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Suivre les flamants roses à la trace pour mieux les préserver dans le monde

Le Vif

Le soleil se lève à peine à l’horizon dans le sud de la France: 150 bénévoles encerclent doucement dans un des étangs des salins d’Aigues-Mortes des centaines de poussins flamants roses qui doivent être bagués pour protéger cette espèce emblématique des zones humides, menacées à travers le monde.

Lorsque les humains habillés de T-shirt de couleurs vives s’approchent des quelque 900 poussins gris, les flamants roses adultes qui gardaient cette « crèche » s’envolent à tire-d’aile vers les remparts de la ville d’Aigues-Mortes.

« Allez, on se bouge ! », lance Pierre, responsable de l’équipe « jaune » parmi les bénévoles qui, les jambes plongées dans l’eau chargée de sel, dirigent les poussins apeurés vers un enclos arrondi, composé de toile de jute et de bois, dressé au bord de l’eau.

L’opération est menée conjointement par la Tour de Valat, Institut de recherche pour la conservation des zones humides méditerranéennes basé dans le sud de la France, et le groupe français Salins (l’un des principaux saliniers européens) qui gère 8.000 hectares d’un milieu exceptionnel à Aigues-Mortes et ses environs.

Un réseau international d’échanges de données sur ces oiseaux emblématiques des milieux humides menacés par l’urbanisation et la pollution a été constitué par des scientifiques et des ONG de défense de la nature en Espagne, Italie, Turquie, Algérie, Tunisie, Maroc et Mauritanie.

La Tour de Valat dispose ainsi de plusieurs centaines de milliers de données qui permettent de comprendre le comportement et l’histoire de chaque flamant bagué. « C’est absolument précieux pour comprendre l’écologie et la biologie de cette espèce et pouvoir adapter des mesures de conservation appropriées », souligne auprès de l’AFP Jean Jalbert, 57 ans, directeur de la Tour du Valat.

– Numéro alphanumérique unique –

Serrés les uns contre les autres sur la rive de l’étang, les poussins, âgés de un à trois mois et ne sachant pas encore voler, sont saisis un par un. Puis chacun est pris en charge par un « porteur » bénévole et bagué par une personne qualifiée sur chacune de ses pattes démesurément longues.

Certains se blottissent contre leur « porteur », d’autres se débattent sans ménager la personne qui les tient. Les pattes et les ailes de chaque poussin sont ensuite mesurées, l’oiseau est pesé et on examine s’il a mangé.

Le « porteur », souvent attendri, peut alors le relâcher à regret au bord de l’eau. « Vas-y, doucement ! », murmure ainsi Magali face à un poussin qui patine péniblement dans la vase sans parvenir à rejoindre l’eau.

« Ce matin, nous avons bagué environ 675 poussins, ce qui consiste à leur apposer deux bagues, l’une métallique qui contient un numéro unique provenant du Muséum (national) d’Histoire naturelle et une en PVC qui contient un numéro alphanumérique unique qui identifie chaque individu et qui est lisible à distance », explique M. Jalbert.

« Depuis 41 ans, on a pu grâce à ces bagues suivre individuellement les flamants un peu partout là où ils se répartissent », notamment autour du bassin méditerranéen, poursuit-il.

Grâce au baguage, on sait que le flamant rose vit plusieurs décennies, qu’il change tous les ans de partenaire, qu’il va les chercher dans la même classe d’âge, les « vieux » et les « vieilles » étant considérés comme les meilleurs reproducteurs. Les femelles ne pondent qu’un oeuf par an.

L’espèce est « atypique » en termes de migration, certains restant dans la région de la Camargue (sud), d’autres migrants vers l’Afrique du Nord en hiver et d’autres enfin ayant un comportement « erratique », migrant ou non selon les circonstances.

Quelque 50.000 sont présents sur la côte méditerranéenne française à la saison de la reproduction, et seulement 20.000 en hiver. Quelque 500.000 seraient recensés à travers le monde.

L’espèce a été très menacée dans les années 1960. « On estime aujourd’hui qu’elle est en bon état de conservation », souligne M. Jalbert. Mais les salins et grandes lagunes littorales qui sont « nécessaires à sa survie sont en train de disparaître à une vitesse alarmante sur la planète », avertit le spécialiste.

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