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Une marée noire sous la glace, le cauchemar de l’Arctique

Le Vif

L’écumeur pousse sous la surface d’immenses blocs de mer gelée pour faire remonter le pétrole répandu lors d’une marée noire et l’aspirer: ce n’est heureusement qu’un exercice, mais la menace, elle, est bien réelle.

L’opération se déroule en mer Baltique, par un froid polaire, dans des conditions proches de celles que l’on rencontre en Arctique, ce finistère septentrional de la planète qui en est aussi l’un des écosystèmes les plus fragiles.

Antti Rajaniemi, 37 ans, capitaine du brise-glace « Ahto », n’est pour une fois pas occupé à dégager l’accès aux ports du nord de la Finlande. Il teste pour Arctia, l’entreprise publique qui exploite ces navires, comment du pétrole déversé sous la glace pourrait être récupéré.

« Il faut séparer le pétrole de la glace en mer puisqu’on ne peut pas ramener toute cette glace à terre », explique à bord Rune Högström, qui travaille pour le spécialiste finlandais de la lutte contre les marées noires, Lamor.

Alors que les grandes puissances lorgnent l’Arctique et son potentiel économique, des tests sans précédent de nettoyage dans les eaux finlandaises en hiver montrent à quel point un accident pétrolier dans cette région pourrait être dévastateur.

Dans l’océan Arctique, à plusieurs jours de navigation des grands ports les plus septentrionaux, les opérations pour récupérer la mélasse toxique seraient un véritable défi posé aux Etats riverains.

« Les difficultés ne se limitent pas au froid extrême, à la neige, aux longues périodes de faible luminosité, aux vents forts, au brouillard intense, aux plaques de glace, aux courants puissants et aux mauvaises conditions de mer », énumère le think tank Pew Research Center à Washington.

« Il faut y ajouter l’infrastructure limitée qui permettrait de soutenir une intervention d’urgence », note-t-il en soulignant que les Etats-Unis ne disposent que de deux brise-glaces, dont l’un seulement pourrait être mis à disposition dans la zone.

Le risque de catastrophe n’a fait qu’augmenter avec le réchauffement climatique, qui a pour conséquence une nette hausse du trafic maritime dans la région, mettant en péril ours blancs, phoques et oiseaux marins qui peuplent ce désert blanc.

Urgence

Plus que l’océan Arctique, la Finlande planche sur l’inquiétant scénario d’une catastrophe dans la Baltique, mer beaucoup plus fréquentée et moins agitée.

« Une marée noire ici c’est un vrai défi, quand on pense qu’on a 50 centimètres de glace et que, si on la brise, le pétrole se disperse encore plus », explique Rune Högström à l’AFP.

La Baltique constitue un bon terrain d’étude: avec sa surface prise à moitié dans la glace l’hiver, et ses 350.000 traversées de bateaux par an, elle pourrait être le lieu d’un désastre écologique.

Le pétrole d’une marée noire est normalement récupéré, dispersé par des agents chimiques, contenu avec des barrières voire brûlé. Mais dans une eau gelée, il va se nicher sous la glace, invisible, avec le risque qu’il s’y mêle quand arrive le brise-glace.

« Quand on récupère du pétrole mélangé à de la glace, seul 1% est du pétrole et 99% de la glace. Il faut pouvoir séparer la glace », souligne M. Högström.

En guise de test par -15°C, des ingénieurs descendent sur la glace pour la percer et injecter un liquide rouge inoffensif qui symbolisera le pétrole. C’est ensuite au tour de la pompe d’entrer en action. Mais il faudra d’autres exercices pour comprendre, idéalement, comment se servir des hélices du brise-glace pour attirer le pétrole vers la pompe.

La Finlande travaille depuis 20 ans à cette technologie qui, selon une étude en 2015 de l’Association internationale des producteurs de gaz et de pétrole (IOGP), semble la plus adaptée pour récupérer mécaniquement le pétrole.

En Amérique du Nord, la recherche se concentre davantage sur l’idée de brûler le pétrole sur place. Mais c’est d’autant plus difficile que la glace est dense.

D’après les écologistes, il y a urgence. « La glace a fondu si vite que les forages pétroliers et la pêche industrielle s’étendent à des régions où ils étaient impossibles autrefois et où il n’y a pas encore de règles », affirme la directrice de Greenpeace Finlande, Sini Harkki.

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