Dans des paysages à la fois hostiles et sublimes, s'ébattent des colonies de manchots © Sylvain Grandadam

Découverte surprise de 1,5 million de manchots Adélie isolés en Antarctique

Le Vif

Plus de 1,5 million de manchots Adélie isolés par les glaces: c’est la surprise de taille qui attendait sur un archipel de l’Antarctique des chercheurs désormais soucieux de voir ces colonies protégées dans un sanctuaire marin.

Une protection d’autant plus nécessaire pour les manchots des Dangers Islands, dans l’est de la péninsule antarctique, que certaines colonies de la même espèce sont en déclin à moins de 200 kilomètres de là, à l’ouest de la péninsule touchée par la fonte des glaces attribuée au changement climatique.

A l’origine de cette découverte publiée vendredi dans la revue Scientific Reports, l’analyse d’images satellite de ce petit archipel de la mer de Weddell, raconte à l’AFP Heather Lynch, de l’université américaine de Stony Brook.

Les scientifiques savaient que des manchots Adélie, avec leur ventre blanc, leur tête noire et leurs yeux cerclés de blanc, étaient installés sur au moins un des neufs îlots rocailleux, où un recensement en 1996-97 avait évalué les nids entre 285.000 et 305.000.

Mais les images satellites du programme Landsat d’observation de la Terre de la Nasa ont révélé la présence de guano sur d’autres îles de l’archipel et les algorithmes étaient formels: les manchots y sont bien plus nombreux.

« Au début, j’ai pensé que c’était une erreur », explique Heather Lynch. « Mais quand nous avons mis la main sur des images satellites commerciales haute résolution, nous avons su que c’était une découverte majeure ».

Profitant d’une rare ouverture dans les glaces qui emprisonnent presque toute l’année cette zone hostile très rarement visitée, une expédition internationale se rend sur place en décembre 2015 pour confirmer de visu la découverte.

A l’aide de drones, de photographies et de comptage manuel des nids et des oiseaux hauts de 70 centimètres, les chercheurs réalisent enfin un recensement complet: 751.527 couples de manchots Adélie, soit « plus que dans tout le reste de la péninsule antarctique », cette région la plus au nord du continent, note l’étude. Les îlots abritent ainsi la 3e et 4e colonie la plus importante au monde.

‘Ils ont toujours été là’

« Ca a été une expérience incroyable, de trouver et de compter autant de manchots », commente dans un communiqué Tom Hart, chercheur au département de zoologie d’Oxford.

« Scientifiquement, même si c’est un nombre énorme de +nouveaux+ manchots, ils ne sont nouveaux que pour la science », poursuit-il.

Fort de leur recensement, les scientifiques ont en effet remonté le temps, analysant notamment des images aériennes en noir et blanc datant de 1957.

« Ils ont toujours été là », insiste Tom Hart. Mais cachés derrière la banquise, sur un archipel dont l’îlot le plus accessible ne voit accoster en moyenne qu’un bateau par an.

De manière générale, la population de manchots Adélie, installée tout autour du continent blanc, est globalement en augmentation depuis 30 ans, selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN).

Mais de précédentes études ont observé un déclin de certaines colonies, en particulier côté ouest de la péninsule antarctique. Un « contraste saisissant » avec la nouvelle découverte, note Tom Hart.

« Le responsable de ce déclin n’est pas clair pour l’instant », ajoute-t-il, évoquant malgré tout quelques « candidats »: « le changement climatique, la pêche et les perturbations directes par l’homme ».

L’est de la péninsule antarctique a été plutôt épargnée par le réchauffement et cette situation devrait perdurer, selon ces chercheurs.

« On se retrouve donc avec une population importante de manchots Adélie dans une région qui va probablement rester accueillante pour eux pendant quelque temps », prédit Heather Lynch.

Mais les scientifiques s’inquiètent d’une autre menace: la pêche au krill, minuscule crevette à la base de l’alimentation de ces manchots.

« Maintenant que nous savons que ce petit groupe d’îles est si important, on pourrait envisager de plus le protéger de la pêche », plaide la chercheuse.

Les chercheurs appellent ainsi à ce que cette zone soit incluse dans de futures Aires maritimes protégées dont doivent discuter les Etats membres de la Commission pour la conservation de la faune et de la flore marines de l’Antarctique (CCAMLR).

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