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Coup de projecteur sur l’apocalypse des insectes

Mailys Chavagne
Mailys Chavagne Journaliste Web

La pollution lumineuse est une cause importante, bien que souvent négligée, du déclin rapide des populations d’insectes.

On le sait : la pollution lumineuse, qui augmente d’environ 6% par an dans le monde, perturbe le bon fonctionnement des écosystèmes nocturnes. Outre les rongeurs et les volatiles, une classe d’animaux invertébrés est particulièrement affectée par la lumière artificielle : les insectes.

Des papillons de nuit attirés vers une mort certaine par les ampoules, en passant par la mise en lumière des insectes alors révélés aux yeux de leurs prédateurs (rats ou crapauds), à la dissimulation des signaux d’accouplement des lucioles… La pollution lumineuse de nuit peut affecter tous les aspects de la vie des insectes. « Nous croyons fermement que la lumière artificielle nocturne – combinée à la perte d’habitat, à la pollution chimique, aux espèces invasives et au changement climatique – est responsable du déclin des insectes « , ont conclu des scientifiques après avoir évalué plus de 150 études.

Le premier rapport mondial scientifique sur le sujet, publié en février dernier, indique même que plus de 40 % des espèces d’insectes sont aujourd’hui menacées d’extinction. Or, un déclin généralisé pourrait provoquer « un effondrement catastrophique des écosystèmes naturels ».

Plusieurs conséquences

L’analyse récente, publiée dans la revue Biological Conservation, pointe du doigt le domaine de l’agriculture, qui emploie délibérément la lumière comme un outil de gestion des insectes. Sans compter qu’avec le développement des infrastructures humaines et la baisse du coût de l’éclairage (dans certains pays), la pollution lumineuse augmente pour toucher un quart de la surface terrestre.

L’impact le plus courant de la pollution lumineuse est le « meurtre par ampoule » : les papillons de nuit sont attirés par la lumière émise par les ampoules, qu’ils confondent avec la lune. Un tiers des insectes piégés dans leur « orbite » meurt avant le matin, selon le rapport. Ils se seront soit épuisés à la tâche, soit ils auront été dévorés. Même les phares des véhicules représentent un danger mortel pour les insectes.

La lumière artificielle peut aussi bouleverser la reproduction des insectes : elle empêche certaines espèces de trouver un partenaire. Les lucioles, par exemple, échangent des signaux bioluminescents pendant la parade nuptiale. Or, la lumière artificielle trop importante va venir masquer ces signaux lumineux.

Si la pollution lumineuse est particulièrement dangereuse pour les insectes, c’est aussi l’un des problèmes les plus simples à résoudre.

Outre la période de reproduction, la ponte des oeufs est également sensible à la lumière. Certains insectes utilisent la polarisation de la lumière pour trouver un point d’eau où pondre leurs oeufs – lorsque les ondes lumineuses s’alignent après avoir été réfléchies par une surface lisse, par exemple. Mais la lumière artificielle peut interférer avec ce travail naturel. « Les insectes éphémères ne vivent qu’un jour. Alors ils sortent la nuit et cherchent la lumière polarisée. Ils la trouvent – réfléchie non pas sur l’eau, mais sur l’asphalte – et y pondent leurs oeufs. En général, aucun oeuf ne survit. C’est une bonne façon d’éliminer une population entière en 24 heures« , explique le rapport.

La pollution lumineuse affecte mêmele développement des insectes juvéniles : « Certaines mouches à fruits émergent de leurs oeufs avant l’aube, lorsque la température et l’humidité sont parfaites, mais la lumière artificielle peut interférer avec cela.« 

Les insectes éprouvent des difficultés à chercher de la nourriture : en particulier les espèces qui évitent la lumière, telles que le Weta (un grand grillon trouvé en Nouvelle-Zélande). Le Weta passe moins de temps à chercher de la nourriture dans des zones polluées par la lumière artificielle. La lumière artificielle peut aussi faire croire aux insectes que le crépuscule est plus tardif qu’il ne l’est, les rendant non seulement vulnérables au froid, mais suscitant des problèmes pour les pollinisateurs nocturnes, qui manquent l’ouverture des fleurs.

Enfin, les insectes deviennent des proies faciles pour les prédateurs nocturnes : les araignées, les chauves-souris, les rats, les oiseaux de rivage, les geckos et les crapauds ont tous été trouvés en train de se nourrir autour de lumières artificielles.

Coup de projecteur sur l'apocalypse des insectes
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Lutter contre la lumière artificielle abusive

Si la pollution lumineuse est particulièrement dangereuse pour les insectes, c’est aussi l’un des problèmes les plus simples à résoudre. « La lumière artificielle de nuit est un éclairage provoqué par l’homme« , a déclaré Brett Seymoure, écologiste du comportement à la Washington University à St Louis et auteur principal de la revue. Or, contrairement aux menaces naturelles incontrôlables, « une fois que vous éteignez une lumière, la menace disparaît. Vous ne devez pas nettoyer, comme vous le faites avec la plupart des polluants. Je ne dis pas que nous devons nous débarrasser complètement de la lumière la nuit, je pense que nous devons simplement l’utiliser à bon escient « .

Éteindre les lumières inutiles est la solution la plus évidente. On pourrait aussi privilégier l’utilisation de lampes automatiques qui s’allument par détection de mouvements. On pourrait également penser à limiter le champ d’action d’une lampe et ainsi masquer la lumière afin que seule la zone nécessaire soit éclairée. Enfin, il faudrait éviter les lumières bleues/blanches, qui interfèrent avec les rythmes quotidiens. Dans ce cas-ci, les lampes LED apportent déjà de l’espoir, car elles peuvent être facilement réglées pour éviter les couleurs nocives et les trop forts taux de scintillement.

S’il est encore trop tôt pour évaluer le réel impact de la pollution lumineuse, comparé aux autres facteurs de stress, il est important de déjà mettre en place des directives. Ces objectifs de lutte contre la lumière artificielle abusive doivent cependant être réfléchis au niveau national.

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