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Engrais : les stocks de phosphate seront épuisés dans quelques décennies

Mailys Chavagne
Mailys Chavagne Journaliste Web

L’utilisation du phosphate naturel comme engrais a fortement augmenté ces dernières années. Malheureusement, le stock s’appauvrit et les scientifiques craignent qu’il ne soit totalement épuisé d’ici quelques décennies.

Le phosphate est un minéral qui joue un rôle primordial dans le processus métabolique des végétaux. Pour prévenir les carences, les agriculteurs en ajoutent en quantité énorme dans leurs champs, sous forme d’engrais phosphaté. Mais le phosphate naturel n’est pas une ressource inépuisable et infinie, préviennent des scientifiques. Selon eux, le monde sera bientôt confronté à une crise de cet engrais, pourtant nécessaire à l’approvisionnement alimentaire mondial.

Les chiffres montrent pourtant que son emploi reste croissant : la consommation de phosphate a en effet quadruplé au cours des 50 dernières années. Une augmentation en accord avec celle de la population mondiale. Mais comme beaucoup d’autres ressources naturelles, la réserve de phosphate connaît une date d’épuisement. Une date qui se rapproche toujours un peu plus, à chaque nouvelle analyse de la demande. Certains scientifiques estiment aujourd’hui que les stocks seront épuisés dans quelques décennies seulement.

« L’approvisionnement en phosphate est potentiellement un très gros problème« , a déclaré Martin Blackwell, chercheur au centre Rothamsted Research, et auteur principal de la nouvelle étude. « La population augmente et nous allons avoir besoin de plus de nourriture.  » À savoir que sans phosphate (et sans azote), l’humanité ne pourrait produire que la moitié de la nourriture qu’elle produit actuellement.

Les plus grands fournisseurs craignent l’épuisement

Parmi les pays qui en utilisent le plus, on retrouve sans grande surprise les États-Unis, la Chine et l’Inde (qui font partie des États ayant une large population). Du côté des fournisseurs, le Maroc, le Sahara occidental marocain, la Chine, l’Algérie et la Syrie représentent ensemble plus de 80 % des réserves totales de phosphate naturel. Selon Martin Blackwell, cette crise pourrait bien devenir une crise politique : »Certains pays contrôleraient efficacement la production alimentaire en contrôlant les réserves de phosphate naturel « . D’autant que les plus grandes réserves sont souvent extraites dans des endroits politiquement instables, ce qui pose des risques pour les nombreux pays qui n’ont pas la chance d’avoir de telles réserves.

L’étude note que l’estimation de l’offre restante de phosphate naturel est tombée de 300 à 259 en seulement trois ans, alors que la demande, elle, n’a fait qu’augmenter. « À ce rythme, on pourrait affirmer que tous les approvisionnements seront épuisés d’ici 2040« , ont écrit les scientifiques. « Bien que ce scénario soit peu probable, il souligne que des changements fondamentaux et imminents dans le commerce mondial du phosphate, ainsi que des efforts en matière d’utilisation et de recyclage, sont nécessaires « , ont-ils déclaré.

La Chine est le plus grand producteur de phosphate naturel, avec 140 millions de tonnes en 2018. Et pourtant, le pays ne disposerait plus que de 24 années d’approvisionnement avec ses taux de production actuels. Un constat alarmant qui s’applique aussi dans d’autres pays, comme l’Inde (29 ans d’approvisionnement), les États-Unis (36 ans d’approvisionnement), et la Russie (29 ans d’approvisionnement). Seul le Maroc, avec une production de 33 millions de tonnes de phosphate naturel en 2018, semble pouvoir encore tenir de nombreuses années (1515 ans d’approvisionnement).

Le Maroc pourrait être l'un des derniers pays capables d'approvisionner en phosphate.
Le Maroc pourrait être l’un des derniers pays capables d’approvisionner en phosphate.© Martin BLACKWELL

Des alternatives?

Blackwell et ses collègues se sont tournés vers un ancien engrais phosphaté inventé en 1842 afin de trouver des sources alternatives de phosphate. Ils ont ainsi transformé des os, des cornes, du sang et d’autres déchets d’abattoir en engrais phosphaté. L’équipe estime que cet engrais pourrait même être plus efficace que celui commercialisé à l’heure actuelle.

Le chercheur propose aussi de réduire la consommation mondiale de cet engrais : il y aurait en effet un excès de phosphate employé. La cause ? Les tests de sol disponibles pour les agriculteurs afin qu’ils puissent évaluer les quantités d’engrais nécessaires à la bonne santé de leurs champs ne sont pas très précis.

Une autre alternative serait d’utiliser les eaux usées et d’en extraire le phosphate. Il s’agirait alors d’une source inépuisable d’engrais : tant que les gens continueront d’aller aux toilettes, et à condition que le système de traitement des eaux usées soit centralisé et surtout efficace, nous pourrons utiliser notre propre phosphate à l’infini.

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