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Noël: Attention au gaspillage

Dans le monde, chaque année 1,3 milliard de tonnes de nourriture sont gaspillées, selon les estimations de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Soit un tiers de la production alimentaire. En cette période de bombance, c’est au consommateur de jouer !

À nous de jouer !

En Europe, les consommateurs sont responsables d’un tiers du gaspillage alimentaire. Il nous incombe donc aussi de veiller à ne pas jeter inutilement…

Cependant, ce constat s’accompagne d’une bonne nouvelle : la majorité des consommateurs tente de limiter le gaspillage de nourriture. Quand on pense à la pauvreté qui sévit aussi dans notre pays, il est inacceptable que nous gaspillions autant de nourriture : une prise de conscience qui ne fait que croître, heureusement. De plus, nos voisins du nord ont calculé qu’en évitant le gaspillage, nous pouvions épargner chaque année jusqu’à 150 € par personne.

La directive du concombre

Mais lorsque l’on évoque le gaspillage de nourriture, on entend bien davantage que le simple fait de jeter quelques restes. La faute n’incombe pas au seul consommateur : des gaspillages s’observent dans tous les maillons de la chaîne alimentaire.

Ainsi, beaucoup de légumes et de fruits doivent satisfaire à des exigences de qualité, de calibre et de « beauté » bien précises pour être mis en vente. La chair des pommes doit être impeccable et la peau ne peut être endommagée. Des carottes déformées n’ont aucune chance même si leur qualité est parfaite. Toutes ces normes sont précisées dans une réglementation européenne, appelée la directive du concombre. Cette directive a certes été assouplie en 2008, mais pas encore assez. Des règles strictes s’appliquent encore à une dizaine de variétés de légumes et de fruits, qui représentent trois quarts du commerce des fruits et légumes.

Au Parlement européen, les discussions à ce sujet font rage, car ces normes touchent non seulement les cultivateurs, les agriculteurs et les horticulteurs mais conduisent aussi à des formes scandaleuses de gaspillage alimentaire. De nombreuses denrées fraîches qui ne répondent pas aux règles européennes perdent de leur valeur marchande. La baisse des prix qui s’ensuit entraîne, d’une part, une baisse de revenus pour les producteurs et, d’autre part, davantage de surplus qui sont ensuite compostés, transformés en biogaz ou en fourrage, ou parfois même pas récoltés, quand la récolte coûte plus que ce qu’elle rapporte.

Consommateur exigeant

Les légumes et les fruits qui, en dépit de leurs anomalies, passent entre les mailles du filet et aboutissent dans les rayons du supermarché se vendent difficilement… car le consommateur choisit les plus beaux exemplaires. Sans compter un effet de « contamination » : une pomme légèrement abîmée au milieu d’un tas de pommes irréprochables fait que ces dernières se vendront aussi plus difficilement. Les consommateurs ne veulent pas de bananes droites, de concombres recourbés, de laitues aux feuilles trop grandes et de pommes de terre couvertes de terre. Tout doit paraître parfait et les chaînes de supermarchés se livrent une concurrence féroce pour présenter les plus beaux fruits et légumes.

Le secteur bio n’y échappe pas non plus. Quand le légume est couvert d’un peu de terre, le client fait la fine bouche. Les normes sévères l’ont rendu exigeant. Elles ont cependant l’avantage de la clarté : le consommateur sait ce à quoi il peut s’attendre quand il commande un ravier de fraises, par exemple. Nous n’avons jamais vu un régime de bananes cabossées… Or, quand on ne connaît pas, on ne fait pas confiance.

Nous sommes non seulement habitués aux formes prévisibles mais aussi aux goûts prévisibles : le yaourt et le chocolat goûtent toujours la même chose. Cette uniformité est attendue aussi des légumes et des fruits. Si une pomme est acide et l’autre plus sucrée, nous avons l’impression d’avoir été trompés sur la marchandise. Car en réalité, les consommateurs ne s’intéressent plus au processus de production. Ils ne connaissent peut-être même plus l’influence des saisons sur les saveurs…

Le sort des invendus

Des efforts sont déployés sur tous les fronts pour éviter les surplus de fruits et légumes. Les cultivateurs essaient de cultiver des produits de qualité aux bonnes dimensions. Pour satisfaire aux normes, la culture des fruits et légumes est devenue une entreprise hautement technologique : la croissance est surveillée de près et fait l’objet d’interventions rapides à la moindre anomalie.

Le gros des surplus est destiné aux entreprises de transformation en fourrage, aux installations de biogaz, au fumage, au compostage et aux oeuvres de bienfaisance. Chaque année, quelque 2000 tonnes de nourriture sont distribuées aux plus démunis. Environ un quart des surplus de diverses chaînes de supermarchés va aux banques alimentaires et autres organisations caritatives, malgré la difficulté d’organiser ces dons qui nécessitent une distribution rapide…

Les légumes « moches » en primeur

Des chaînes de magasins organisent la vente de légumes sortant des cadres esthétiques, à moindre prix. Avec un certain succès !

L’été dernier, Delhaize a vendu des légumes « moches » ou « drôles » dans 16 de ses supermarchés. Les clients ont pu y acheter une caissette de 3 kg de ces drôles de légumes d’une qualité irréprochable à 3,99 euros. L’action a débuté le 30 juillet pour une période de 14 semaines et vient d’être évaluée. Nous nous sommes informés des résultats auprès du porte-parole Delhaize, Roel Dekelver : « L’action a connu un succès incroyable. Nous avons vendu toutes les caissettes de légumes, autrement dit plus de 6000 ! Les consommateurs ont réagi avec enthousiasme. » Delhaize va d’ailleurs réitérer l’action. Au printemps 2016, on proposera à la vente des caissettes de « gueules cassées » dans 50 magasins belges. Il s’agit de légumes cultivés sur le sol belge, présentant un défaut, mais d’une qualité irréprochable. S’ils ne sont pas vendus dans tous les magasins de la chaîne, c’est en raison du système de récupération et de distribution des denrées fraîches, selon Roel Dekelver : « Pour le moment, la logistique permettant d’emballer ces légumes pour le supermarché fait défaut. Les cultivateurs envoient ces légumes dans les entreprises de fourrage ou de biogaz, quand ils ne les laissent pas sur le champ. »

Grâce à son action, Delhaize a sauvé un total de 15 tonnes de légumes de saison de qualité qui sinon auraient été refusés. Mais le plus important est que cette action a confronté beaucoup de monde à la problématique du gaspillage alimentaire. « Nous avons un public très critique, explique le porte-parole de Delhaize. Et pourtant, ils ont été séduits par nos drôles de légumes ; la plupart ne savaient même pas qu’ils existaient !  » L’analyse des chiffres a appris qu’au cours de cette même période, les clients des 16 supermarchés concernés n’ont pas acheté moins de légumes « déclarés aptes à la consommation » : ils ont en plus acheté la caissette de drôles de légumes. Delhaize lance également une action de fabrication de jus de fruits à partir de « pommes moches ». « Même pour les jus de fruits, on utilise surtout des fruits ‘approuvés’ » précise Roel Dekelver.

Delhaize s’est inspiré d’initiatives similaires à l’étranger. En France, la chaîne Intermarché fut la première à proposer des légumes moches à ses clients : la campagne « Moins joli mais exquis » y a rencontré un succès gigantesque. Intermarché vendait ces légumes 30 % moins cher en y associant une campagne contre le gaspillage alimentaire. La Grande-Bretagne a suivi la France avec la campagne « Ugly Food » : « Inglorious Food and Vegetables » a vendu en deux jours environ 1,2 tonne de fruits et légumes aux formes « hors normes ».

Conseils pour moins gaspiller

– Faites une liste de courses.

– Contrôlez vos réserves avant d’aller au magasin.

– Prévoyez des portions justes.

– Conservez correctement les aliments pour une conservation maximale.

– Cherchez et utilisez des recettes pour les restes (elles abondent sur internet)

Vous avez dit « déchétarisme » ?

Le déchétarisme, ou glanage alimentaire est le fait de fouiller dans les poubelles pour retirer ce qui serait encore valable ou comestible. Une nécessité pour certains, un geste citoyen pour d’autres.

Qu’elles proviennent de poubelles de particuliers, de magasins de grande distribution ou de restaurants, des denrées encore comestibles peuvent être trouvées en nombre. Chez certains des déchétariens ou glaneurs, l’objectif consiste plus largement à chercher des produits que l’on peut (ré)utiliser : objets divers, vêtements, etc. La principale raison de ce « dumpster diving » (littéralement : plongeon dans la benne à ordures) reste le manque d’argent, et la faim. Les déchétariens veulent par la même occasion se rebeller contre la société de consommation actuelle.

Mais qu’en est-il de la légalité de ce phénomène ? D’une part, l’on peut considérer que les gens ont cédé leurs déchets dès qu’ils les ont placés dans des containers. D’autre part, ces poubelles se trouvent généralement sur un terrain privé et l’on n’a donc pas à y pénétrer. Le 22 mars 2010, Steven De Geynst, surnommé le Muffin Man, a été pris en flagrant délit de fouille des poubelles d’une enseigne Carrefour en Belgique. Il a été condamné à six mois de prison avec sursis pour vol avec violence par le tribunal correctionnel de Termonde. En février 2012, la cour d’appel de Gand a revu le jugement et l’accusé n’a pas été condamné. Ce déchétarien mène depuis des années un combat acharné contre la surconsommation et le gaspillage alimentaire. Les supermarchés restent d’avis que le glanage doit être puni, arguant que la sécurité alimentaire ne peut être garantie, puisque la nourriture provenant d’une poubelle est pleine de bactéries et autres saletés. Ce à quoi les glaneurs rétorquent qu’ils rincent abondamment les aliments avant de les consommer…

Une variante de ce « déchétarisme » est l’autorisation donnée par des agriculteurs à des glaneurs : ceux-ci peuvent alors récupérer gratuitement sur champ ce que les premiers ne veulent pas récolter car ils ne pourront pas les vendre (pommes de terre trop petites, par exemple).

Gaspillage en Belgique

– 15 à 23 kg de nourriture sont jetés, par personne et par an.

– 50 % des fruits et légumes jetés sont encore comestibles.

– 12 % des aliments jetés sont encore comestibles.

– Top 3 des aliments jetés : pain, légumes, fruits.

– Chaque Belge jette 1,65kg d’aliments non déballés chaque année.

– Dans 21 % des cas, la date de péremption n’est pas passée.

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