Les Saisons, de Jacques Perrin et Jacques Cluzaud © DR

Les films de nature font un tabac

Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Les Saisons, du tandem Jacques Perrin – Jacques Cluzaud, en salle dès ce mercredi, vient rappeler les enjeux d’un cinéma célébrant la nature pour mieux conscientiser l’humain.

La sortie des Saisons, ce 27 janvier, ne saurait venir plus à propos, au terme d’un automne exceptionnellement doux et au début d’un hiver qui a tardé à réveiller ses froideurs… Le nouveau film coréalisé par Jacques Perrin et Jacques Cluzaud (1) nous emmène à la redécouverte de ces territoires européens que nos ancêtres partagèrent longtemps avec des animaux qui s’y font aujourd’hui rares, voire en sont carrément absents. Cela commence par la sortie d’un hiver de 80 000 ans, la fin d’une ère glaciaire -la dernière en date – et l’apparition d’une forêt recouvrant tout le continent, enclenchant le cycle de saisons et une évolution que l’Homme poussera de la chasse et de la cueillette vers l’agriculture, puis récemment vers une industrialisation à l’impact énorme sur nos rapports avec l’environnement animal, végétal, météorologique.

La manière dont « l’Homme, apprenti-sorcier, modifie la nature et aussi les saisons » est épinglée à la fin du film, de manière laconique mais sans emphase aucune. « Nous faisons du cinéma, nous ne faisons pas de discours ! », clame un Jacques Perrin qui ne veut pas souscrire aux « courants alarmistes ». « Il ne s’agit pas d’assommer les gens avec la chasse, la pollution, les extinctions, les animaux qui disparaissent, et leur plomber le moral, mais de réveiller en eux le sentiment de partager quelque chose de profond, de fondamental, de précieux, avec ces animaux que nous filmons. Ainsi, quand quelque chose de terrible les menace, nous nous sentons impliqués, motivés à prévenir le pire. Il appartient aux décideurs politiques, économiques, de faire le nécessaire. Nous autres cinéastes pouvons juste avoir quelque effet sur la conscience des gens… » Et Jacques Cluzaud de souligner l’information capitale contenue dans Les Saisons : « Il aura suffi d’une augmentation de température moyenne d’à peine 5 degrés pour tout bouleverser, pour faire passer la Terre de l’ère glaciaire à l’ère interglaciaire qui est la nôtre ! A méditer à l’heure des décisions prises à la COP21, et qu’on espère voir suivies d’effets… »

Ouvrir les yeux

Producteur du Peuple singe dès 1989, et avant de passer derrière la caméra, Jacques Perrin fut à l’origine de la montée en puissance, en France et indépendamment du courant britannique soutenu par la BBC, d’un cinéma consacré à la nature et qui s’inscrivait dans un climat général de conscientisation croissante face aux dangers menaçant notre environnement et, au-delà, l’avenir de la planète. « Il faut se rappeler que Jacques Perrin a commencé sa carrière avec des films très politiques comme Z de Costa-Gavras, note Jacques Cluzaud. Avec ses films de nature, il reste dans la continuité d’un cinéma engagé, pas militant mais attaché à faire ouvrir les yeux très grands, à la fois sur ce qui émerveille et sur les périls que court toute cette beauté. »

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Le succès de ses opus (2) ne garantit pas leur effet concret, Jacques Perrin l’admet volontiers. Mais « toute prise de conscience est chose positive, et face aux problèmes écologiques qui concentrent aujourd’hui logiquement l’attention, beaucoup se produisent chaque jour, et de plus en plus d’entre nous disent « Arrêtons de déconner ! » De rebond en rebond, la conscience des citoyens finit par remonter aux instances gouvernementales. Le pouvoir prend toujours le train en marche… », commente le réalisateur-producteur des Saisons. Dans nos films, ce n’est pas nous qui parlons de la nature mais c’est la nature qui parle d’elle-même. Au spectateur de la rencontrer, de la découvrir… »

Un projet comme Les Saisons implique un rapport à l’espace et au temps très différent, spécifique, avec des mois de tournage dans des lieux souvent éloignés les uns des autres, et qui pourtant feront sens ensemble, puisque c’est un continent entier qui se voit raconté. « Le montage est absolument crucial, dans cette perspective, expliquent les coréalisateurs, et il commence dès… le début du tournage, toutes les images filmées étant immédiatement expédiées au chef-monteur qui les archive et les sélectionne déjà en partie. » Une fois le tournage terminé, le montage proprement dit aura duré neuf mois encore, le film prenant forme non seulement en fonction du propos voulu par ses auteurs, mais aussi de « cette réalité organique faisant que certaines images s’imposent, que d’autres au contraire se dérobent, et que globalement la matière filmée ne se laisse pas faire, qu’il y a dedans une vie qui exige de s’exprimer à l’écran. »

Itinéraires

Deux genres cinématographiques véhiculent spectaculairement les inquiétudes quant au futur de notre planète : le documentaire et… la science-fiction ! Cette dernière se plaisant à mettre en scène l’apocalypse, la fin du monde et de l’humanité. Jacques Cluzaud opérant de bien belle manière un pont entre les deux au souvenir de l’excellent film futuriste et parano Soleil vert (Soylent Green), réalisé par Richard Fleisher en 1973 et où, au moment de mourir volontairement pour échapper à une réalité terrifiante (température caniculaire, surpopulation, épuisement des ressources), « le personnage joué par Edward G. Robinson se fait euthanasier en regardant, sur un écran géant, des images de ce qu’était la Terre autrefois, des images de vie sauvage, de nature superbe… » Des images comme celles que persistent à nous offrir Jacques Perrin et son complice.

Des images en partage, qui ne devraient pas s’effacer dans cette réalité dont nous sommes encore les acteurs… « Ne réduisons pas la nature à un instrument pour arriver à nos fins ! La nature est un miroir, nous la regardons et nous nous y voyons, tels que nous sommes, parfois tels que nous devrions être… », conclut Jacques Perrin, infatigable témoin et grand arpenteur des « chemins de traverse ». Des itinéraires non fléchés et que le cinéaste propose non seulement dans son film, mais aussi sur un site Web dans une application (Les Saisons : Morphosis), des livres et des protocoles scientifiques établis en collaboration avec Vigie Nature, le laboratoire de sciences participatives du Muséum national d’Histoire Naturelle, à Paris.

(1) Après Le Peuple migrateur en 2001, Voyageurs du ciel et de la mer en 2004, Océans en 2010 et Le Peuple des océans en 2011.

(2) 3 500 000 spectateurs en France pour Microcosmos qu’il produisit en 1996 ; 2 500 000 pour Le Peuple migrateur ; 2 800 000 en France et 11 000 000 dans le monde pour Océans.

Nature et compagnie

Les films de Jacques Perrin ne sont pas les seuls dans leur genre à rencontrer le succès. La Marche de l’empereur (Luc Jacquet, 2005) a par exemple fait 1 800 000 entrées en France et… 12 000 000 aux Etats-Unis ! Yann Arthus-Bertrand multipliant de son côté livres et expositions de ses photos, et désormais aussi films tels que Home (2009) et Human (2015). Mais sans égaler, malgré un vaste remue-ménage médiatique, le succès populaire des productions du vétéran Jacques Perrin (74 ans). L’approche plus sobre et moins démonstrative de ce dernier faisant le bonheur d’un public essentiellement familial, et pas forcément écolo-conscient à la base. Pour information, le documentaire écologico-alarmiste le plus vu est Le Cauchemar de Darwin (Hubert Sauper, 2005)avec près de 400 000 entrées françaises.

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