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Doit-on interdire l’accès au Mont-Blanc ?

Onze alpinistes sont morts en trois jours en tentant l’ascension du Mont-Blanc. Faut-il en interdire l’accès les jours de mauvais temps? Éléments de réponse avec Christophe Boloyan, guide de haute-montagne et président de l’association de prévention La Chamoniarde.

En moins d’une semaine, 11 personnes ont trouvé la mort en tentant l’ascension du Mont-Blanc et six autres alpinistes ont été secourus après être restés bloqués deux jours sur le Dôme du Goûter.

Les conditions climatiques de cet été sont-elles particulières?

Non, nous avons affaire à un été tout à fait classique. L’avalanche de jeudi est vraiment le fruit du hasard, elle était impossible à anticiper. Moi-même, je suis guide de haute-montagne, j’ai des années d’expérience et j’y serais allé sans hésitation. D’autant que la météo était très bonne. En montagne, il y a une part de risque qu’il faut accepter, car on n’a pas toujours toutes les clés pour comprendre la nature. En revanche, l’accident de ce week-end était plus prévisible, car la tempête de neige était annoncée. Même si c’est toujours facile de réécrire l’histoire après…

Les accidents sont-ils plus fréquents l’été?

La plupart des accidents arrivent l’été mais cela s’explique simplement par le fait que l’immense majorité des alpinistes tentent l’ascension du Mont-Blanc à cette période. Entre juin et septembre, il peut y avoir jusqu’à 200 personnes qui tentent chaque jour de le gravir. De même, de nombreux accidents ont lieu sur le Dôme du Goûter – et non pas au Mont-Maudit, contrairement à ce qu’indique son nom. Mais c’est tout simplement parce que c’est la voie la plus empruntée pour accéder au Mont-Blanc. Il y a donc une corrélation logique entre la fréquentation et le nombre d’accidents.

Certaines voix se sont élevées pour réclamer l’interdiction de l’accès au Mont-Blanc les jours de mauvais temps pour éviter de mettre en péril non seulement la vie des alpinistes mais surtout celle des sauveteurs et pour faire des économies. Que pensez-vous d’une telle mesure?

C’est irréalisable. D’abord techniquement, car il y a environ 150 voies d’accès qui partent de la France et de l’Italie. On ne peut pas mettre des gendarmes au pied de chacune d’elles! Et puis, il y a des choses qu’on ne peut pas prévoir. Typiquement jeudi, on n’aurait pas fermé les accès, car rien ne nous laissait présager un tel drame.

20 000 personnes tentent chaque année l’ascension du Mont-Blanc. Le maire de Saint-Gervais, la commune au pied du Dôme du Goûter, propose de limiter l’accès. Que pensez-vous de cette initiative ?

Sur quels critères va-t-on choisir ceux qui ont le droit de monter et ceux qui restent en bas? Et c’est comme pour l’interdiction, on ne peut pas surveiller le fait que l’interdiction sera respectée.
Comment faire pour limiter le nombre d’accidents?
Par la prévention. Il faut responsabiliser les alpinistes. Les bulletins météo sont accessibles gratuitement dans toutes les langues au bureau des guides, ils peuvent demander des conseils… Et ça marche: le nombre d’interventions est en légère baisse depuis quelques années alors que la fréquentation est en hausse.
Partir avec un guide – ce que fait environ un groupe sur deux – est également une bonne manière de limiter les accidents même si le risque zéro n’existe pas. Moi, ça m’arrive presque une fois sur deux de refuser d’accompagner les clients au sommet parce que la météo n’est pas bonne ou parce que j’estime qu’ils n’ont pas le niveau. On choisit d’autres itinéraires plus adaptés: y a pas que le Mont-Blanc dans les Alpes!

Par Caroline Politi, L’Express

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