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Veganisme : les hypermarchés surfent sur la vague

Stagiaire Le Vif

Le véganisme, un mode de vie qui consiste à ne plus consommer de produits issus d’animaux ou de leur exploitation, fait de plus en plus d’adeptes. Les hypermarchés l’ont bien compris et n’hésitent pas à surfer sur la vague en proposant de plus en plus de produits végétariens et véganes. Mais s’agit-il d’une véritable transition alimentaire et écologique ou d’une stratégie marketing ?

Une transition alimentaire est-elle en train de s’opérer ? C’est ce que laissent entendre les chiffres d’iVox, dans une étude commanditée par l’ASBL ÉVA, concernant les habitudes alimentaires des Belges. Les véganes sont en nette progression en Flandre, à Bruxelles et en Wallonie. Quasiment la moitié des Belges (44%) ont réduit leur consommation de viande. Au total, 16% de la population mange des plats végétariens puisque 7% se déclarent végétariens, et 9% « flexitariens », c’est-à-dire végétarien à temps partiel. Une augmentation qui est surtout remarquable en Wallonie, où le pourcentage de végétariens a doublé, faisant disparaitre l’écart avec la Flandre.

Au coeur de ce changement, le véganisme, une idéologie en pleine expansion. Une tendance qui n’a pas échappé aux hypermarchés, les plus gros canaux de distribution des denrées alimentaires, qui ont vite fait de s’en emparer. C’est ce que confirme Baptise Van Outryve, porte-parole du géant Carrefour en Belgique. « Nous avons lancé la marque « Carrefour veggie » il y a quatre ans. Avant, il existait déjà d’autres marques proposant des produits végétariens, mais le marché est en constante évolution puisque nous pouvons noter une progression de 25% chaque année« .

Cette évolution, Baptiste Van Outryve l’explique par un changement des habitudes alimentaires.  »Aujourd’hui ce ne sont plus uniquement les végétariens qui consomment ces produits. On peut constater que la population devient « flexitarien », c’est-à-dire qu’elle consomme des produits végétariens tout en continuant à manger de la viande. « 

Après l’omnivore, le flexitarien

Le profil type de la clientèle des hypermarchés ce sont les jeunes familles avec enfants. La cible pour Carrefour et ses concurrents n’est pas celle des magasins spécialisés, mais ce fameux ‘ »flexitarien ». Une stratégie que Colruyt confirme également.  »Les produits véganes sont un gros succès en Flandre, mais on remarque une forte augmentation en Wallonie ces deux dernières années, avec une attention pour les produits 100% végétaux, explique Nathalie Roisin, la porte-parole du magasin.  »Notre offre se compose de produits qui s’adressent à un plus large public. Au vu de la demande croissante, la gamme est appelée à s’étendre. Des projets sont d’ailleurs en cours dans ce segment. Il faut s’attendre à des nouveautés dans la seconde moitié de 2018 et pour 2019« .

Une tendance  »veggie » rentable

Il est difficile de chiffrer le bénéfice des hypermarchés, car, étant côté en bourse, ils ne communiquent pas ces informations. Néanmoins, les enseignes avouent que leurs ventes ne cessent d’augmenter. Cela se confirme quand on voit l’espace dédié à ces produits en magasin et l’élargissement de leur gamme à d’autres rayons « non-food » comme le textile ou le maquillage par exemple.  »On constate bien évidemment une tendance haussière dans la vente de ces produits, ainsi que dans l’offre, que ce soit en produits frais, surgelés, mais aussi en épicerie et autres cosmétiques où l’assortiment est appelé à encore évoluer », explique Colruyt. Même son de cloche pour Carrefour. Avec plus de 200 produits végétariens, dont la gamme n’a pas fini de se développer, la stratégie du géant français est claire : accompagner le client dans sa transition.  »Aujourd’hui, on peut affirmer que nous sommes leader en termes de prix et de choix et on souhaite continuer à offrir une gamme variée et la moins chère possible à nos clients. »

Les hypermarchés remplissent leurs rayons végétariens avec de nouveaux produits tous les mois. Une gamme qui s'étend aussi au secteur de la
Les hypermarchés remplissent leurs rayons végétariens avec de nouveaux produits tous les mois. Une gamme qui s’étend aussi au secteur de la « non-food ». © Getty Images

Pour ces enseignes, la tendance végane est rentable et ce qui semble durable, outre les produits, ce sont les profits. « Le but ce n’est pas de remplacer la viande, mais de varier les produits. Pour moi, l’engouement végane n’est pas un effet de mode, je suis convaincu que ces changements ne sont pas temporaires », affirme le porte-parole de Carrefour. Même constat chez Colruyt, précurseur sur ce marché, puisque la marque proposait une gamme végétarienne dès les années 90. Cependant, il a fallu attendre 2011 et la montée de l’idéologie végane pour voir l’offre s’élargir.

« Les prix sont devenus plus accessibles et le nombre d’articles a augmenté, ainsi que l’espace dédié en magasin« , explique la porte-parole du groupe Colruyt. « On a aussi consacré une formation plus étendue de notre personnel en matière de connaissance de ces produits avec des ateliers cuisine par exemple. C’est la preuve qu’à nos yeux, ce segment est porteur.« 

Colruyt a ainsi déployé de nombreuses stratégies pour rester le leader du marché: outre la formation du personnel, le groupe a publié un livre de recettes veggie, et de véritables ateliers de cuisine. « Nous souhaitons également aller plus loin dans cet assortiment sur notre propre site de production. Un nouveau département qui investira davantage dans l’alimentation alternative a ouvert ses portes l’an dernier  ».

Au total, on trouve 42 références veggie dont sept sont véganes. Burgers, nuggets, kebabs, plats préparés, boulettes, seitan, tofu, Colruyt élargit sa gamme, allant vers des aliments de plus en plus dépourvu de produits issus des animaux. « En ce moment, on évolue vers l’aliment « pur » avec par exemple des burgers de légumes et moins de panures. Quand il n’y a pas d’ingrédients d’origine animale, mais bien un risque de trace de ces ingrédients, nous ne les considérons pas comme « vegan », à ce niveau nous allons même un peu plus loin que la loi« , explique la porte-parole.

Pour le discounter Lidl, la stratégie est la même: développer sa marque « My best veggie » à un prix défiant toute concurrence.  »Il s’agit d’une demande provenant directement de milliers de consommateurs via notre page Facebook, après le succès de la semaine végétarienne que nous avions organisée« , explique Isabelle Colbrandt, chargée de communication chez Lidl. « Notre assortiment s’élargit tous les mois, car la demande s’agrandit depuis l’année dernière. Pour l’instant on a 1500 produits de ce type et notre objectif c’est une croissance de 10% chaque année« .

Les hypermarchés utilisent les différents labels comme stratégie marketing.
Les hypermarchés utilisent les différents labels comme stratégie marketing. © Getty Images/iStockphoto

Attention au « greenwashing »

Pour ces différentes enseignes, le label végane fonctionne. D’ailleurs, ils n’hésitent pas à le décliner à toutes les sauces. Pour promouvoir et vendre leurs différents produits, les hypermarchés utilisent un marketing qui prône l’aspect « écoresponsable » en usant de l’étiquette verte. En marketing on appelle ça le « greenwashing ». Sur leur page internet dédiée aux produits véganes et végétariens, les références liées à l’écologie foisonnent. Ainsi, la couleur et l’omniprésence du label  »bio » prédominent. Au cas où ces éléments subliminaux ne feraient pas leur chemin dans l’esprit des consommateurs, les enseignes expliquent sur leur site internet l’importance d’avoir une bonne hygiène de vie et de nouveau réflexe écologique.

Mais lorsqu’on demande à Lidl si, par exemple, l’utilisation excessive du plastique qui recouvre ces produits ne va pas à l’encontre de l’idéologie mise en avant par le magasin, la réponse est floue : « C’est vrai qu’il y a une contradiction entre le fait de proposer des produits bio et végane et de les emballer dans du plastique. Quand on voit que chaque concombre a un emballage, on peut se poser la question. Mais c’est indispensable pour protéger les produits et mieux les conserver« , se défend l’enseigne.

Félicia Mauro

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