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Le papier est-il aussi écologique qu’il en a l’air ?

Marie Gathon
Marie Gathon Journaliste Levif.be

Alors que nous tournons le dos au plastique à usage unique, le papier est considéré comme une alternative plus durable. Mais est-ce vraiment le cas ?

Aujourd’hui, à l’ère des ordinateurs, des smartphones et des livres électroniques, on pourrait penser que le papier est devenu presque obsolète. Mais bien que la demande de papier dit graphique, comme les journaux et les livres, ait légèrement diminué, l’industrie du papier est en plein essor.

Le monde utilise actuellement environ 400 millions de tonnes de papier par an, selon la BBC. De l’argent aux boites en carton, en passant par les tickets de caisse, les gobelets en carton, les post-its, le papier sulfurisé, les boites à oeufs, les cartes de voeux, les pailles et le papier d’emballage, il est difficile d’imaginer la vie moderne sans tous ces objets.

En fait, la demande de papier augmente dans le monde et, alors que nous nous détournons du plastique à usage unique, le papier est l’un des principaux matériaux utilisés pour le remplacer. Notamment lorsque l’on parle des sachets distribués dans les magasins.

Récemment, l’UE s’est engagée à éradiquer certains plastiques à usage uniques (pailles, coton-tige, gobelets, etc.) d’ici 2021. Certains États indiens sont allés plus loin, en abandonnant complètement le plastique à usage unique. De nombreuses entreprises ont déjà annoncé leur intention de remplacer les articles en plastique jetables par des versions en papier.

Mais quelle est l’empreinte écologique du papier? Et comment peut-on réduire son impact ?

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La fabrication du papier commence par l’abattage d’arbres. Il s’agit souvent d’arbres résineux comme l’épicéa, le pin et le sapin ou de feuillus à croissance rapide comme l’eucalyptus. Quel que soit son type, le bois est constitué de fibres de cellulose liées par une colle naturelle appelée lignine. La première étape consiste donc à éliminer la plus grande partie de la lignine, afin de permettre aux fibres de cellulose de se séparer et d’être ensuite reconstituées sous une autre forme.

De la chimie

Mais pour ce faire, il faut utiliser des produits chimiques. Il y a d’abord le processus de « réduction en pâte », qui consiste généralement à décomposer le bois en copeaux, puis à le cuire dans un bain d’hydroxyde de sodium et de sulfure de sodium. Ce sont des alcalis puissants, capables d’infliger de graves brûlures, de dissoudre l’aluminium et la roche, ainsi la lignine dans le bois. Une autre option consiste à laisser la lignine à l’intérieur et à écraser le bois physiquement à la place, mais cela produit un papier de qualité médiocre qui ne convient vraiment que pour les journaux et les annuaires téléphoniques.

À ce stade, les boues de papier sont encore très brunes, car c’est la couleur de la lignine et il n’est pas possible de tout enlever en une seule fois. Du dioxyde de chlore est donc ajouté pour blanchir la pâte. Enfin, une fine couche de pulpe est pulvérisée sur des tamis avant d’être séchée et pressée pour évacuer l’eau.

Beaucoup d’eau

Presque chaque phase de la fabrication du papier implique de l’eau. Pour produire une seule feuille A4, il faut entre deux et 13 litres d’eau. En Chine, qui reste l’un des principaux acteurs du commerce du papier, l’industrie a utilisé environ 3 000 milliards de litres en 2014.

Une fois la transformation en pâte et le blanchiment terminés, les usines de papier se retrouvent avec de l’eau contenant un cocktail de composés organiques, d’alcalis et d’eau de javel, qui doit être traitée de manière à pouvoir être évacuée en toute sécurité. Cela peut représenter un énorme défi technique et certaines papeteries rejettent simplement les effluents directement dans l’environnement. Ces eaux usées sont extrêmement toxiques pour les poissons et d’autres espèces sauvages, même à des concentrations de seulement 2%.

De l’énergie

Un autre défi de développement durable auquel est confrontée l’industrie du papier est la quantité d’énergie nécessaire. Une étude a révélé que l’industrie mondiale du papier consomme environ 6,4 exajoules (EJ) d’énergie chaque année. Le papier représente donc 2% de l’empreinte carbone totale de la planète.

Des arbres

Chaque année, l’industrie mondiale du papier est alimentée par plus de 100 millions d’hectares de forêts, soit environ la même superficie que l’Égypte. Dans certaines régions, on pense que l’industrie contribue à la déforestation nette – et donc à davantage d’émissions de carbone, car les zones abattues auraient auparavant absorbé du dioxyde de carbone. Et si une grande partie du papier provient de forêts gérées de manière durable, certains sont fabriqués à partir d’arbres situés dans des forêts d’importance écologique, contribuant ainsi à une perte de la biodiversité.

Du papier écoresponsable c’est possible ?

En raison des préoccupations environnementales liées au papier, l’industrie prend des mesures pour améliorer sa situation. Certaines usines nettoient et recyclent toute l’eau qu’elles utilisent, ce qui signifie qu’il n’y a aucun déchet.

Pour le moment, la plupart des papiers sont blanchis pour atteindre un niveau de luminosité élevé. Ils apparaissent d’un blanc éclatant, car ils réfléchissent beaucoup de lumière bleue. Mais Siddharth Chatterjee, expert en ingénierie du papier au SUNY College of Environmental Science and Forestry, à New York, explique qu’en Europe, l’industrie est passée de l’utilisation de dioxyde de chlore toxique à l’ozone, dont l’impact sur l’environnement est bien moindre. Il souligne également que cette étape pourrait être complètement supprimée, si nous pouvions accepter l’utilisation d’un papier légèrement moins blanc.

Papier blanc, papier polluant

« Obtenir un papier à 90% de brillance coûte très cher, à cause du processus de blanchiment », dit-il. « C’est également à ce moment-là que vous produisez tous ces polluants dangereux. Mais si la société disait « OK, pour un usage ordinaire, nous n’avons pas besoin d’un papier d’une qualité aussi blanche, nous pouvons le faire avec du papier brun », alors cela aura un impact important sur l’environnement.

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L’industrie papetière progresse également sur le plan énergétique. Bien que le monde ait fabriqué 25% plus de papier et de carton en 2017 qu’en 2000, la quantité d’énergie utilisée n’a augmenté que de 5%. Cela est dû en partie aux nouvelles technologies, mais également à l’augmentation du recyclage. En Europe, les papeteries produisent maintenant près de la moitié de l’énergie qu’elles consomment en brûlant leurs propres déchets solides, généralement un mélange de cellulose restante et de lignine.

Concernant l’abattage d’arbres, même si on nous dit souvent d’économiser du papier pour sauver des arbres, il existe une énorme variabilité dans la durabilité de l’approvisionnement en bois. Dans les pays où les forêts ne sont pas gérées de manière durable, des habitats importants peuvent être détruits. Mais dans les zones gérées de manière responsable, parfois utiliser plus de papier peut, bizarrement, produire plus d’arbres. C’est parce que de nombreuses entreprises ont pour politique de planter plusieurs arbres pour chaque arbre abattu.

Mais le plus grand changement dans l’industrie du papier provient probablement du recyclage. Non seulement le papier recyclé permet d’épargner des arbres, mais il réduit également de façon considérable la quantité des autres éléments consommés. Selon une estimation, pour chaque tonne de papier recyclé, 17 arbres sont épargnés, ainsi que 1 727 litres de pétrole, 2,29 mètres cubes de déchets, 4 000 kilowatts d’énergie et 31 822 litres d’eau.

En Europe, les pays de l’UE ont les taux de recyclage les plus élevés au monde : 72% du papier a été recyclé en 2017 et les pays européens recyclent environ deux tonnes de papier par seconde.

L’Italie est l’un des principaux contributeurs à cette tendance : 57% des matières premières utilisées par les papeteries y sont constituées de papier recyclé. Chaque minute, elle en recycle 10 tonnes, soit environ cinq millions de tonnes par an.

La problématique du papier souillé

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Il reste cependant un défi à résoudre pour le secteur : le recyclage du papier encrassé. Même la plus infime quantité de graisse contenue dans un seul objet, comme une boite à pizza, peut entraîner le rejet de la totalité du bac de recyclage. Cependant, certaines innovations pourraient peut-être aider.

Dans cet esprit, Vegware a conçu une gamme de récipients alimentaires pouvant être compostés à la place. « La contamination par les aliments étant inévitable, il en résulte une incinération ou une mise en décharge », explique Matthews. « Pour les produits jetables destinés à contenir des aliments, il est logique d’utiliser des matériaux pouvant être recyclés avec les aliments. Avec les produits jetables compostables, la nourriture n’est plus une contamination, c’est un ingrédient essentiel du processus de compostage. »

Loin de disparaître, il semble que le papier vit un nouvel âge d’or alors que le monde cherche des alternatives au plastique. Et bien que le chemin à parcourir soit encore long, le processus de fabrication – et ce qui se passe lorsque nous n’en avons plus besoin – devient également de plus en plus vert.

Avec l’avènement de nouvelles technologies génétiques, nous pourrions même bientôt être en mesure de cultiver des arbres plus faciles à broyer, entraînant une réduction supplémentaire des ressources consommées par l’industrie.

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