La dégradation des sols va provoquer des migrations massives

Le Vif

Au moins 50 millions d’humains vont été contraints à migrer d’ici 2050 à cause de la détérioration des sols de la planète, et jusqu’à 700 millions si rien n’est fait pour enrayer les dégâts, ont alerté lundi des dizaines de scientifiques.

« La dégradation des sols, la perte de biodiversité et le changement climatique sont trois facettes du même important défi: l’impact de plus en plus dangereux de nos choix sur notre environnement naturel », a déclaré l’expert Robert Watson, en présentant le premier rapport mondial jamais réalisé sur ce thème.

Cette détérioration, causée entre autres par des pratiques agricoles non durables, la pollution et l’expansion urbaine, nuit déjà à 3,2 milliards d’êtres humains, soit 40% de la population mondiale.

Les sols sont dans un état « critique », avertit cette vaste étude dévoilée à l’issue de la VIe session plénière de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) tenue depuis le 17 mars à Medellin, en Colombie.

« Nous avons transformé une grande partie de nos forêts, de nos prairies, nous avons perdu 87% de nos zones humides (…) Nous avons vraiment changé la surface terrestre », a déploré M. Watson, président de l’IPBES, qui compte 129 pays membres et a déjà alerté vendredi dernier sur une extinction massive des espèces de la planète.

Mal exploités ou surexploités, les sols perdent en qualité. Cela se traduit par une diminution de « terres cultivables et donc de moyens de subsistance », ce qui « va forcer les gens à partir », a-t-il précisé à l’AFP.

– Réchauffement climatique –

D’ici 2050, cette dégradation « conjuguée aux problèmes de changement climatique, qui y sont étroitement liés, va contraindre 50 à 700 millions de personnes à migrer », ajoute cette analyse réalisée par une centaine de chercheurs bénévoles de 45 pays.

La projection la plus optimiste sera atteinte même « si nous essayons vraiment d’avoir des pratiques agricoles et forestières plus durables, de minimiser le changement climatique », a ajouté M. Watson.

Mais « si nous continuons avec nos pratiques non durables », quelque 700 millions d’humains seront contraints de migrer au cours des trente prochaines années, a-t-il mis en garde.

Le phénomène est alimenté par « le style de vie hautement consumériste » des pays riches, ainsi que par la croissance des revenus et de la démographie dans les pays en développement, ajoute le rapport.

C’est aussi un facteur de guerres: « la diminution de productivité des sols rend les sociétés plus vulnérables à l’instabilité sociale, en particulier dans les régions sèches, où des années de très faibles précipitations ont été associées à une hausse des conflits violents allant jusqu’à 45% », selon les chercheurs.

Elle a un impact sur la sécurité alimentaire, l’eau que nous buvons, l’air que nous respirons, donc sur l’ensemble des habitants de la Terre, avec un coût économique estimé à 10% du PIB annuel.

L’IPBES a souligné que « 4/5e de la population mondiale vit dans des zones menacées par le manque d’eau » et que seulement 25% des terres de la planète n’ont pas été « significativement affectées » par l’activité humaine, ratio qui devrait chuter à 10% d’ici 2050.

« Les forêts tropicales ont été historiquement peu peuplées parce qu’il était difficile d’y pénétrer. Aujourd’hui, nous y construisons des routes, nous y introduisons de l’agriculture », a précisé à l’AFP Robert Scholes, l’un des co-auteurs du rapport.

Cela affecte les animaux, les plantes ainsi que les forêts qui produisent de l’oxygène et absorbent les gaz responsables du réchauffement climatique. La perte en biodiversité devrait être de 38 à 46% d’ici 2050.

– Impact sur la biodiversité –

Le rapport a demandé trois ans de travail et compile toutes les publications scientifiques récentes sur ce thème. Sa réalisation a coûté environ 810.000 euros (un million de dollars).

Les experts et décideurs des pays membres de l’IPBES « l’ont approuvé (…) à l’issue de trente heures » de débats à huis clos, a précisé Anne Larigauderie, secrétaire exécutive de l’organisation.

Vendredi, l’IPBES a rendu un verdict inquiétant sur la biodiversité de la planète, menacée par la première extinction massive des espèces depuis celle des dinosaures et la première provoquée par les humains.

Au delà du diagnostic, elle a lundi encore donné des recommandations: généralisation de pratiques agricoles durables, contrôle de la pollution, planification urbaine incluant des « infrastructures vertes », des parcs, entre autres.

Mme Larigauderie a affirmé à l’AFP « qu’il est possible d’agir (…) les gouvernements ont à leur disposition des outils pour ce faire ».

Les bénéfices de la restauration des sols sont dix fois supérieurs à leur coût, selon l’IPBES, qui a insisté sur la nécessité de coordonner les actions internationales, nationales et individuelles, aujourd’hui fragmentées.

« Prendre les mesures adéquates pour combattre la détérioration de la terre peut transformer la vie de millions de gens à travers la planète, a souligné M. Watson. Mais plus on tarde à agir, plus cela sera difficile et coûteux. »

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