Mémorial pour le gorille Harambe au zoo de Cincinnati. © REUTERS

Fallait-il vraiment abattre le gorille Harambe pour sauver l’enfant tombé dans son enclos ?

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

Aux États-Unis, le zoo de Cincinnati a dû justifier lundi sa décision d’abattre un gorille qui avait attrapé un enfant tombé dans son enclos. Des milliers de personnes ont déjà signé une pétition contre les parents du garçonnet de 4 ans qui a échappé à leur vigilance. Le débat fait de nouveau rage outre-Atlantique sur le sort des animaux en captivité.

La vidéo qui a fait le tour du monde fait froid dans le dos. Le 28 mai dernier, un garçonnet de 4 ans a échappé à la vigilance de ses parents lors d’une visite du zoo de Cincinnati aux Etats-Unis et l’improbable s’est produit : il est tombé dans l’enclos des gorilles et s’est retrouvé en tête à tête avec l’un d’entre eux. Les circonstances de sa chute ne sont pas totalement éclaircies, mais il semblerait qu’il ait échappé à la surveillance de sa mère, qui s’occupait de plusieurs enfants. Selon la version d’autres témoins présents sur place, l’enfant aurait voulu « aller dans l’eau avec les primates » et sa mère n’aurait pas pu l’en empêcher. Une personne a essayé de le retenir, en vain.

Les autres gorilles qui évoluaient dans l’enclos ont alors pu être évacués par les gardiens. Si les deux femelles ont obéi, Harambe le plus jeune – 17 ans et près de 200 kilos – s’est approché de l’enfant et a tourné autour de lui avant de l’agripper et de l’emmener dans une mare d’eau. Vu le danger et ne pouvant prévoir la réaction de l’animal, le gorille a été abattu quelques minutes plus tard par les employés du zoo.

Les interprétations varient sur le comportement du primate qui ne semble pas agressif sur la vidéo. Pour les organisations de défense des animaux, il pouvait plutôt s’agir d’une attitude de protection.

Un expert consulté par le Huffpost Canada estime qu’au contraire plusieurs raisons laissent croire que l’animal avait un comportement agressif. « La position du gorille par rapport à l’enfant de 4 ans, après que celui-ci ait été trainé dans l’eau ne laissait présager rien de bon : c’était en réalité un signe de domination « , explique-t-il. « Ce fut un événement tout à fait anormal dans la vie de ce gorille. Harambe n’aurait jamais été confronté à une telle situation auparavant. Si l’enfant avait été assommé, et n’avait pas fait un bruit après qu’il soit tombé dans l’enceinte, les choses auraient tourné autrement« , ajoute Greg Tarry, qui croit que la situation aurait pu être complètement différente avec un adulte.

Un signe de domination

Les responsables du zoo ont toutefois choisi de ne prendre aucun risque et d’assurer en priorité la sécurité de l’enfant, en ôtant la vie de l’animal. Presque aussitôt, des voix se sont élevées contre cette décision. N’aurait-il pas été possible de tenter une approche alternative? « Quand un gorille a quelque chose qu’il n’est pas censé avoir, il est suffisamment intelligent pour que ses soigneurs tentent de négocier avec lui, de lui apporter de la nourriture« , de quoi détourner son attention, a estimé au micro de CNN Ian Redmond, président de The Gorilla Organization, qui oeuvre pour la préservation de l’espèce.

La direction du zoo s’est défendu ce lundi d’avoir abattu l’animal, une espèce menacée. Elle avance qu’elle n’a pas eu le choix d’abattre le gorille parce que la vie du garçon était menacée. « Nous avons affaire ici à un animal qui écrase d’une main une noix de coco « , a déclaré le directeur du parc Thane Maynard. Il y avait, selon lui, un réel danger pour l’enfant, surtout après que le primate a traîné l’enfant, dont la tête avait heurté le béton, sur quelques mètres. L’animal a été « désorienté » par les événements ce qui rendait sa réaction encore plus imprévisible. Et simplement l’endormir aurait duré trop longtemps. « Nous avons réagi rapidement et nous avons été chanceux que le garçon n’ait pas été blessé « , affirme Maynard.

La priorité selon le dirigeant du zoo a été de sauver l’enfant. Et c’est ce qui s’est passé. Le garçon s’en sort avec quelques contusions à la tête. « Si la même situation devait se reproduire, nous agirions de la même façon« , déclare-t-il. « Harambe va manquer énormément à ses soigneurs qui sont en deuil« . Il ajoute que jamais dans l’histoire du zoo un animal n’a été tué de la sorte et que c’est la première fois qu’une personne franchi un enclos depuis son ouverture en 1978. « Le zoo est un endroit sécuritaire. Mais au zoo comme au centre commercial, vous devez garder vos enfants à l’oeil« , a-t-il toutefois rappelé. « Nous avons perdu l’un de nos animaux les plus importants »,conclut Thane Maynard.

Vives critiques des défenseurs des droits des animaux

La mort d’Harambe a créé une onde de choc chez les défenseurs des animaux outre-Atlantique. Une veillée en hommage au primate a été organisée lundi au zoo, des fleurs et des bougies ont été déposées autour d’une statue de gorille. Certains appellent au boycott du parc animalier. L’organisation de défense des animaux, PETA, opposée vivement à la captivité des animaux, s’est fendue d’un communiqué peu après le drame: « Même dans les meilleures conditions possibles, maintenir des gorilles ou d’autres primates en captivité est inacceptable et dans ce cas, c’est même mortel. Cette tragédie est la raison pour laquelle PETA demande aux familles de ne plus se rendre dans ce genre d’endroits où des animaux sont montrés à la curiosité des humains.« . Sur Twitter, PETA s’insurge encore: « L’enclos aurait dû être entouré d’une seconde barrière pour éviter cela ».

Sur les réseaux sociaux, le débat fait aussi rage. Lundi après-midi pas moins de 13 pétitions avaient fleuri sur le site spécialisé change.org pour que justice soit rendue à l’animal. Une despétitions qui a presque déjà atteint son objectif de 300 000 signatures à l’heure d’écrire ces lignes demande à ce que les parents du garçon soient tenus responsables de la mort du gorille. « Je signe cette pétition car la mort de ce magnifique animal menacé de disparition est la conséquence directe de son incapacité à surveiller son enfant« , commente un des signataires. Lundi, plus de 80 000 personnes s’étaient abonnées à la page Facebook intitulée « Justice for Harambe« . Par ailleurs, une manifestation au zoo est prévue le 5 juin prochain.

Les parents, de leur côté, ont fait savoir que leur enfant allait bien. Vu l’ampleur qu’ont pris les évènements, ils ont préféré garder l’anonymat. Ils remercient chaleureusement le personnel du parc pour leur action rapide. « Nous sommes conscients qu’il s’agissait d’une décision très difficile pour eux (les responsables du zoo), et qu’ils font le deuil de leur gorille« , ont-ils ajouté par voie de communiqué.

Conserver le tissu génétique du gorille

Le gorille Harambe avait 17 ans et avait vécu la majorité de sa vie au zoo Gladys Porter, au Texas. Il avait été transféré au zoo de Cincinnati il y a moins de deux ans dans l’espoir qu’il se reproduise avec l’une des trois femelles gorilles, rapporte Reuters. Des tissus et le sperme du gorille seront conservés pour permettre aux biologistes de poursuivre leurs recherches sur cette espèce menacée de disparition. « Nous avons perdu l’un de nos animaux les plus importants », conclut Thane Maynard.

Rarissime, ce type d’accidents s’est pourtant déjà produit. En 1996, au zoo de Brookfield (Etats-Unis), un petit garçon était lui tombé dans l’enclos des gorilles rapporte le site 20minutes.fr. Binti, une femelle qui s’occupait de son petit, avait alors veillé sur l’enfant, inconscient, le protégeant des autres primates jusqu’à ce qu’il soit secouru.

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