© getty

Environnement: « il nous reste dix ans pour changer, sinon il sera trop tard »

Muriel Lefevre

Si on ne change pas notre façon de faire de façon radicale dans les dix prochaines années, le déclin environnemental de l’Europe sera irréversible. « Nous sommes vraiment à un tournant. On devrait fournir encore davantage d’efforts, or en ce moment L’UE atteint à peine ses propres objectifs ». Voilà ce que conclut la plus grande analyse de l’environnement européen jamais réalisée.

Ce n’est pas en bricolant quelques mesures ici et là qu’on va s’en sortir, selon le dernier rapport quinquennal de l’Agence européenne pour l’environnement (EEA). « L’Europe est face à des défis sans précédent ». En réalité, l’environnement de l’Europe est aujourd’hui dans un état pire qu’il ne l’était en 2015. L’Europe n’atteint pas la plupart de ses propres objectifs environnementaux et climatiques d’ici 2020. Et la situation semble encore pire en 2030.

Pour lutter contre « le rythme alarmant de dégradation de la biodiversité, l’augmentation de l’impact sur le changement climatique et la surconsommation des ressources naturelles », l’UE doit donc agir « urgemment », ajoute l’agence qui précise : « nous avons dix ans pour renverser la vapeur. »

Les rapports sur l’environnement et le climat d’aujourd’hui ne donnent pas de messages très optimistes. « Nous sommes vraiment à un tournant « , dit le directeur de l’EEA , Hans Bruyninckx dans De Standaard. « Nous constatons déjà des tendances irréversibles ». « Les dix prochaines années seront cruciales. Si nous ne parvenons pas à mieux protéger l’environnement, à limiter l’impact du changement climatique et à rendre l’utilisation des matières premières beaucoup plus durable pendant cette période, la vie en Europe après 2030 sera beaucoup plus difficile. Les effets du changement climatique – avec plus d’inondations, plus de sécheresses et plus de vagues de chaleur – se feront particulièrement sentir ».

Des efforts ont été faits, mais ils sont loin d’être suffisants

Si des efforts ont été réalisés, avec par exemple la diminution de 22% des émissions de gaz à effets de serre entre 1990 et 2017, que l’on recycle la moitié de nos déchets et l’augmentation de la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique, cela ne suffit pas.

En examinant 35 indicateurs environnementaux clés comme la qualité de l’eau et de l’air aux émissions de gaz à effet de serre, l’efficacité énergétique, ou encore l’utilisation des sols et à la pollution chimique le rapport précise que 14 voyants sont actuellement verts, 14 clignotent en orange et que sept sont déjà au rouge. Si nous ne faisons rien, presque tous les 35 indicateurs deviendront orange et rouge dans les années à venir.

Par ailleurs, d’ici 2020, nous n’atteindrons que quatre des treize objectifs fixés par la politique pour une économie plus verte : pollution atmosphérique, énergies renouvelables, efficacité énergétique et utilisation durable des matériaux. D’ici 2030, seule l’élimination des déchets évoluera dans la bonne direction, mais en même temps nous continuons à produire de plus en plus.

Environnement:
© Getty Images

De même, l’émission de produits chimiques, la pollution atmosphérique et la pollution sonore demeurent préoccupantes. Ainsi, près d’un Européen sur cinq vit dans des endroits où l’air est trop pollué selon au moins une norme européenne. L’une des conséquences est les 9.000 décès prématurés par an dans notre pays dit encore De Morgen. On estime que 400 000 Européens meurent prématurément chaque année à cause des particules fines. Un autre problème (sous-estimé) qui menace de s’aggraver d’ici 2030 est le bruit. Au moins 20 pour cent des Européens vivent dans un endroit où le niveau sonore est nocif pour la santé, principalement en raison du trafic routier. À long terme, cela se traduira par 48 000 personnes de plus par an souffrant de maladies cardiaques et 12 000 décès prématurés. En outre, le changement climatique nuit de plus en plus aux Européens. Par exemple, il y a plus de décès dus à la chaleur en raison de vagues de chaleur plus fréquentes.

L’un des problèmes est que la demande d’énergie augmente à nouveau depuis 2014. Les États membres ne sont pas non plus en bonne voie pour atteindre l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40% d’ici 2030. En raison de l’augmentation du nombre de voitures et du fait que les combustibles fossiles continuent de prédominer, les émissions de gaz à effet de serre provenant des transports sont aujourd’hui près de 30 % plus élevées qu’en 1990.

Et la protection des espèces et des habitats naturels, des zones humides, des écosystèmes marins et des sols reste insuffisante. L’agence européenne souligne que sur les 13 objectifs de protection de la biodiversité fixés pour 2020, seuls deux seront satisfaits l’an prochain: la sanctuarisation de zones marines et terrestres. Mais, là encore, il y a un bémol puisque seulement 16 % des habitats protégés et 40 % des espèces protégées sont écologiquement sains. Ainsi à la COP15 pour la biodiversité, qui se tiendra en octobre 2020 en Chine, les Etats devront définir de nouveaux objectifs pour mieux la protéger, sachant que les engagements pris pour la décennie qui s’achève n’ont dans l’ensemble pas été atteints. On estime également que les pertes annuelles de récoltes dues à l’érosion des sols sont estimées à 1,25 milliard d’euros. On estime que depuis 2000, plus de 16 000 kilomètres carrés supplémentaires ont été bétonnés. C’est la moitié de la Belgique.

« Les politiques ont été plus efficaces pour réduire les pressions environnementales que pour protéger la biodiversité et les écosystèmes, la santé humaine et le bien-être », insiste le rapport et, ce, bien que l’Europe possède les connaissances et les technologies nécessaires pour transformer l’alimentation, la mobilité et l’énergie.

Les tendances actuellement observées mettent en évidence un « ralentissement des progrès réalisés dans la réduction des gaz à effet de serre, les émissions industrielles, la génération de déchets, l’amélioration de l’efficacité énergétique et la part des énergies renouvelables. Pour l’avenir, le taux actuel de progrès ne suffira pas à atteindre les objectifs de 2030 et 2050 », déplore l’EEA.

Pas une raison pour baisser les bras

Le fait que même le  » plus vert de la classe  » traverse une période difficile s’explique par le fait que la pollution et les changements climatiques gagnent en ampleur, ce que les scientifiques appellent la grande accélération. Depuis les années 1950, il y a trois fois plus de personnes sur terre et la production économique a quadruplé. En conséquence, les trois quarts de la superficie terrestre mondiale et 40 % des zones marines de la planète ont changé radicalement. Ensuite, il n’existe parfois pas de politiques adéquates face à cette évolution rapide où elles ne sont pas appliquées. Par exemple, l’Europe n’a pas de règles pour prévenir l’érosion et la pollution des sols et la fragmentation des terres, et il n’existe pas de politique pour rendre le système alimentaire plus durable, ce qui, selon l’EEA, constituera l’un des plus grands défis.

Frans Timmermans
Frans Timmermans© Belga

Mais ce n’est pourtant pas une raison pour baisser les bras. « Si la plupart des objectifs de 2020 ne seront pas atteints, particulièrement en matière de biodiversité, il est encore possible de réaliser les objectifs à long terme de 2030 et 2050 », note le rapport. En outre, dans une semaine, Frans Timmermans, « Super-Commissaire » de la nouvelle Commission européenne, va présenter le Green Deal, une loi climatique qui devrait faire de l’Europe le premier continent climatiquement neutre au monde d’ici 2050. Un continent exempt de pollution et où la production alimentaire est durable. « Cela donne aux politiciens une occasion unique de ralentir la destruction de notre capital naturel. Une chance que leurs successeurs ne les auront plus », précise Hans Bruyninckx.

Néanmoins ce n’est qu’en éliminant « complètement les systèmes destructifs et accélérons le développement d’alternatives durables que l’Europe pourra inverser ces tendances », déclare Hans Bruyninckx, directeur général de l’EEA. Ce qui est positif, c’est qu’il y a maintenant plus de soutien, souligne-t-il. La façon dont nous vivons, dont nous nous déplaçons, dont nous produisons et consommons les aliments doit changer radicalement. « Et cela doit être fait dans un délai de dix ans », dit-il. « Sinon, l’Europe sera piégée dans des systèmes de consommation et de production qui causeront encore bien plus de pertes économiques et de dommages pour la santé. »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire