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Un décès sur six lié à la pollution

Muriel Lefevre

9 millions de morts par ans seraient liés à la pollution. Soit une mort sur six. Quinze fois plus que celles causées la guerre ou la violence. La contamination touche l’air, mais aussi l’eau et les lieux de travail selon un rapport publié dans la revue The Lancet. En sachant que ces chiffres sont probablement largement sous-estimés c’est, pour les auteurs, le problème de santé le plus sous-estimé au monde.

« On estime que les maladies causées par la pollution ont été responsables de 9 millions de morts prématurées en 2015 – soit 16% de l’ensemble des décès dans le monde », évalue ce rapport, issu de deux ans de travail d’une commission associant la revue médicale britannique, plusieurs organismes internationaux, des ONG et une quarantaine de chercheurs spécialisés dans les questions de santé et d’environnement. Ils préviennent que cela pourrait mettre en péril l’avenir de l’humanité.

Et en Belgique ?

Le rapport précise qu’en Belgique il y a 869 morts par million d’habitants. Soit près du double de nos voisins luxembourgeois (437) et sensiblement plus que les Pays-Bas (726) et La France (523). Si la Belgique n’a pas de sites répertoriés comme pollués, elle obtient plusieurs points verts indiquant une pollution de l’air. Particulièrement autour de ses villes comme Bruxelles, Anvers et Gand, mais aussi Liège et Charleroi. La Belgique est aussi signalée pour sa pollution de l’eau où elle ne fait pas partie des meilleurs élèves.

Le rapport a été produit par plus de 40 chercheurs des gouvernements et des universités du monde entier et financé par l’ONU, l’UE et les États-Unis. « C’est un travail extrêmement important qui met en évidence l’impact de la pollution de l’environnement sur la mort et la maladie », a déclaré le Dr Maria Neira, directrice de la santé publique et de l’environnement à l’OMS. « C’est une perte de vies inacceptable et un potentiel de développement humain. »

La pollution est la première cause. Pas très loin derrière, le tabac.
La pollution est la première cause. Pas très loin derrière, le tabac. © Lancet

Ce bilan représente « trois fois plus de morts que le sida, la tuberculose et le paludisme réunis, et 15 fois plus que ceux causés par les guerres et toutes les autres formes de violence », soulignent ses auteurs. La pollution de l’air (extérieur et intérieur) est responsable à elle seule de 6,5 millions de décès chaque année, principalement à travers des maladies non transmissibles comme les maladies cardiaques, les AVC, le cancer du poumon et la broncho-pneumopathie chronique obstructive.

Les pays où il y a le plus de morts liés à la pollution sont :

  • Bangladesh
  • Somalie
  • Tchad
  • Niger
  • Inde
  • Népal
  • Sud-Soudan
  • Érythrée
  • Madagascar
  • Pakistan

L’eau polluée, le second facteur le plus alarmant, serait liée à 1,8 million de morts, via par exemple un mauvais assainissement ou la contamination des sources, causes de maladies gastro-intestinales et d’infections parasitaires. La pollution sur le lieu de travail en causerait environ 800.000, via l’exposition à des substances toxiques ou cancérigènes.

Un résultat probablement très largement sous-évalué

Et cette évaluation est « probablement largement sous-estimée », ajoute The Lancet. Il pourrait s’agir d’une erreur de plusieurs millions de morts. Parce que « de nombreux polluants chimiques restent encore à identifier » et que les scientifiques découvrent encore des liens entre la pollution et problèmes de santé, tels que le lien entre la pollution de l’air et la démence, le diabète et les maladies rénales. »

Le phénomène touche en premier lieu « les populations pauvres et vulnérables », note le rapport. 92% de ces décès surviennent en effet dans des pays à revenu faible ou moyen et, dans chaque pays, ils concernent davantage les minorités et les populations marginalisées.

Une carte interactive pour mieux comprendre

Le rapport existe aussi sous forme de carte interactive qui indique les sites pollués et plusieurs niveaux de pollution comme celui de l’air ou de l’eau. Un récapitulatif très visuel pour mieux comprendre. Instructif, pour ne pas dire anxiogène à voir en cliquant ici

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Un décès sur six lié à la pollution
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Dans certains pays, la pollution est en cause pour un quart des décès

Dans les pays en voie d’industrialisation rapide comme l’Inde, le Pakistan, la Chine, Madagascar ou le Kenya, jusqu’à un décès sur quatre pourrait être lié à la pollution. Le rapport insiste aussi sur le poids économique de ces vies écourtées pour les pays concernés: plus de 4.600 milliards de dollars chaque année, soit l’équivalent de 6,2% de la richesse économique mondiale.

Or ce fardeau reste « négligé tant par les gouvernements que par les organisations pour le développement », déplore The Lancet dans un éditorial accompagnant le rapport. La revue médicale appelle à « s’attaquer d’urgence à la situation » et à battre en brèche « le mythe selon lequel la pollution serait une conséquence inévitable du développement économique ». La pollution est également responsable pour quart des décès de jeunes enfants, selon l’OMS.

Les pays riches ne sont pas plus épargnés: les États-Unis et le Japon se classent parmi les dix premières victimes des formes « modernes » de pollution, à savoir la pollution atmosphérique liée aux combustibles fossiles et la pollution chimique.

Smog sur le quartier d'Anand Vihar, à New Delhi, le 17 décembre 2015
Smog sur le quartier d’Anand Vihar, à New Delhi, le 17 décembre 2015© Belga Image

L’Inde, où sévissent à la fois la pollution traditionnelle et la pollution moderne, détient, et de loin, avec ses 2.5 millions de morts le plus grand nombre de décès dus à la pollution. La Chine est deuxième avec 1,8 million de morts. On notera également que la Russie et les États-Unis sont également dans le top 10.

En ce qui concerne les décès liés à la pollution sur son lieu de travail, le Royaume-Uni, le Japon et l’Allemagne figurent parmi les dix premiers.

Cependant, les scientifiques voient néanmoins une lueur d’espoir, car les efforts réalisés ces dernières décennies ont montré que l’on pouvait gagner la lutte contre la pollution s’il y avait une volonté politique. « La pollution est l’un des grands défis existentiels de l’ère anthropocène », ont conclu les auteurs. « La pollution met en danger la stabilité des systèmes de soutien de la Terre et menace la survie continue des sociétés humaines. » « Nous craignons qu’avec neuf millions de morts par an, nous repoussions les limites de la pollution de la Terre » dit le professeur Philip Landrigan de l’université de médecine d’Icahn aux États-Unis. « Par exemple, les décès dus à la pollution de l’air en Asie du Sud-Est devraient doubler d’ici 2050. » La principale inquiétude de Landrigan est qu’on ne connaît pas encore l’impact de centaines de produits chimiques et pesticides industriels déjà dispersés dans le monde: « Je crains que nous ayons créé une situation où les gens sont exposés à des substances qui érodent l’intelligence ou affaiblissent leur système immunitaire. Seulement nous n’avons pas encore eu l’intelligence de faire le lien entre l’exposition et les conséquences, car c’est encore très subtil.

« La pollution n’a pas reçu autant d’attention que le changement climatique, le sida ou le paludisme, c’est le problème de santé le plus sous-estimé au monde ».

Les 10 pays où il y a le moins de morts liés à la pollution sont :

  • Brunei
  • Suède
  • Finlande
  • Barbade
  • Nouvelle Zélande
  • Trinité-et-Tobago
  • Canada
  • Islande
  • Bahamas
  • Norvège

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