représentent au moins la moitié des actifs de Gibraltar dont la superficie est à peine la moitié de celle du plus petit arrondissement de Londres (Kensington et Chelsea).

Leur crainte est d’autant plus grande que si l’actuel gouvernement socialiste est favorable à la libre circulation entre l’Espagne et Gibraltar, de précédents gouvernements ont fermé la frontière à plusieurs reprises pour mettre la pression sur la colonie revendiquée par Madrid.

L’inquiétude est tout aussi palpable chez les entreprises de Gibraltar.

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« Il serait littéralement impossible de couvrir avec d’autres salariés tous les emplois de Gibraltar qui seraient affectés si les travailleurs frontaliers n’étaient pas en mesure de venir », souligne Christopher Wall, patron d’Alimentana, grossiste alimentaire qui emploie 18 personnes dont 9 travailleurs frontaliers.

« Dans le commerce de gros et de détail, à court terme il serait presque impossible de fonctionner », ajoute-t-il.

Dans ce contexte, certaines entreprises envisagent d’autoriser leurs salariés à faire du télétravail ou de leur donner une flexibilité dans leurs horaires, assure Julian Byrne, président de la Fédération des petites entreprises de Gibraltar, qui représente environ 300 entreprises locales.

Mais « certaines entreprises ne peuvent pas le faire, cela dépend dans quel secteur vous êtes », dit-il depuis les locaux modernes de sa société de web design.

– « Il n’y a rien » –

A La Linea, les répercussions du Brexit se font déjà sentir dans les bilans des commerçants et des entreprises en raison de l’impact sur leurs ventes de la chute de la livre sterling depuis la décision des Britanniques de quitter l’UE en 2016.

Une chute qui frappe aussi le pouvoir d’achat en euros des travailleurs frontaliers payés en livres.

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Carrossier à La Linea, Eladio Perez Diaz raconte que les trois filles de sa compagne ont quitté leur emploi dans la finance à Gibraltar, leur salaire converti en euros étant passé de 1.400 euros à 900, et pensent partir à Londres.

Et lui-même est « quasiment certain » de fermer son entreprise et d’émigrer si le Brexit entraîne des retards dans le passage de la frontière alors que près des deux tiers de son activité sont liés à des clients venant de Gibraltar.

« Il n’y a pas de travail à La Linea, il n’y a rien », dit-il.

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