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La viande « en plastique » n’allèche guère les jeunes bouchers

Le Vif

Jugés « bizarres », les substituts de viande sont encore loin de conquérir les jeunes bouchers, réunis pour un concours international à Francfort, et soucieux d’adapter leur savoir-faire aux nouvelles attentes des consommateurs.

Visage concentré et couteaux affûtés à l’heure de découper un ventre de porc, la future élite bouchère accueille avec perplexité l’essor des produits synthétiques qui font flamber en Bourse la Californienne Beyond Meat, parmi d’autres start-up sur ce créneau.

« Ce n’est juste pas possible, pour un boucher, de se lancer dans du plastique », balaie Paolo Desbois, arrivé deuxième de cette compétition organisée en marge du Salon international de l’industrie de la viande, l’IFFA.

Catégorique, le Français de 18 ans ne voit pas comment « travailler de la viande synthétique » alors qu’il n’y a « pas d’os à enlever » dans ces steaks conçus en laboratoire à partir de protéines de soja, de fèves ou de petits pois.

La texture de ces nouveaux produits est « très différente » et leur origine artificielle est « bizarre », renchérit Selina Niederberger, 20 ans, venue de Lucerne en Suisse et attachée « à la vraie viande ».

Questions éthiques

Mais d’autres concurrents jugent que la course technologique lancée aux Etats-Unis, pour s’approcher au plus près du goût, de la couleur ou de l’odeur de la viande sans tuer d’animaux, transformera inéluctablement leur métier.

« C’est une question d’évoluer avec le monde, et pas contre lui (…) C’est un changement auquel je veux participer », estime le Britannique Lennon Callister, 19 ans, pour qui il est « possible de faire ce genre de compétition » avec des substituts végétaux.

La gagnante néerlandaise, Josja Haagsma, s’attend, elle, à voir les bouchers « travailler avec de la viande synthétique à l’avenir », même si « ça prendra beaucoup de temps à développer » et concernera « peut-être la prochaine génération ».

Plus largement, constate la lauréate, le métier « fait beaucoup plus appel à votre créativité. Il vous fait réfléchir à comment vous pouvez utiliser et transformer la viande, comment utiliser plus de légumes ».

Et chez ces jeunes artisans, les considérations éthiques se mêlent à la pure maîtrise technique, à l’heure où la viande est critiquée sur plusieurs fronts: impact sur la santé, dénonciation de la souffrance animale, rôle de l’élevage dans le réchauffement climatique.

« Notre génération de bouchers veut démontrer que vous pouvez utiliser de la viande biologique et des vaches élevées localement, et pas celles de grandes entreprises », défend-elle.

Des ‘oeuvres’

Fini la « viande transportée à travers toute l’Europe » et « la production de masse, qui est finalement très mauvaise pour le climat », explique ainsi Raphael Buschmann, Allemand de 23 ans venu de Brême.

Boucher depuis trois ans, il n’envisage pas de proposer des saucisses végétariennes – « ce ne sont pas des saucisses » – mais compte sur les produits locaux pour satisfaire des clients « de plus en plus critiques ».

« Il est important que nous réfléchissions à consommer moins de viande », juge de son côté Josja Haagsma. « Mais quand nous en mangeons », mieux vaut « choisir une viande de bonne qualité ».

Pour Lennon Callister, c’est surtout le savoir-faire « qui différencie les boucheries des supermarchés ». Il pense que « les consommateurs veulent voir des choses qu’ils ne voient nulle part ailleurs, ils veulent des plats préparés ».

Le métier est passé « du cliché d’un boucher un peu sale » à un travail « plus minutieux », qui ne vend « pas juste un morceau de viande » mais « des oeuvres », confirme Paolo Desbois.

Et le secteur recrute. En France, le nombre d’apprentis bouchers a doublé ces dix dernières années, et plus de 4.000 emplois sont à pourvoir chaque année dans la filière, selon les instances professionnelles.

« Il y aura toujours des gens qui mangeront de la viande », assure le Français. « Il y en aura peut être de moins en moins, mais c’est pour ça qu’on change notre métier et son image. »

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